Traumatismes abdominaux en bodyboard
Les études sur la traumatologie en surf ne sont pas légion, celles sur les traumatismes en bodyboard sont encore plus rares…
J’ai quand même pu dégoter une étude très intéressante publiée en 2002 dans « The Medical Journal of Australia » sur les traumatismes de l’abdomen des bodyboardeurs.
On croit toujours que la planche de bodyboard en mousse n’est pas dangereuse à côté d’une planche de surf dure avec un nose pointu et des ailerons acérés. Cette étude a tendance à démontrer le contraire : on peut se blesser sévèrement avec son bodyboard : 3 adolescents en ont fait les frais sur des spots du Queensland entre Février 1998 et Mars 1999. Ils ont tous trois été victimes de traumatismes abdominaux graves ayant nécessité une hospitalisation.
Le 1er patient, un jeune garçon de 14 ans, s’est pris sa planche dans le ventre après s’être fait « boîter » par une vague sur le banc de sable. Dans les heures qui ont suivi, il a ressenti une douleur abdominale latéralisée à gauche d’aggravation progressive. A son admission à l’hôpital, 6 heures après le traumatisme, il était pâle, douloureux (mal au ventre), avec un pouls à 120 battements par minute et une tension artérielle à 110/60 mmHg. A la palpation abdominale, on retrouvait une sensibilité de l’hypochondre gauche avec une défense abdominale. Le scanner abdominal a révélé une plaie de la rate atteignant le hile. Ce patient a nécessité une surveillance rapprochée à l’hôpital mais n’a pas eu besoin d’intervention chirurgicale ou de transfusion sanguine.
Le patient 2, un enfant de 12 ans, a été heurté par derrière par une grosse vague alors qu’il tentait de la suivre jusqu’au bord. Le nez de sa planche s’est planté dans le sable et l’un des coins de la base de sa board est venu s’enfoncer brutalement dans le haut de son ventre. Aux urgences, 16 heures après le traumatisme (il fallait y penser à distance du choc…), il avait mal sous les côtes à droite (hypochondre droit) et on retrouvait également une défense. Le scan abdo. à révélé une large plaie du lobe droit du foie avec un épanchement intra-péritonéal. Le patient a été surveillé attentivement en service de chirurgie pendant une semaine et les échographies abdominales de contrôle ont montré une évolution satisfaisante de la lésion avec guérison sans séquelle à 4 mois.
Le patient 3 était une jeune bodyboardeuse de 15 ans qui est entrée en collision avec son bodyboard après une chute et qui a ressenti une douleur abdominale immédiate devenant rapidement intense. A l’hôpital, 2 heures après la chute, elle présentait des signes de choc hémorragique avec une tachycardie (130 battements cardiaques par minute), une hypotension artérielle à 90/50 mmHg et des vertiges. Une échographie abdominale a révélé un épanchement intra-péritonéal important. Une laparotomie a été nécessaire pour diagnostiquer l’origine de l’hémorragie : les 500 mL de sang retrouvés dans la cavité péritonéale provenaient d’une plaie hépatique (= du foie) qui a nécessité une hémostase chirurgicale. Les suites opératoires ont été favorables pour la jeune fille qui a pu regagner son domicile 4 jours plus tard.
Ces 3 cas cliniques sont très instructifs. Ils rappellent que le bodyboard n’est pas une activité aussi « safe » qu’on veut bien le faire croire aux enfants, aux estivants et aux débutants (les bodyboardeurs expérimentés s’exposent encore plus en tentant des figures radicales et en prenant plus de vitesse sur les vagues).
Même en ne faisant que suivre une vague, il suffit que la planche pique du nez et se plante sur le fond marin (sable ou récif) pour que le bodyboardeur puisse venir s’empaler douloureusement sur la base de son bodyboard ou sur l’un des angles inférieurs (cf. shéma ci-dessus).
Ce mécanisme d’accident spécifique au bodyboard du fait de la longueur, de la consistance de la planche et de la manière de l’utiliser couché (en prone) doit être connu par les sauveteurs ou par les médecins des zones côtières où cette activité est pratiquée pour ne pas passer à côté d’une lésion grave. Une douleur abdominale après une chute chez un bodyboardeur doit être prise au sérieux : un avis médical, une échographie ou un scanner abdominal doivent être demandés au moindre doute sur une douleur abdominale.
Cette étude doit également être prise au sérieux par les concepteurs de ce type de planches pour adopter le shape le moins traumatisant possible à la base des planches (longueur des planches, consistance molle, concave, coins moins aigus,…).
Pour prévenir ce genre de traumatisme, on pourrait conseiller aux bodyboardeurs, non sans humour, de faire plus de drop knee…
N’hésitez pas à réagir à ce sujet en laissant un commentaire.
Références de l’étude : Kelvin L. Choo, John B. Hansen and Deborah M. Bailey. Beware the boogie board : blunt abdominal trauma from bodyboarding. MJA 2002; 176 (7): 326-327.
3 Commentaires
Salut,
En tant que bodyboarder très pratiquant (et surtout fan de grosse conditions), je trouve cette étude très importante. En effet il est très important d'être conscient des risques de telles "boites" et surtout de pouvoir réagir le plus vite possible. Je prend cet article encore plus au sérieux en me remémorant certains "empalement" qui je l'avoue sont douloureux (voir même bloquant pour de futures sessions).
Mais il faut quand même se dire que c'est un sport et comme dans tout les sport il y a des risques! Conseiller de faire plus de DK que du prone c'est dur comme conseil, non? (imaginez que l'on dise à un footballeur de faire plus de handball pour éviter de "se faire casser les tibias"??).
Accepter de faire du bodyboard de manière plus intensive pour acquérir un certain niveau, c'est accepter les risques qui y sont liées, MAIS sans prendre à la légère des études comme celle-ci, qui peuvent permettre de sauver des gens en agissant immédiatement après l'accident!
En attendant échauffez vous avant de rentrer dans l'eau, étirez en sortant!
Bonne sessions à tous!
De plus une planche molle réduirais très peu les traumatismes mais altérerai grandement les capacité du bodyboard
Ia ora na,
Merci pour cet article et vos recommandations.