On entend souvent que l’océan est de plus en plus pollué et que les poissons font les frais de cette contamination avec des taux de polluants toujours plus importants. La réalité serait toute autre : il semblerait que la contamination des poissons soit au plus bas depuis des décennies si on se fie à une étude réalisée par des scientifiques de la Scripps Institution of Oceanography en Californie.

A partir d’une revue de la littérature de 2662 études publiées entre 1969 et 2012, les chercheurs se sont intéressés aux concentrations en polluants organiques persistants (POPs) comme le mercure, les PCB, les pesticides organochlorés (DDT et chlordane) et les retardateurs de flamme bromés (polybromodiphényléthers ou PBDE) dans les poissons pêchés dans l’Océan Pacifique, l’Océan Atlantique, l’Océan Indien, la Mer Méditerranée ou la mer Baltique.

Les chercheurs ont observé une chute significative et régulière (de 15 à 30% par décennie) de tous ces polluants connus pour s’accumuler dans la chair des poissons : la décroissance la plus importante était observée pour les PCB avec une baisse de plus de 90% sur 40 ans.

Pour l’auteure principale de cette étude, Lindsay Bonito : « Ces résultats signifient que le poisson consommé aujourd’hui contient à peu près la moitié de la concentration en polluants comparé au même poisson mangé par vos parents à votre âge. » Pour les polluants recherchés dans l’étude, la concentration était significativement plus élevée dans les années 1980.

En confrontant leurs données avec les recommandations de consommation de poisson par les autorités de santé (2 à 3 portions par personne par semaine), ils se sont rendus compte que le niveau moyen de contaminants était inférieur ou égal aux normes sanitaires fixées par l’U.S. Environmental Protection Agency (EPA), notamment pour le mercure ou les PCBs dans le cadre d’une consommation occasionnelle.

Les chercheurs en concluent que les réglementations environnementales pour la qualité de l’eau, la convention de Stockholm sur les polluants organiques persistants signée en 2001, les poursuites en justice et la pression des ONG environnementales et du grand public ont conduit à une réduction des polluants industriels et agricoles qui finissent dans les rivières et les océans.

Mais attention, ces moyennes cachent une grande variabilité d’un poisson à un autre dont la contamination en POPs peut varier de 1 à 1000 : ce qui veut dire que certains poissons ont un niveau de contamination incompatible avec une consommation régulière.

Problème : il n’y a presque aucun moyen de savoir à quel niveau un poisson est contaminé à l’heure actuelle !

Ne vous fiez pas en tous cas à la croyance qui dit que les petits poissons sont moins contaminés que les gros en haut de chaîne alimentaire. Certains prédateurs peuvent avoir tendance à bioaccumuler les polluants mais c’est très loin d’être un cas général. Des petits poissons comme les sardines ou les maquereaux peuvent être plus contaminés que de l’espadon ou du requin par exemple.

Il n’y a pas non plus de zones plus sûres que d’autres pour pêcher du poisson peu contaminé, et ceci pour une raison simple : les poissons peuvent migrer sur des milliers de kilomètres et s’exposer à des zones plus ou moins polluées. Même au sein d’un banc de poisson, le niveau de toxines peut grandement varier d’un poisson à un autre. Tomber sur un poisson plus ou moins contaminé revient donc au hasard.

De nos jours, il est possible de savoir si un poisson a été pêché en mer ou si c’est un poisson d’élevage, on peut savoir si sa consommation est durable, mais nous n’avons pas de moyen simple à disposition pour savoir si le poisson est contaminé ou pas. A l’heure actuelle, les analyses chimiques pour les produits de la mer sont limitées et onéreuses. Et il n’y a pas de règle pour savoir si le poisson est contaminé ou pas selon son espèce et sa zone de pêche (les chercheurs n’ont pas réussi à établir de critères reproductibles). L’avenir appartient donc à de nouvelles technologies pour tester rapidement un poisson à différents types de contaminants.

Même si cette étude rassure sur la contamination globale à des polluants maintenant bien connus (et interdits depuis plusieurs années pour certains), il ne faut pas oublier que des polluants émergents apparaissent en continu dans nos sociétés développées. A l’heure actuelle, on étudie l’impact et les seuils acceptables pour des polluants pris isolément, mais c’est l’effet « cocktail » de leur combinaison au sein d’un même poisson qu’il faudra mieux évaluer dans les années à venir.

Avec près de 3 milliards de personnes dans le monde qui dépendent du poisson comme source principale de protéines (pour 4,3 milliards de personnes, le poisson représente au moins 15% de l’apport en protéines animales), il est crucial de continuer à améliorer la qualité des masses d’eau océaniques pour réduire toujours plus le niveau de contamination des poissons.

En attendant, des règles simples* peuvent nous aider à diminuer les risques liés à la consommation de poisson :

*Mieux vaut varier les poissons en préférant manger des petites quantités de différents poissons plutôt qu’une grande quantité d’une espèce unique.
*Consommer préférentiellement les filets de poissons qui sont les parties les plus nobles et les moins contaminées. A contrario, éviter la consommation des viscères qui peuvent concentrer les polluants.
*Enlever la peau du poisson, et essayer de couper la graisse visible car de nombreux polluants sont stockés au niveau de la graisse ;
*Utiliser une méthode de cuisson qui permet aux jus contenant les toxines d’être drainés en dehors du poisson : cuisson au four, grillade, cuisson à la vapeur…
*Toujours bien faire cuire le poisson ;
*En cas de grossesse, limitez votre consommation de poisson et parlez-en à votre médecin.

*California’s Office of Environmental Health Hazard Assessment

Référence :

Bonito LT, Hamdoun A, Sandin SA. (2016) Evaluation of the global impacts of mitigation on persistent, bioaccumulative and toxic pollutants in marine fish. PeerJ 4:e1573 https://doi.org/10.7717/peerj.1573

Source : https://scripps.ucsd.edu/news/study-finds-toxic-pollutants-fish-across-worlds-oceans

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A propos de l'auteur :

Médecin, surfeur, blogueur. Auteur des livres Surfers Survival Guide, Surf Thérapie et DETOXseafication.

 

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1 commentaire

  1. Arthurbg dit :

    EXEMPLE édifiant :

    En 1: les fruits et légumes contaminés avec quelques ppm (partie par million) de pesticides PROBABLEMENT cancérigènes

    En 2: Poissons et produits issus de la mer et contaminés par : dioxines, polluants organiques persistants (POPs) comme le mercure, les PCB, les pesticides organochlorés (DDT et chlordane) et les retardateurs de flamme bromés (polybromodiphényléthers ou PBDE) , microparticules de plastiques DONT la nocivité est CERTAINE !

    Un acharnement sur le 1er problème et si peu sur le second, comment expliquer ?

    On déconseille de manger NON BIO…..on conseille toujours de manger du poisson, même si en limitant à 3 fois par semaine , mais discrètement !

    Vous avez dit …BIZARRE…
    Le problème est qu’il est difficile de présenter une situation en affirmant qu’on sait peu de choses, qu’il y a plusieurs théories et pas de certitudes et que demain sera sans doute un autre jour !
    SURTOUT très peu d’études fiables, même en médecine: le Cholestérol: un roman feuilleton !

    Trop souvent, on prendra position, on évitera soigneusement de présenter les arguments qui dérangent….VENDRE et SE VENDRE à tout prix !

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