Décembre 1984. Les vagues sont énormes et creuses comme elles l’ont rarement été pour les finales du Pipeline Masters. En finale, on retrouve Tom Carroll, Derek Ho, Mark Occhilupo, Max Medeiros, Wayne « Rabbit » Bartholomew et un certain Joey Buran. Joseph « Joey » Buran, né le 21 Mars 1961, a 23 ans cette année-là. Depuis qu’il a 12 ans, ce surfeur talentueux rêve de gagner cette compétition de surf prestigieuse. Dès sa première participation en 1978, alors qu’il n’a que 17 ans, Buran arrive en finale à Banzai Pipeline. A l’époque, le « California Kid » est un surfeur qui domine les compétitions en Californie et qui fait l’admiration de Tom Curren, qui le considère comme le premier véritable surfeur professionnel californien, et de Kelly Slater qui venait l’admirer à Hawaii pendant son enfance.

Pendant cette finale de décembre 1984, les vagues sont dantesques et Joey Buran se retrouve donc face à de très sérieux clients. Joey est le seul à surfer cette finale sur un single-fin. Il surfe avec maestria et avec son engagement de surfeur goofyfoot puissant et véloce bien campé sur ses appuis qui le caractérisent. Il prend deux très bonnes vagues et il enfonce le clou à quelques minutes de la fin de la série avec un tube d’anthologie qui le fait rentrer dans l’histoire du Pipe Masters. Joey n’arrive pas à croire qu’il a gagné, et pourtant, quand le speaker annonce que le tout jeune Occy est deuxième, il réalise qu’il a gagné la compétition de ses rêves !

Mais pendant la remise des prix, une pluie torrentielle s’abat sur le podium, faisant fuir les surfeurs, les spectateurs, les journalistes… Joey se retrouve alors tout seul devant la vague de Pipeline où il vient de réaliser l’un des plus grands exploits de l’histoire du surf. Et pourtant, paradoxalement, c’est à ce moment-là qu’il ressentira le plus grand vide de toute sa vie et qu’il entamera sa chute. Sur le podium, Joey Buran avait déclaré que « les rêves peuvent devenir réalité » mais une fois que Joey a réalisé son rêve, il a eu l’impression qu’il n’y avait plus rien derrière… «Et…c’est tout ? » s’est-il alors demandé.

Joey Buran verbalise très bien ce qui peut conduire un surfeur professionnel au faîte de sa gloire à la dépression et au désespoir. Quand un surfeur parvient au Graal qu’il voulait atteindre depuis le début de sa carrière et qu’il se rend compte que cela ne suffit pas à le combler, c’est là qu’il risque de tomber s’il n’est pas préparé psychologiquement. C’est à partir de là que Joey Buran a commencé sa descente aux enfers. Comme il n’avait plus de but dans sa vie, il restait cloîtré dans son appartement à Los Angeles et il buvait, non plus pendant les fêtes auxquelles il avait l’habitude de participer mais tout seul chez lui. Jusqu’au jour où il a eu envie d’en finir et qu’une intoxication médicamenteuse volontaire avec 2 flacons de Tylenol et une absorption massive d’alcool a conduit à une overdose et à son hospitalisation en urgence. Ses proches qui le croyaient comblés à ce moment de sa vie ont été abasourdis en apprenant sa tentative de suicide. Mais Joey Buran a eu la chance de s’en tirer vivant.

Après une hospitalisation de plusieurs semaines en psychiatrie, Joey Buran a mis le surf de côté et a erré à la recherche d’un nouveau but dans la vie. C’est dans la foi que Joey Buran a trouvé la rédemption. Il arrête alors la compétition de surf pour devenir pasteur. Il se marie mais son nouveau rôle au sein de l’église l’éloigne toujours un peu plus de l’océan. Il part sur la côte est des Etats-Unis, dans le Vermont, où il sombre à nouveau dans le doute. Cette fois, c’est le surf qui le sauvera avec un retour aux sources en Californie où il devient coach de surf. Son expérience, les épreuves qu’il a traversées, sa motivation et ses talents de surfeur font de lui le mentor idéal pour de jeunes surfeurs en recherche de repères. Il leur fait comprendre qu’il y a une vie autour du surf et qu’il faut voir plus loin que les victoires et les défaites quand on fait de la compétition. Joey Buran est maintenant un père de famille de quatre enfants comblé et épanoui.

En 1998, Joey Buran retrouve la compétition grâce à une invitation aux Masters qui se déroulent au Mexique sur la vague du « Pipeline mexicain » de Puerto Escondido qui lui sied à merveille. Comme s’il n’avait jamais arrêté le surf, Joey gagne à nouveau. La même année, il est invité aux trials du Pipe Masters où il croise la route de la nouvelle génération de surfeurs surdoués comme Kelly Slater et Andy Irons. L’histoire de Joey Buran a des similitudes troublantes avec celle d’Andy Irons sauf que l’un s’en est sorti alors que l’autre est mort à 32 ans après avoir connu les mêmes doutes existentiels au sommet de sa carrière. Comme s’interroge Phil Buran, le frère de Joey : comment trouver un équilibre avec cette vie de surfeur professionnel ? Il est difficile de garder la tête sur ses épaules quand tout le monde te traite comme une rock star, que tu voyages et fais la fête en permanence, que tu as tout l’argent et les filles que tu veux mais que tu n’es pas encore suffisamment solide psychologiquement…

« Beyond the dream », « au-delà du rêve », est un film bouleversant sur l’histoire de la vie du surfeur Joey Buran. Cette nuit, je n’ai pu suivre le Pipe Masters 2010 faute de connexion Internet (merci France Telecom !) et d’application iPhone ASPtogo fonctionnelle mais je me suis régalé à mieux connaître ce surfeur emblématique qu’est Joey Buran. Pour peu que vous compreniez l’anglais, ce film vous apprendra quelques belles leçons de vie et beaucoup de choses sur la vague de Pipeline avec des avis d’experts comme Tamayo Perry, Tom Curren, Kelly Slater, Michael Ho qui nous font comprendre à quel point cette vague est exigeante, dangereuse mais offre des sensations indescriptibles à celui qui a la patience et le courage de l’apprivoiser.

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4 Commentaires

  1. Il y a vraiment des moments forts dans ce film sur ce surfeur qu'on connaissait finalement assez peu. Si vous n'avez pas le temps de tout regarder, commencez le film à la minute 21:00.

  2. Julien 2 dit :

    Effectivement, c'est très intéressant. Ce serait bien qu'il y en est une version sous-titrée je trouve.

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