Julian Assange de WikiLeaks : Surfeur Libre ou Hors-la-loi ?
Tapez Julian sur Google et vous verrez que l’écriture intuitive du moteur de recherche vous propose « Julian Assange » juste avant le nom du free surfeur australien « Julian Wilson« . On ne sait pas si Julian Assange surfe sur les vagues mais il vient lui aussi du Queensland, paradis des surfeurs en Australie. Julian Assange est assurément un surfeur du Web depuis son adolescence. Il a un passé de « hacker » à la philosophie très particulière : quand il entrait dans un système informatique, ce n’était pas pour le détruire ou l’endommager mais au contraire pour y surfer librement tout en respectant les contenus et en se débrouillant pour les faire partager. On retrouve cet état d’esprit dans le site Internet qui fait beaucoup parler de lui ces derniers temps et dont il est l’un des principaux acteurs : WikiLeaks.
Julian Assange est le rédacteur en chef bénévole de Wikileaks et le moins que l’on puisse dire est que certains des contenus qu’il fait publier sont « explosifs ». A tel point qu’Assange est maintenant menacé de mort et que tous les moyens sont bons pour supprimer « WikiLeaks » de la Toile. Attaques informatiques, mandat d’arrêt, démission de son prestataire DNS de wikileaks.org et plus récemment difficultés pour trouver un hébergeur… Après avoir été lâché par Amazon, Wikileaks a trouvé refuge chez l’hébergeur français basé à Roubaix OVH (qui se trouve être également l’hébergeur de www.surf-prevention.com) pour y stocker une partie de ses données. Mais Eric Besson, le ministre de l’Industrie, de l’énergie et de l’économie numérique compte faire interdire cet hébergement en France en argumentant que la France ne pouvait « héberger des sites internet qui violent le secret des relations diplomatiques et mettent en danger des personnes protégées par le secret diplomatique. » OVH a répliqué en saisissant le juge des référés pour savoir si l’hébergement de WikiLeaks en France était légal ou non. L’adresse cablegate.wikileaks.org était inaccessible au moment de la publication de ce billet.
Eric Besson ne veut pas de WikiLeaks en France
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Et on vient d’apprendre que c’est maintenant le compte PayPal de Wikileaks qui est suspendu.
Quels que soient les moyens utilisés pour museler ce site, il réapparaîtra toujours sous une autre forme. WikiLeaks, c’est un peu comme l’hydre à qui on coupe une tête et qui en a deux autres qui repoussent. Que ce soit par la volonté de Julian Assange ou de n’importe quel autre citoyen du monde, par le biais de WikiLeaks ou d’un autre site ou blog, Internet offre maintenant cette possibilité de faire des révélations instantanément accessibles dans le monde entier. La seule façon d’éviter cela serait de restreindre la liberté d’Internet, ce qui irait à l’encontre du principe même de ce média du troisième millénaire. « Les autoroutes de l’information », comme on appelait le Web à ses débuts, offrent maintenant la possibilité technique de rendre accessibles quantités de données. Et tout un chacun peut orchestrer à partir de son propre blog ou d’un portail Internet la divulgation des informations de son choix. L’avantage qu’offre WikiLeaks est de le faire de manière anonyme et très sécurisée pour éviter de subir des représailles de la part des personnes, entreprises, organisations, gouvernements…éclaboussés par les fuites de WikiLeaks.
Internet est un média citoyen qui donne le pouvoir au « pronétariat » mais il peut devenir une arme redoutable s’il est mal utilisé. Tout dépend en fait de la nature des informations qui sont diffusées. Il y a des contenus qui n’ont pas leur place sur le Web : c’est le cas pour les contenus incitant à la violence, la haine raciale, les images pédo-pornographiques… Mais quid des contenus touchant au secret défense ou au secret diplomatique que diffuse WikiLeaks ? Comment mettre de tels contenus en ligne sans mettre des gens en danger voire même menacer la paix dans le monde ? Il en faut peu pour déclencher une guerre, ne serait-ce qu’une « guerre froide », et certains « câbles diplomatiques » révélés par WikiLeaks sont de nature à remettre en cause l’entente ou les processus de paix qui peuvent exister entre certains pays dans le monde. Parmi les « révélations » de WikiLeaks, il en est qui n’ont que fort peu d’intérêt comme l’anecdote insignifiante du président Nicolas Sarkozy surpris en train de courser le lapin domestique de son fils par l’ambassadeur américain… Mais une révélation comme celle de l’Arabie Saoudite qui exhorterait les Etats-Unis à couper « la tête du serpent » du voisin iranien pourrait avoir de toutes autres conséquences.
On pourrait se poser la question de savoir comment il est possible d’avoir accès à des informations censées être top-secrètes. Mais on pourrait aussi se demander pourquoi des informations qui ne sont pas destinées à être connues sont écrites noir sur blanc sur un fichier informatique. Les anciens avaient la sagesse de dire « Verba volant, scripta manent » (« les paroles s’envolent, les écrits restent »). Cette phrase prend tout son sens à l’ère d’Internet où tout ce que nous écrivons sur la Toile peut y rester ad vitam eternam. Que ce soit sur des télégrammes diplomatiques ou sur Facebook, mieux vaut s’abstenir de porter un jugement négatif par écrit sur Internet, au risque de voir ces mots se retourner contre soi des années après.
Au-delà de tout cela, se pose également la question du droit d’auteur qui peine à exister sur le Web. WikiLeaks diffuse des informations brutes sans en avoir ni les droits ni les autorisations. Si encore ils effectuaient un travail de traitement de l’information ou de réécriture, l’utilisation de ces contenus serait moins contestable. Mais ce sont des médias comme Le Monde, le New York Times ou The Guardian qui chargent leurs journalistes d’exploiter les documents et de les rendre intelligibles pour le grand public.
Finalement, cette histoire dépasse largement le cas personnel de Julian Assange et de WikiLeaks. Le débat qui s’ouvre est bien celui de la liberté de l’information sur le Web. Il opposera les partisans de la liberté totale de la circulation des informations comme Julian Assange à ceux qui auront un intérêt à tenter de maîtriser cette information. Faut-il s’acharner sur une personnne comme Assange ou plutôt réfléchir à comment devrait fonctionner le Web ?
A mon sens, WikiLeaks a une raison d’être s’il s’attelle à dénoncer des scandales ou des injustices. Si ses fuites servent à déstabiliser l’équilibre fragile de la paix, alors il faut canaliser ou colmater certaines fuites pour éviter qu’elles ne produisent d’irréparables dégâts des eaux. L’une des meilleures applications de WikiLeaks pourrait être celle de la dénonciation des nombreux scandales écologiques. On pourrait imaginer un site Internet « EcoLeaks » qui servirait cette noble cause. L’une des premières fuites conséquentes révélées par WikiLeaks en 2006 était le « Minton Report », rapport commandé par la multinationale Trafigura qui affrétait le tanker Probo Koala, ce cargo de la honte qui transportait des centaines de milliers de litres de déchets toxiques qui avaient été dispersés autour d’Abidjan en Côte d’Ivoire et avaient fait 16 morts et des milliers de personnes intoxiquées. Si les fuites de WikiLeaks pouvaient éviter celles de pétrole ou de déchets toxiques, son combat ferait l’unanimité auprès des populations menacées par ces atteintes sauvages à l’environnement.
Il se dit que Julian Assange pourrait être élu homme de l’année par le magazine Time. Quel que soit notre avis sur la personne et sur son travail, on se doit de reconnaître qu’il a permis de donner une nouvelle dimension au web, même si certains refusent encore de considérer un site comme WikiLeaks comme un média à part entière.
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L'Equateur a reçu un puissant soutien de ses amis de l'Alliance bolivarienne pour les Amériques (ALBA) alors que dimanche, Julian Assange s'apprêtait à faire sa première apparition publique depuis qu'il s'est retranché à l'ambassade équatorienne à Londres, le 19 juin.
Les ministres des affaires étrangères du bloc ALBA, qui comprend notamment le Venezuela, Cuba et le Nicaragua, ont averti le gouvernement britannique que l'entrée de la police dans l'ambassade équatorienne à Londres pour y arrêter le fondateur de Wikileaks aurait "de graves conséquences dans le monde entier", à l'issue d'un sommet d'urgence convoqué samedi soir à Guayaquil (nord-ouest de l'Equateur).
"Nous lançons un avertissement au gouvernement du Royaume-Uni sur les graves conséquences qui se déclencheraient dans le monde entier en cas d'agression directe contre l'intégrité territoriale de la République de l'Equateur à Londres", indique le communiqué. Le sommet avait été organisé deux jours après que Quito eut accordé l'asile diplomatique à M. Assange, réfugié à l'ambassade équatorienne de Londres pour éviter son extradition vers la Suède.
http://www.lemonde.fr/technologies/article/2012/0…