Voici l’une des interventions qui m’a le plus marqué en 2011. Pendant le TedX de Biarritz dédié aux Océans, Eric Delion a lancé des pistes de réflexions passionnantes sur ce qui nous rattache à la mer. Nous avons vu récemment qu’il y avait des raisons métaphysiques pour expliquer notre connexion à l’élément marin ; peut-être y a-t-il aussi un attachement viscéral de l’homme à l’océan.

Éric Delion est ostéopathe et surfeur confirmé. Pendant les longs moments passés à attendre les vagues, il s’est demandé pourquoi on éprouve autant de plaisir, de bien-être et de sérénité quand on est immergé dans l’océan. Son expérience d’ostéopathe a beaucoup apporté à sa réflexion par la palpation des tissus vivants.

L’océan-matrice est le milieu qui a vu apparaître la vie sur terre. Ce milieu originel nous a marqué à tel point que nous sommes encore majoritairement constitués d’eau. Plus l’homme est jeune, plus l’eau occupe une place importante : 97% d’eau chez le fœtus qui baigne dans le liquide amniotique, 75% d’eau chez le nourrisson, 70% chez l’enfant, 60% d’eau chez l’adulte. Nos tissus sont imprégnés d’eau : c’est aussi vrai pour le cerveau (75%) que pour un tissu « dur » comme l’os qui contient 50% d’eau. On constate que l’eau diminue au fil de notre vie : nous perdons en souplesse, les tissus deviennent moins élastiques, le corps se densifie et se rigidifie à mesure qu’on avance en âge.

Nous pouvons profiter des bienfaits de l’eau de mer grâce à des cures de thalassothérapie, des activités comme l’aquagym, l’aquabiking, l’aquajogging (ou encore la marche aquatique). Il existe aussi une « ostéopathie aquatique ». L’eau est au centre de nos vies comme en témoigne l’importance de l’hydratation pour notre santé. Remarque : il est d’ailleurs possible de se supplémenter en extraits d’eau de mer.

Eric Delion a voulu pousser sa réflexion au-delà en faisant une comparaison passionnante entre les mouvements liquidiens à grande échelle dans l’océan et ceux à bien plus petite échelle dans et autour de l’embryon.

En ce qui concerne les océans, il rappelle les mécanismes de formation de la houle, de la formation des vagues et le phénomène des marées résultant de l’attraction de la lune et du soleil sur les masses océaniques. Les marées auraient une influence sur notre comportement : il aurait été observé que c’est à l’étale de marée basse que les gens sont le plus tranquilles ; c’est à ce moment de la marée qu’il y aurait le moins de mouvements sur la plage.

Les marées donnent un rythme aux océans mais également à l’écorce terrestre qui bouge elle aussi. Ces mouvements de gonflement/dégonflement des marées se retrouvent chez tous les êtres vivants, et on les retrouve particulièrement dans l’exemple de l’embryogenèse humaine animée par des phénomènes rythmiques d’ouverture/fermeture, d’allongements, de dépression…comme on peut le voir sur une animation accélérée de l’embryogénèse dans la vidéo Youtube. Ces mouvements évoquent à Éric Delion un système comparable à celui des marées.

Éric Delion rappelle plusieurs faits remarquables de notre embryogenèse : le liquide céphalo-rachidien qui baigne notre cerveau et notre moelle épinière provient du liquide amniotique emprisonné au moment de la fermeture du tube neural. Nous gardons donc au contact de notre système nerveux central un vestige du liquide amniotique dans lequel nous baignions pendant notre vie intra-utérine.

Le liquide est primordial pour générer des formes chez l’embryon (c’est la fonction formative de l’eau), et aussi des fonctions. Le meilleur exemple en est donné par le cœur de l’embryon qui ne commence à battre qu’au 21e jour, après la formation des axes vasculaires et la circulation des cellules sanguines primitives (au 16e jour) : autrement dit, la fonction circulatoire existe avant même la création de l’organe du cœur, ce qui illustre l’importance du liquidien et de ses mouvements dans la formation des structures fonctionnelles.

Le génome ne donne pas toutes les clés du développement de l’embryon. L’information apportée par les gènes est nécessaire mais n’est pas suffisante. L’ADN est en quelque sorte le livre de recettes de la vie, mais il ne dit pas qui est le « chef » qui va la mettre en œuvre. On n’a pas totalement élucidé quelles étaient les forces à l’action dans le développement embryologique mais on sait que l’eau traduit l’existence de ces forces, comme si l’eau était le médiateur entre ces forces et le développement de l’embryon.

Pour mieux comprendre comment agissent ces forces, il faut replacer l’embryon dans son environnement avec ses interactions avec la cavité amniotique, le placenta…

Eric Delion pose la question de l’influence hypothétique de la lune et du soleil sur l’embryon : on sait que l’attraction gravitationnelle de la lune et du soleil est à l’origine des marées et qu’elle a une influence sur notre comportement, même si l’exemple donné de l’augmentation des accouchements par pleine lune est discuté.

Comme l’a montré Masaru Emoto, docteur en médecine alternative japonais, l’eau se cristallise différemment en fonction des musiques auxquelles elle est exposée : les cristaux se disposent différemment avec de la musique classique qu’avec du hard-rock. L’eau est impressionnable, que ce soit par un son ou par la lumière. Eric rapproche ces connaissances des travaux réalisés sur la neurosensorialité du fœtus et du nouveau-né. Eric Delion fait référence aux écrits sur les perceptions sensorielles du fœtus et du nouveau-né, et notamment aux recherches sur l’audition prénatale de Marie-Claire Busnel, l’une des auteurs de L’aube des sens. Les bébés pourraient être sensibilisés in utero à certaines mélodies : en leur faisant réécouter la même musique quelques jours après la naissance, les bébés peuvent être apaisés et arrêter de pleurer. In utero, la conduction des sons n’est pas aérienne mais liquidienne. Les nouveaux-nés réagiraient également au son du cœur et à la voix de la mère : si la mère est stressée, le cœur de l’enfant s’accélère. A l’inverse, ils se seraient rendus compte que les bruits de l’océan calment tous les enfants alors qu’aucun d’entre eux n’a été exposé aux bruits de l’océan pendant la grossesse (sauf peut-être le fils de Crystal Dzigas 😉 ). Pourquoi les bruits de l’océan calment-ils les enfants, et les adultes ? Peut-être faut-il remonter aux origines de la vie pour avoir une réponse…

Eric Delion cite Edgar Morin : « J’aime plonger dans la vague qui elle-même plonge au-dessus de moi, m’engouffrer dans elle qui m’engouffre, me défaire en elle, avec elle, puis remonter, réémerger, renaître. Après, et durant plusieurs heures, je me sens mieux que mieux, meilleur. »

Peut-être que le fait de s’immerger dans l’océan, par ses rythmes, par sa substance, réinitialise  une mémoire que nous possédons par rapport à l’origine des formes, par rapport à la substance de la vie. Là se trouvent peut-être les raisons du bien-être et de la sérénité que nous éprouvons à plonger dans l’océan.

Photo : The Underwater Project par Mark Tipple.

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2 Commentaires

  1. Guillaume dit :

    Également une de mes interventions préférées !

  2. mi dit :

    oui le rappel d’une vie intra utérine bercée par la respiration de la mère…

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