Après la menace sur les spas aux Maldives dont nous avions parlé sur Surf Prevention, les locaux pourraient bien se voir dépossédés des meilleures vagues de leurs îles par des intérêts étrangers, et notamment de gros investisseurs hôteliers.

En cause, la privatisation des spots liée au développement des Resorts sur l’archipel qui pourrait bien entraîner l’impossibilité d’accéder à quelques-uns des meilleurs spots des Maldives pour les surfeurs locaux, et tous ceux qui y viennent en surf trip. Seuls les clients de ces hôtels de luxe auraient alors accès aux vagues…

Depuis les années 80, les Maldives sont une destination très prisée des surfeurs pour ses vagues parfaites et relativement faciles, surfables en maillot de bain toute l’année. Pour éviter l’écueil de l’urbanisation anarchique qu’on retrouve à Waikiki ou à Bali, les Maldives ont encouragé un développement à petite échelle dans l’espoir de minimiser l’impact environnemental lié à l’essor du tourisme. Cette politique pourrait se résumer par le slogan “One Island, One Resort” (Une île, Un resort). Mais le gouvernement maldivien offre également aux propriétaires des droits s’étendant jusqu’à 700 mètres au large à partir de la limite de la végétation de l’île, ce qui englobe donc généralement les reef breaks situés devant. C’est cette loi qui a déjà conduit à la privatisation des spots de Pasta Point et Lohifushi.

Et c’est ce qui pourrait également arriver sur la magnifique île paradisiaque de Thanburudhoo où un projet hôtelier menace l’accès aux vagues de classe mondiale autour de l’île, à savoir la droite de Sultans (voir les vidéos de Occy à Sultans) et la gauche de Honkies (vidéos ci-dessous).

C’est la société d’investissements basée à Singapour Telos Investment qui aurait contacter le gouvernement maldivien pour louer l’île de Thanburudhoo pour 50 ans et créer un projet pharaonique baptisé Five Islands incluant du « World Class Surfing » et… le premier parcours de golf de 18 trous aux Maldives o_O !

En ce qui concerne l’accès aux spots de Sultans et Honkies, le deal initial prévoyait un accès aux surfeurs locaux seulement deux fois par mois !!! Les dernières négociations auraient avancé vers deux fois par semaine (le vendredi matin et le samedi après-midi)…

Les surfeurs sont vent debout contre cette proposition et ils réclament un accès illimité au spot. Un spot de surf ne fonctionnant pas comme un cours de tennis ou un stade de football, il serait compliqué de faire accepter aux surfeurs des créneaux horaires restreints pour y accéder, et pendant lesquels ils n’auraient bien évidemment aucune garantie que les conditions de surf soient au rendez-vous !

Les discussions sont en cours et rien n’est encore acté pour le moment. Telos Investment se montre ouvert à la réflexion et a demandé l’avis consultatif du Center for Surf Research pour s’assurer d’un développement durable au niveau écologique et social du surf aux Maldives. Mais rien ne dit que des impératifs de rentabilité économique ne pèseront pas lourdement dans la balance (un resort avec accès privatif à 2 spots world-class comme Honky’s et Sultans n’ayant évidemment pas la même valeur marchande que s’il s’agit de spots ouverts au public).

Nous avons interrogé un habitué des lieux, Antony « Yep » Colas de MALDIVESURF, sur la situation. Voici sa réaction:

« Ce serait une tragédie pour beaucoup: les surfers locaux, les proprios de bateaux, les aficionados de ces spots et pour la liberté d’accès aux spots en général.

La zone de Nord Malé compte 8 spots principaux dont 2 sont en accès privatifs (les gauches de Pasta Point par Chaaya Dhonveli Resort et Lohis par Huduranfushi Resort). La zone de Nord Malé reste malgré tout très attractive pour tous les surfers qui y voyagent et donc pour les opérateurs qui y font tourner bateaux, guesthouse et autre resorts.

Si Thamburudhoo venait à se privatiser, l’offre en bateau se resserrerait sur un nombre de spots trop restreint et rendrait la situation dans l’eau assez explosive. Au final, les happy fews de Thamburudhoo feraient diminuer le marché dans une proportion importante, ce qui ferait moins de revenus pour tous les entrants locaux notamment.

Quand Fiji a fait ses calculs, ils ont déprivatisé les spots de Namotu / Tavarua / Cloudbreak pour augmenter le volume global de surfers sur la zone. Et ça a marché.

Economiquement, privatiser Thamburudhoo est un mauvais calcul pour le tourisme aux Maldives. Les Maldiviens vont le comprendre mais le problème, c’est que ce sont les militaires qui vont décider puisque l’île leur appartient. Ils ont déja privatisé l’île pour une journée quand Mr Abramovitch, le milliardaire russe, est venu « surfer » en jetski avec ses amis.

On pourrait donc s’attendre au pire mais:
1/ rien n’est décidé ;
2/ 2-3 ans seront nécessaires pour finaliser l’exclusion de la zone ;
3/ de nombreuses voix s’élèvent contre le projet.

J’y serai la semaine prochaine, j’en saurai un peu plus. »

En savoir plus: http://www.surfermag.com/features/maldives-controversy/

Signez la pétition S.O.S. (Save Our Surfing) des surfers des Maldives sur Avaaz: https://secure.avaaz.org/en/petition/Say_NO_to_surf_exclusivity_in_the_Maldives/sign/

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6 Commentaires

  1. Voilà le genre de décision qui montre la position dominante de l'argent face à la passion et aux loisirs de tous…

    C'est dommage de limité l'accès à l'océan qui appartient à tous…

    • clo dit :

      Justement la preuve en est que l'océan n'appartient pas à tous,il est un territoire comme un autre(surtout lorsque la terre commence à manquer)….
      L'argent l'argent……….

  2. pez dit :

    le cancer de l'ultralibéralisme…mais on va nous dire que c'est inévitable… empêcher cela reviendrait à être rétrograde…je souhaite que les locaux foutent le bordel dans ses resort de c…….

  3. Claire dit :

    Cette situation risque de défavoriser le pays et ils vont s’en mordre les doigts. Si les passionnés de surf ne peuvent plus s’adonner librement à leur sport favori, ils vont tout simplement aller ailleurs, là où ils peuvent profiter gratuitement des vagues. Pourquoi ceux qui ont déjà beaucoup d’argent cherchent-ils toujours à en avoir encore plus et à tout acheter ?

  4. Pedro dit :

    Heureusement que cette politique a échoué:
    http://fr.surfatoll.com/2014/03/thamburudhoo/

    Il faut empêcher la privatisation mais qd même réguler d’une certaine manière les bateaux/opérateurs qui desservent des clients sur les spots.

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