La Journée Mondiale de l’Hémophilie qui a eu lieu ce mardi 17 Avril 2012 a été l’occasion de rappeler que le sport n’est pas contre-indiqué aux personnes concernées par cette maladie hémorragique héréditaire. Bien au contraire, l’activité physique est même fortement conseillée car elle permet notamment de renforcer la musculature et d’améliorer la souplesse, à condition que l’activité choisie ait un faible potentiel traumatogène.

Au premier abord, le surf ne paraît pas être l’activité la plus sûre, mais l’hémophilie est-elle vraiment une contre-indication à la pratique du surf ? Nous allons voir qu’il s’agit en fait d’une contre-indication relative, variable en fonction de la sévérité de l’hémophilie et des conditions de pratique du surf.

Il n’existe pas une hémophilie mais plusieurs sortes d’hémophilies en fonction du mode de transmission génétique, des facteurs de coagulation touchés et du taux de ces facteurs qui déterminent le degré de sévérité de la maladie.

De la même façon, il y a de nombreuses façons de faire du surf allant du surf dans les vagues ultra-dangereuses de Teahupo’o au surf tranquille dans les vagues abordables d’Hendaye Plage. C’est bien évidemment dans ce deuxième type de conditions que le surf chez un patient hémophile peut se concevoir, à condition de bénéficier d’un encadrement optimal et du matériel adéquat.

S’il n’est pas le premier sport à conseiller (marche, natation, le tai chi…), le surf ne fait pas non plus partie des sports les plus dangereux formellement contre-indiqués pour les hémophiles (rugby, hockey, boxe…). Dans le tableau ci-dessous, le surf est classé dans la catégorie 3 des sports modérément dangereux.

Le surf peut être envisagé plus sereinement chez des enfants ou des adultes présentant une hémophilie atténuée. Pour ceux ayant une hémophilie modérée à sévère, le surf ne se conçoit que dans des conditions maximales de sécurité. Dans tous les cas, la décision de s’initier à un sport comme le surf doit se faire avec l’accord de son hématologue et de son médecin traitant.

Le choix du matériel est très important : une planche en mousse légère équipée de dérives souples pour limiter la gravité d’une collision avec sa board, une combinaison* éventuellement rembourrée qui pourrait jouer le rôle d’amortisseur des chocs (une mère de famille a d’ailleurs conçu un vêtement de protection en néoprène pour son enfant hémophile en s’inspirant des combinaisons de surf) et un casque pour surfer pour se protéger des impacts crânio-faciaux si fréquents en surf.

Le choix des conditions est primordial : vagues tranquilles sur un spot avec lequel on se sera bien familiarisé au préalable (rochers, courants, …) et surtout avec peu de monde à l’eau. L’encadrement est capital : il doit se faire avec un moniteur diplômé d’état sensibilisé à l’hémophilie en cours particulier (pas question de prendre un cours collectif avec un moniteur pour huit élèves pour débuter).

Témoignage de Matthieu, porteur d’une hémophilie A sévère :

« Une activité physique est une bonne chose pour une personne hémophile, à condition qu’il bénéficie d’un bon encadrement. Si on interdit le sport à un enfant hémophile, il va quand même essayer d’en faire dans son coin, il va acquérir de mauvais gestes et c’est là qu’il risque de se blesser.

Un peu contre l’avis de mes parents et des médecins, j’ai fait du surf dans les vagues de l’âge de 10 ans à 15 ans environ : du bodyboard surtout car la planche en mousse me sécurisait et un peu de longboard. La planche de longboard sur laquelle j’ai essayé me faisait peur car lourde et dure. Je ne me suis jamais blessé dans les vagues mais malheureusement un accident de skateboard a entraîné une hémarthrose de mon genou dont les séquelles m’empêchent aujourd’hui de palmer ou de me lever sur une planche.

Si je devais recommencer le surf, je choisirais plutôt un longboard en mousse. Le shortboard me paraît plus difficile car il demande beaucoup d’appuis et de flexions sur les jambes qui peuvent être traumatisants pour un hémophile.

Le plus important pour moi est de pratiquer dans des vagues douces, comme celles qu’il peut y avoir sur la Côte des Basques à Biarritz, et surtout d’être très bien encadré par un moniteur. J’attendrais de lui qu’il m’explique exactement les gestes justes pour éviter de me blesser ou de faire un faux mouvement, que ce soit pour faire le canard avec le genou, comment se lever, comment bien tomber… Quand tu comprends les bons gestes, tu appréhendes moins et tu risques moins de te blesser.

Il est également très important de bien s’échauffer pour un hémophile avant une session.

Ce qui a changé la donne ces dernières années dans le traitement d’une hémophilie comme la mienne, c’est qu’on administre plus volontiers le traitement de manière préventive. Les facteurs de coagulation (FEIBA®) que je m’auto-administre 2 fois par semaine par voie intra-veineuse limitent bien les risques de saignements. Pour quelqu’un dans le même cas que moi qui voudrait surfer, je conseillerais de pratiquer ce type de perfusion préventive dans les 24 heures qui précèdent une session de surf pour diminuer les risques.

Aujourd’hui même si je ne surfe pas, je mène une vie active qui m’a permis de voyager au Mexique. Je pratique le Yoga Nidra axé sur la méditation et un peu de vélo sur du plat pour entretenir ma forme. »

Note de Surf Prevention : on pourrait généraliser ces conseils aux surfeurs présentant d’autres troubles de la coagulation (maladie de Willebrand…) ou sous traitement anti-coagulant AVK (Préviscan, Sintrom, Coumadine…) ou antiagréagants plaquettaires (Plavix, Aspirine…).

Si vous présentez un trouble de la coagulation et que vous souhaitez témoigner, nous contacter.

Plus d’infos : Association Surf Thérapie pour rendre le surf accessible aux personnes malades.

Lire aussi : comment arrêter une hémorragie chez un surfeur ?

Référence : http://www.hemophiliavillage.com/hemophilia-info-center/healthy-living-with-hemophilia/staying-active/default.aspx

* il faudrait réfléchir à développer un prototype de combinaison de surf pour surfeur hémophile avec rembourrages au niveau des coudes et des genoux et soutiens au niveau des chevilles.

A propos de l'auteur :

Médecin, surfeur, blogueur. Auteur des livres Surfers Survival Guide, Surf Thérapie et DETOXseafication.

 

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1 commentaire

  1. M.@.C dit :

    Bonjour,

    rien est interdit pour un hémophile, il faut juste qu'il fasse un peu plus attention que les valides.

    Je suis hémophile A sévére et cela ne m'a pas empeché de faire 15 ans de motos par exemple(europe/usa). Mainenant avec l'age de raison, je suis passé au camping-car. C'est beaucoups plus facile pour stoker les produits mais qu'est ce que je me traine sur la route … ;o)

    http://lemofile.blogspot.fr/

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