Secourir un surfeur en difficultés à quelques mètres du bord relève déjà de la gageure. Imaginez maintenant la défi que représente le sauvetage en pleine mer d’un skippeur blessé à plusieurs centaines de kilomètres des côtes.

C’est pourtant ce qui est arrivé au skipper Yann Eliès dans le Vendée Globe 2008.

Jeudi 18 Décembre 2008, vers 10 heures du matin, Eliès se fracture le fémur gauche suite à une décélération brutale de son monocoque Generali stoppé net à 50 km/heure dans le creux d’une vague de l’Océan Indien, à quelques 1500 kilomètres au sud des côtes australiennes… Il effectuait une manoeuvre à l’avant de son bateau quand l’accident s’est produit.

Il a souffert le martyre pour se mouvoir jusqu’au cockpit et il s’est immobilisé sur sa bannette ( = couchette dans un bateau). Il a réussi à déclencher ses balises de détresse et à appeler les organisateurs au secours.

Ce n’est que le lendemain qu’il a pu accéder à sa trousse à pharmacie pour s’auto-administrer de puissants antalgiques (morphiniques) sur les conseils du Docteur Jean-Yves Chauve, grand spécialiste de la Médecine à distance, avec qui il était en contact régulier toutes les 2 heures. Ce médecin conseille les navigateurs depuis son domicile de Guérande selon un protocole rigoureux qu’il a mis au point.

Dès le jeudi, Marc Guillemot, à bord du Safran, s’est dérouté pour rejoindre Yann Eliès et lui apporter un très important soutien psychologique. Les conditions de mer l’empêchaient de le rejoindre à bord du Generali mais il avait néanmoins assuré la famille de Yann Eliès qu’il n’hésiterait pas à prendre tous les risques pour monter à bord du monocoque de son ami si son état l’exigeait. Mais avec des creux de 5 mètres et un vent à 25 noeuds, s’approcher à moins de 100 mètres aurait été de la folie du fait du risque élevé de collision entre les deux bateaux dans une mer aussi formée. Le contact se faisait donc par la VHF car Eliès devait économiser les batteries de son téléphone satellite.

Note de Surf Prévention : Marc Guillemot avait connu pareille mésaventure avec fractures du fémur et du bassin en 1985 sur le catamaran Jet Services IV dans l’Atlantique Nord dans un tragique accident à l’origine de la disparition de Jean Castenet.

Les autorités australiennes se sont concertées avec le Maritime Rescue Coordination Centre de Canberra considéré comme l’équivalent australien des Centres Régionaux Opérationnels de Surveillance et de Sauvetage (CROSS) français. Une frégate médicalisée par la Marine Royale Australienne, l’HMAS Arunta (118 mètres de long), est partie de Perth jeudi soir.

Yann Eliès a donc dû attendre héroïquement plus de 48 heures entre le moment de sa fracture du fémur et le sauvetage. Yann Eliès a évité les complications majeures d’une fracture du fémur que sont une hémorragie massive ou encore une embolie graisseuse qui auraient pu mettre en jeu son pronostic vital.

Etant seul sur son bateau, les seules choses à faire pour Yann Eliès étaient de rester le plus immobile possible pour éviter un déplacement et un saignement du foyer de fracture et d’utiliser ses médicaments antalgiques au mieux en suivant les prescriptions du Docteur Chauve.

La frégate est arrivée sur zone samedi soir. L’idée d’embarquer un hélicoptère sur la frégate avait été abandonnée du fait de la difficulté d’un hélitreuillage sur un monocoque de 60 pieds (tangage important, nombreux haubans, haut mât,…) .Un semi-rigide de type zodiac a été mis à l’eau pour approcher le bateau de Yann Eliès, ce qui n’a pas été chose facile avec la houle persistante et un vent qui avait tout de même commencé à mollir.

Deux hommes dont un médecin ont pu monter à bord du bateau.

Les secours australiens ont conditionné Yann Eliès dans un matelas coquille et l’ont casqué. La partie la plus technique du sauvetage a été le transbordage du brancard de Generali au semi-rigide mais il a été parfaitement éxécuté par l’équipe australienne. Ils ont manoeuvré la quille basculante pour donner à Generali une gîte ( = inclinaison sur un bord ) maximale. Le transfert aurait duré 45 minutes et s’est idéalement déroulé. Des dauphins seraient même venus se mêler à la fête d’après Marc Guillemot.

Yann Eliès conditionné dans un matelas avec casque. Copyright Reuters / Royal Australian Navy.

Le bateau de Yann Eliès a été laissé sur place en position adéquate pour dériver sans dommage jusqu’à ce que l’équipe de Generali vienne le récupérer en mer.

Le Docteur Chauve a transmis tous les éléments médicaux sur Yann Eliès en sa possession au médecin australien, le docteur David Mcllroy.

Les premiers examens réalisés à bord de la frégate militaire ont confirmé la fracture fémorale gauche et ont révélé plusieurs fêlures de côtes.

Le membre inférieur gauche de Yann Eliès a été mis en traction. Il a pu se réalimenter et se réhydrater et les doses d’antalgiques ont été diminuées.

La frégate est arrivée lundi à 4 heures du matin heure française à Freemantle.

Yann Eliès a été transféré au Royal Perth Hospital où il doit être pris en charge en chirurgie orthopédique.

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