Au chapitre des maladies orphelines, il faudra peut-être rajouter le « surfinome » ou « surfinoma », une affection rarissime en population générale mais qui intéressera de près les surfeurs qui peuvent se retrouver un jour confrontés à cette tumeur très particulière. Cette entité pathologique a été identifiée cette année par des radiologues australiens à partir d’un cas clinique fort instructif.

Un surfeur de 54 ans en bonne santé consulte pour une masse des tissus mous au niveau de la région axillaire gauche. Quatre ans plus tôt, le surfeur a été victime d’un accident de surf sur une plage australienne après une chute sur une vague. Il a présenté une plaie profonde causée par le nose de sa planche de surf entre la partie supérieure de son thorax et sa ceinture scapulaire. Il a été admis dans un service d’urgences où aucun examen radiologique n’a été réalisé avant le nettoyage, la désinfection et la suture de la plaie.

A partir de cet accident, le patient a progressivement développé une tuméfaction des parties molles située dans la zone de la plaie. Cette masse est allée en grossissant progressivement au fil des mois. La peau en regard de la tumeur s’est progressivement ulcérée avec apparition d’un écoulement purulent. Un an après, le patient a eu droit à un premier bilan d’imagerie avec radiographies et échographie de la région axillaire interprétées, à tort, comme normales.

Ce n’est que trois ans plus tard, alors que l’augmentation de taille de la tumeur faisait redouter un cancer, qu’un bilan radiologique plus approfondi a permis de faire le diagnostic.  L’examen clinique retrouvait à la palpation une volumineuse masse recouvrant le muscle grand dorsal gauche avec une fistule reliant la tumeur à la peau laissant échapper un écoulement liquidien.

Les radiographies de l’épaule gauche et de la partie supérieure du thorax ont retrouvé une masse des tissus mous avec des corps étrangers radio-opaques triangulaires dans le muscle grand dorsal et la région sous-cutanée adjacente. Une échographie a permis de préciser la nature de ces corps étrangers dont l’un mesurait 4.6cm×3.4 cm à 5 mm de la surface de la peau avec un plus petit fragment de 6 mm juste à côté. Le scanner a confirmé la présence de fragments en fibre de verre du nose de la planche de surf (qui avait dû se casser ou se fêler dans la plaie) avec des éléments gazeux et une collection de 4×4 cm évoquant un abcès.

Une chirurgie a été réalisée pour assurer l’ablation des corps étrangers, la parage et le débridement autour de la tumeur. L’analyse anatomo-pathologique d’une masse de 25×20×7 mm a retrouvé un exsudat inflammatoire purulent avec des cellules géantes mutinuclées associées aux corps étrangers. Aucune cellule cancéreuse n’a été retrouvée.

Au total, la tumeur baptisée « surfinome » est la résultante d’une réaction inflammatoire à la présence de fragments de planche de surf. De nombreux leucocytes ont été retrouvés mais aucune bactérie n’a été isolée en culture, peut-être à cause du fait que le médecin traitant du patient l’avait mis sous antibiotiques avant la chirurgie « décapitant » ainsi l’infection chronique qui devait évoluer à bas bruit en parallèle à l’inflammation. Six mois après l’ablation de son surfinome, le surfeur était en pleine forme et ne présentait aucune séquelle ou complication post-chirurgicale.

Conclusion : les plaies causées par les planches sont fréquentes chez les surfeurs. Il arrive fréquemment que des fragments de fibre de verre se retrouvent dans la plaie, parfois profondément et invisible à l’oeil nu. C’est pourquoi après une plaie causée par une planche, surtout si elle est endommagée après l’accident, il faut s’assurer par une exploration chirurgicale voire avec un complément d’imagerie radiologique qu’il ne reste pas de fragments de fibre de verre sous la peau. Retrouvez tous les conseils pour bien prendre en charge une plaie après un accident de surf ici. Des ophtalmologistes avaient déjà retrouvé de la fibre de verre dans des plaies de l’oeil du surfeur mais on peut en trouver dans toute autre localisation. Garder des résidus de planche de surf sous sa peau peut conduire à la formation d’une tumeur appelée surfinome dont le traitement est chirurgical. Ce cas se rapproche des réactions à corps étrangers qui peuvent survenir quand un chirurgien oublie une compresse dans le site opératoire par exemple…Ce qui n’est pas si rare qu’on le croit.

Lire l’étude compète en cliquant ici : surfinoma.

Référence : Tim Squire, Matthew Sherlock, Peter Wilson, Beng Tan, Nigel Hope, Suzanne E. Anderson. Surfinoma: a case report on a pseudotumor developing after a surfing sports injury. Skeletal Radiol (2010) 39:1239–1243

A propos de l'auteur :

Surf Prevention est le site sur le Surf, la Sécurité, la Santé et l'Environnement.

 

Tags: , , , ,

 

7 Commentaires

  1. […] This post was mentioned on Twitter by Bob labricole, Guillaume Barucq. Guillaume Barucq said: Le surfinome : découverte d'une étrange tumeur chez un surfeur… http://fb.me/IriKm3Q1 […]

  2. Marine dit :

    CA alors!! C'est impressionnant!

  3. needle dit :

    truc de fou quand même! c'est une info sérieuse ça? comment se fait-il que la radio axillaire initiale n'ait rien retrouvé? quand on voit la taille du corps étranger, parfaitement visible sur le cliché présenté, et quand on lit que le gars est resté 4 ans avec une plaie fistulisée, qui devait être handicapante et douloureuse… on se pose des questions, soit sur le niveau de compétence des confrères australiens, soit sur la véracité de ce cas clinique…

  4. D'après ce qu'ils disent dans leur publication, le premier radiologue n'aurait pas identifié les corps étrangers car il se serait contenté de regarder plus haut. Le fragment de planche de surf se voyait quand même sur la partie inférieure de la première radio mais n'avait pas été repéré par le radiologue. Comme quoi, il faut aussi regarder en périphérie des radios et/ou examiner les patients en les palpant pour savoir exactement où chercher la masse :

    "The radiographs did show the piece of surf board at the lower portion of the film, however this was missed. The radiographs and ultrasound study were specifically ordered for review for bony and soft tissue pathology around the shoulder joint and the radiologist apparently did not assess peripheral to this."

  5. alexis dit :

    c'est sympa vos photos de chirurgie mais moi ça me rend malade.Je prefere la photo de "surf therapie".

  6. ludovic dit :

    Donc si j'ai bien compris, si je développe une néoplasie plantaire due à un oursin… c'est un OURSINOME ? Parce que c'est ce qu'il m'est arrivé. Dois-je présenter mon cas "presque" unique au Pescadou magasine ou proposer un partenariat avec l'INSERM ?

  7. needle dit :

    "l'oursinome" est un granulome à corps étranger, tumeur bégnine beaucoup plus fréquente chez les surfeurs que le "surfinome" (mdr ce nom!). à titre perso, en 20 ans, on m'en a retiré un dans la paume, un dans le genou et un sous le talon. les joies du surf en eaux chaudes!…

Laisser un commentaire