Les modes de vie contemporains ont pour réputation d’être stressants, et le surf est une discipline reconnue pour le bien-être qu’elle procure à ses adeptes. Reste à préciser les liens entre ces deux préceptes afin de comprendre comment s’inspirer du surf pour mieux gérer son stress.

Quelques précisions sur la notion de stress.

Explorée dans les années 1950 par des physiologistes, la notion de stress s’est popularisée il y a quelques années jusqu’à s’octroyer l’étiquette de « mal du siècle ». Une connotation bien négative qui fait oublier que le stress, défini comme une réaction adaptative à son environnement, est indispensable à la vie. Sur un passage piéton, si un coup de klaxon ne nous causait aucun stress, nos muscles ne s’activeraient pas pour rejoindre rapidement le trottoir. Il serait donc bien inutile de vouloir éradiquer le stress. Toutefois, il est nécessaire de distinguer le stress gênant, qui vous bloque ou vous fait perdre vos moyens, du stress aidant qui vous stimule et affûte vos capacités.

Nous développons tous des stratégies spécifiques pour gérer le stress gênant, sans qu’elles soient nécessairement efficaces ou suffisamment diversifiées. La catégorie des stratégies récurrentes qui s’avèrent inopérantes à long terme est vaste : fumer une cigarette, absorber de l’alcool, grignoter des composés gras/sucrés, exploser de colère pour une broutille insignifiante, etc. La pire des stratégies reste l’intériorisation, le fait de prendre sur soi continuellement ; c’est une porte béante sur les insomnies, problèmes de peau et de digestion, somatisations en tous genres qui, à leur tour, génèrent du stress. Alors, comment font les surfeurs pour mieux gérer tout ça ?

Le stress des surfeurs.
Le surf confronte ses pratiquants à des situations de stress multiples. Cela les aide à diversifier leurs stratégies pour y faire face lorsqu’ils sont à l’eau et leur permet de transférer ces acquis dans leurs vies professionnelles et personnelles. Voici quelques exemples de leur savoir-faire en la matière.

Avant d’aller à l’eau, le surfeur diminue son stress ou son appréhension en ritualisant sa préparation : écoute de musiques stimulantes sur le trajet, enfilage méticuleux de la combinaison, application de wax sur la planche, observation des vagues… nous ressentons souvent des stress d’appréhension, qui nous submergent avant l’événement potentiellement stressant. Il peut être diminué par la création de routines ou la concentration sur des gestes simples et appliqués.

Pour ramer vers le large, le surfeur gère des pics de stress ponctuels lorsqu’il doit passer une barre particulièrement houleuse ou qu’un courant l’emporte où il ne souhaite pas aller. Dans ces situations, il utilise sa respiration pour ralentir son rythme cardiaque qui s’emballe dans l’effort et se concentre sur une analyse technique de la situation pour ne pas se laisser submerger par la panique. Un stress présent peut être rapidement géré en se concentrant à la fois sur l’émotion (retrouver son calme par la respiration) et sur le problème (analyser rationnellement la situation).

Le surfeur qui s’élance dans une vague se laisse emplir de stress et utilise l’adrénaline comme source d’énergie positive. Cela lui permettra de déployer la concentration et la tonicité musculaire nécessaires à ses manœuvres dans l’eau, puis se prolongera bien après la session en lui dopant le moral dans tout ce qu’il réalise. Rechercher des stress positifs et s’en servir pour recharger ses batteries permet d’améliorer la qualité de vie, même quand le reste de la journée est ennuyeux ou pénible.

En chutant dans une vague imposante, le surfeur sait d’expérience qu’une lutte désordonnée serait inopérante pour sortir la tête de l’eau ; la vague est plus puissante que l’action de tous ses muscles réunis. Il utilisera alors des sensations rassurantes, voire des visions apaisantes, comme un rayon de soleil qui transperce l’eau, les courants qui se faufilent autour de ses membres, les bruits feutrés du monde marin… tout ce qui lui permet de retrouver son calme lui fait économiser des ressources précieuses en oxygène. Dans des situations de stress intense, il est indispensable d’avoir en soi des ressources pour « décrocher » et s’apaiser rapidement, plutôt que de lutter inefficacement contre des choses sur lesquelles nous n’avons pas d’emprise. C’est dans ce calme retrouvé que les bons gestes, les bonnes attitudes peuvent émerger.

Enfin, le surfeur qui a accumulé problèmes et tensions dans sa vie terrestre utilisera sa session de surf pour se détendre. Ça ne résoudra pas ses problèmes, mais il s’octroiera deux ou trois heures de sérénité et déchargera dans l’eau ses ondes négatives. Comment au juste s’y prend-t-il ?

1)     Il change de costume : la tenue de travail, les fringues des villes avec tous leurs codes sociaux, les couches de vêtements multiples sont retirées pour enfiler une peau de poisson… et ça change déjà tout.

2)     Il se connecte à la réalité présente, au paysage, à l’immensité de l’eau, au déferlement des vagues, aux lumières particulières qui baignent un décor pourtant bien connu et à tous les détails qui rendent le moment unique… sans penser à ce qui s’est passé avant ou ce qui arrivera après.

3)     Il se défoule physiquement, en engageant toute son énergie vitale dans chaque vague à laquelle il cherche à se confondre, en ramant au-delà de sa force perçue pour s’introduire dans la vitesse d’un courant marin. Laisser parler le corps fait beaucoup de bien à la tête.

4)     Il accumule des sensations agréables, comme le glissement de l’eau dans ses doigts, la chaleur d’un rayon de soleil sur son visage, l’odeur des embruns, la sensation de vitesse, la force des vagues qui le portent… avec ses sens en éveil, il capte tout ce qui peut lui faire du bien.

5)     Il relativise, et sent la petitesse de ses problèmes humains qui se confondent à l’infinitude de l’océan, à l’intelligence de la Nature.

Ce bon sens déployé dans l’eau peut aisément être transféré à chaque situation du quotidien. Quand une journée à été difficile, il est aisé de changer de tenue vestimentaire, d’aller admirer un paysage inspirant, d’y engager son énergie en marchant, courant, nageant ou en œuvrant à créer quelque chose, puis de se satisfaire de tout ce qu’on y observe de beau pour enfin se sentir délivré de problèmes somme toute bien anodins. Les difficultés sont toujours là, mais le stress est sorti de vous. Il ne s’accumulera pas pour déverser ses effets pervers, et vos sens seront prêts à imaginer des solutions constructives. Bonne rame à tous, dans la joie d’une adrénaline accumulée et la sérénité d’un stress bien géré.

A propos de l'auteur :

Je suis psychologue du travail, formatrice et rédactrice indépendante. Passionnée par les sports de glisse que j’ai découverts tardivement, je m’intéresse aux apprentissages que l’on peut faire tout au long de la vie, au contact des milieux naturels. Suivez-moi sur www.mariannecesar.com

 

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5 Commentaires

  1. boris de biarritz dit :

    sympa ton article, on voit que tu as bien analysé ce qui se passe dans nos têtes de surfers !

    Boris

  2. Jérôme dit :

    Une approche originale et réfléchie, étonnant!

  3. surfnoumea dit :

    Bon article, si en plus on peut surfer avec Alana Blanchard, alors la le stress n’existe plus..

  4. sebastien dit :

    Excellent article. merci chere consoeur

  5. peut etre qu’un jour les cours de surf seront pris en charge par la sécu qui sait. Cela vaudra mieux que des médicaments

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