ran ortner painting

Ne vous êtes-vous jamais senti inspiré en sortant d’un bain de mer ou d’une session de surf ? Il semblerait que le contact avec le milieu marin ait des vertus pour stimuler notre créativité.

Écrivains, peintres, photographes, musiciens, réalisateurs… de nombreux artistes de Victor Hugo à Baudelaire en passant par Pablo Neruda et son Ode à la Vague ont glorifié la source inépuisable d’inspiration que constitue l’océan.

L’écrivain italien récemment disparu Umberto Eco disait : « Les idées me viennent quand je nage dans la mer. »

L’écrivain neurologue Oliver Sacks, auteur de L’homme qui prenait sa femme pour un chapeau, arrivait à vaincre le syndrome de la page blanche en nageant pendant des heures, parfois même de nuit, dans le détroit de Long Island. Il écrivit : « J’ai l’impression que j’appartiens, que nous appartenons tous, à l’eau. » Dans un article du New Yorker, il ajouta : « Il y a quelque chose qui se passe quand on est dans l’eau en train de nager qui modifie l’humeur de l’écrivain, qui fait redémarrer ses pensées, comme rien d’autre ne peut le faire. Les théories et les histoires se construisent toutes seules dans sa tête quand il va et vient en nageant… Les phrases et les paragraphes s’écrivent tous seuls dans sa tête, et à ces moments, il doit souvent ressortir de l’eau pour les retranscrire. »

Certains artistes trouvent dans l’océan une source d’inspiration pour le décor de leur œuvre (exemple de la Grande Vague de Kanagawa), d’autres y puisent une énergie créatrice.

L’archétype de l’artiste imprégné par l’océan est le peintre surfeur Ran OrtnerIl a pour thème de prédilection l’océan, encore l’océan, toujours l’océan et rien que l’océan ! En voyant ses toiles géantes, on a la sensation d’être en immersion en pleine mer. Ses peintures sont si réalistes qu’on a l’impression qu’il s’agit de photographies.

Pour Ran Ortner  : « En tant que surfeur, la connexion à l’eau est très particulière : l’intimité de l’engagement avec l’océan est profond. Je surfe, et je retourne peindre, puis je retourne surfer… Il y a quelque chose de dévotionnel là-dedans. L’océan reflète le tempo de mon corps, le battement de mon cœur, les mouvements de ma respiration. Dans l’océan je suis immergé dans le temps présent. Et en même temps, je sens la racine du temps dans cette étendue d’eau ancestrale qu’est l’océan. Dans son déferlement pulsé, je retrouve l’espace sauvage des origines de la Nature… L’océan est l’endroit où je baigne mes blessures, où je me perds dans l’infini. Rien n’est plus symphonique, plus effervescent et plus délicatement complet que la mer infinie. »

Il n’y a pas que les artistes qui profitent des propriétés inspirantes de l’océan : c’est aussi le cas du scientifique qui va résoudre un problème, de l’inventeur qui va trouver une idée géniale et s’écrier « Eurêka ! » en sortant de l’eau, ou encore l’entrepreneur qui va imaginer un business plan ou une stratégie de développement pendant une session de surf.

Dans tous les cas, un séjour en bord de mer peut s’avérer bénéfique pour booster son imagination et sa créativité. En témoignent les nombreux artistes qui ressentent le besoin de se ressourcer au bord de l’océan. Il n’y a qu’à voir la liste d’artistes ayant séjourné dans une station balnéaire comme Biarritz : Pablo Picasso et ses Baigneuses, Victor Hugo, Gustave Flaubert, Coco Chanel… Biarritz a aussi été un grand rendez-vous annuel du surf-art et continue d’attirer des artistes contemporains de tous horizons.

Force est de constater qu’on est plus inspiré après avoir passé du temps sur une planche de surf ou en nageant en mer qu’on ne l’est assis devant un écran d’ordinateur. On a l’impression que plus on reste assis, plus les pensées et la vivacité d’esprit s’étiolent. A contrario, dès que l’on se remet en mouvement dans un environnement naturel, les pensées semblent s’ordonner, s’éclaircir et les idées viennent spontanément.

C’est dans le chaos de l’Océan que l’on peut remettre de l’ordre dans ses idées. On retrouve de la clarté d’esprit dans les eaux parfois troubles de l’océan. L’océan permettrait une sorte de détoxification psychique en désembrumant l’esprit et en fluidifiant l’idéation.

On pourrait se dire qu’il vaut mieux créer face à l’océan, mais son pouvoir de fascination et d’éMERveillement est tel qu’il est parfois difficile de se concentrer devant sans être distrait.

Personnellement, je trouve souvent l’inspiration pour mes articles de blog ou mes livres dans l’océan. Ce n’est que lorsque j’y ai puisé les bonnes idées, que je retourne m’asseoir à mon bureau pour les écrire. Quand je ne peux pas aller dans l’eau pendant une longue période (quelques jours semblent déjà une éternité), je me retrouve en panne d’inspiration, ou j’avance péniblement.

Je vais régulièrement au bord de l’océan pour trouver l’inspiration. Parfois, quelques minutes dans l’eau suffisent à faire fuser les idées. Du coup, il m’arrive de sortir rapidement de l’eau ; c’est le concept des sessions très courtes (short sessions) pendant lesquelles je m’amuse à repérer ce moment précis où on commence à se sentir mieux dans l’eau, comme si la chape de plomb sur notre cerveau se dissolvait subitement dans l’océan.

On sait qu’une session n’a pas besoin d’être longue pour être efficace sur notre bien-être psychique. En témoigne cette étude sur les bienfaits d’une session de 30 minutes qui suffit à renforcer les émotions positives. Mais cela va bien au-delà de ça, puisqu’en plus de nous sentir mieux, nous sommes également plus productifs avec les idées plus claires et des capacités de réflexion renforcées.

Que dit la science sur le sujet ?

Notre cerveau semble mieux fonctionner quand il est exposé à un environnement naturel. Différentes études corroborent la théorie qu’être dans la Nature stimulerait l’attention et la créativité, comme cette étude intitulée « Créativité dans la Nature : amélioration du raisonnement créatif par une immersion dans un cadre naturel » réalisée par les départements de psychologie des Universités du Kansas et de l’Utah aux Etats-Unis.

56 adultes sont partis en expédition en pleine nature pendant 4 à 6 jours dans différents endroits (Alaska, Colorado, états du Maine et de Washington) sans emporter le moindre accessoire de technologie électronique (ordinateur, smartphone, etc.). Une partie des randonneurs était interrogée avant le départ en randonnée, les autres répondaient au bout de 4 jours d’immersion en pleine nature.

Le test pratiqué était le Remote Associates Test (RAT) de Mednick qui mesure la pensée créative et la perspicacité pour résoudre un problème. 3 mots sont donnés et la personne doit trouver le 4ème mot par association d’idée. Les résultats ont montré que ceux qui avaient vécu déconnectés pendant 4 jours dans un espace naturel obtenaient des scores supérieurs de 50% au test, par rapport à ceux qui n’étaient pas encore partis.

Le test RAT sollicite les zones du cortex préfrontal, siège des fonctions cognitives supérieures indispensable au processus créatif. Les chercheurs émettent l’hypothèse que cette zone du cerveau est sur-sollicitée par les stimuli répétitifs et soudains de la vie moderne : messages, alertes, notifications, sonneries, fils d’actualités… qui nous obligent en permanence à détourner notre attention et finissent par surmener le cortex préfrontal.

Pour restaurer les capacités attentionnelles et permettre à notre cerveau de mieux fonctionner à nouveau, une immersion dans la nature peut permettre à notre système attentionnel de se régénérer. C’est la Théorie de la Restauration de l’Attention (Attention Restoration Theory ou ART) qui suggère que la nature a des effets réparateurs sur le cortex préfrontal qui joue un rôle important dans le contrôle de l’attention. Les stimuli générés par un environnement naturel sont plus doux et paisibles et permettent à notre cerveau de se réinitialiser en quelque sorte. Nous venons de voir que 4 jours en pleine nature avaient un effet positif, mais des expositions aussi minimales que voir les arbres ou voir la mer par sa fenêtre ont aussi des effets bénéfiques sur notre fonctionnement cérébral.

S’immerger dans un environnement naturel serait donc bon pour l’attention et la créativité. Le milieu marin semble particulièrement propice pour se ressourcer et stimuler sa créativité.

Et pour ceux qui sont loin du bord de mer, reste encore la salle de bains utilisée par différents écrivains pour trouver l’inspiration sous la douche ou dans un bon bain !

References :

Atchley RA, Strayer DL, Atchley P (2012) Creativity in the Wild : Improving Creative Reasoning through Immersion in Natural Settings. PLoS ONE 7(12): e51474. doi:10.1371/journal.pone.0051474 / http://www.plosone.org/article/info:doi/10.1371/journal.pone.0051474

Berman MG, Jonides J, Kaplan S (2008) The cognitive benefits of interacting with nature. Psychological Science 19(12): 1207. doi: 10.1111/j.1467-9280.2008.02225.x

Kaplan S (1995) The restorative benefits of nature: Toward an integrative framework. Journal of Environmental Psychology 15(3): 169–182. doi: 10.1016/0272-4944(95)90001-2

Hartig T, Mang M, Evans GW (1991) Restorative effects of natural environment experiences. Environment and Behavior 23(1): 3–26. doi: 10.1177/0013916591231001

Tennessen CM, Cimprich B (1995) Views to nature: Effects on attention. Journal of Environmental Psychology 15(1): 77–85. doi: 10.1016/0272-4944(95)90016-0

A propos de l'auteur :

Médecin, surfeur, blogueur. Auteur des livres Surfers Survival Guide, Surf Thérapie et DETOXseafication.

 

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