Michel Houellebecq, l’auteur de « La Possibilité d’une Ile », a bien failli faire du surf à l’occasion d’un passage sur la Côte Basque. Son ami Frédéric Beigbeder a essayé de l’initier au « sport des rois » cet été mais il aurait refusé net prétextant qu’il ne voulait « surtout pas d’une mort aussi ridicule » dixit l’auteur de 99 Francs*… Après Luchini qui déprime à la plage, Houellebecq qui n’aime pas le surf…

C’est après avoir lu cela dans le journal Sud-Ouest que j’ai eu la curiosité de lire un roman de cet auteur à succès pour ne pas mourir idiot. C’est comme cela que je me suis retrouvé avec son Prix Goncourt 2010 entre les mains : « La Carte et Le Territoire ». Je ne sais pas si j’ai bien fait de commencer par ce bouquin de l’écrivain mais une fois que je l’ai entamé, je l’ai lu d’une seule traite.

Le livre est très fluide à lire même quand l’auteur y intègre de courts extraits de notices de Wikipedia (ceux qui l’ont accusé de plagiat sont à côté de la plaque…). On a l’impression que le temps avance au ralenti dans cet ouvrage et qu’il ne s’y passe pas grand-chose d’intéressant à l’échelle d’une vie. L’auteur profite de sa narration pour nous donner une vision détachée, froide, chirurgicale, parfois désabusée ou visionnaire du monde dans lequel nous viv(r)ons.

Même si Houellebecq enchaîne des passages assez glauques, j’ai rarement lu un livre aussi drôle. L’auteur part dans des délires improbables quand il introduit des personnages aussi comiques que Jean-Pierre Pernaut ou Julien Lepers dans son histoire.  Michel Houellebecq est d’ailleurs lui aussi un personnage central de « La carte et le Territoire ».

Il y a quelques rares références à la mer qui peuvent nous intéresser. Même si le père du héros est un architecte qui a – très bien – gagné sa vie en vendant des stations balnéaires clés en mains, l’action se déroule le plus souvent loin de la mer, ce qui contribue peut-être à la rendre encore plus pesante. Il y a quand même une référence aux vagues au tout début du livre quand Jed Martin, le personnage principal, essaye de s’endormir en tentant de « conduire son esprit à une zone de calme » : au lieu de compter les moutons, « il visualisa des vagues se déroulant lentement, paresseusement, sous un crépuscule mat. » A un autre endroit du livre, pour exprimer qu’il n’a pas spécialement envie d’aller à sa propre exposition, il dit que « pas davantage sans doute qu’on n’a envie , au premier abord, sur la côte bretonne, de plonger dans une mer agitée, froide – tout en sachant qu’au bout de quelques brasses on trouvera délicieuse et tonique la fraîcheur des vagues. »

Il y a dans le livre une réflexion intéressante sur le tourisme : une destination est-elle essentiellement touristique ? Ou le devient-elle  parce que l’homme organise un parcours fléché en sa direction, en y faisant atterrir des avions de compagnies aériennes low cost, en écrivant des guides touristiques ou même en dessinant des cartes routières comme les cartes Michelin. C’est d’ailleurs là que se situe l’épicentre du livre quand Jed Martin intitule son exposition « la carte est plus intéressante que le territoire » : la représentation du réel (fournie par une carte) est-elle vraiment plus intéressante pour nous que le réel lui-même (une image satellite de la même zone par exemple) ? Les surfeurs sont bien placés pour réfléchir à cette question car de véritables complexes touristiques s’organisent souvent autour d’une vague world class. Le père du narrateur termine sa carrière et sa vie dégoûté par le travail qui l’a enrichi : « j’espérais autre chose que de construire des résidences balnéaires à la con pour des touristes débiles, sous le contrôle de promoteurs foncièrement malhonnêtes et d’une vulgarité presque infinie ».

Sans vous raconter l’histoire, le roman aborde des thèmes universels comme la vie, le sexe et la mort. Ce qui m’a plu dans ce roman est la remise en place de l’homme par rapport à la Nature. Malgré de brillantes carrières, des millions d’euros sur un compte en banque, nous ne sommes finalement que peu de choses par rapport à la Nature qui finit toujours par reprendre ses droits. Certains imaginent que ce sont les vagues qui viendront nous engloutir en 2012, Houellebecq, lui, évoque un univers végétal prêt à envahir progressivement nos sociétés les plus modernes après leur déclin. Houellebecq nous laisse même à penser que nous ne serions nous-mêmes que des êtres vivants recyclables qui opèrent un retour à la Nature par eux-mêmes ou par la force des choses. Et pour appréhender la place de l’homme dans la société et dans son environnement, il n’y aurait que l’art…

Ce livre n’est pas toujours très gai et je le déconseillerais aux âmes sensibles, surtout à cette période de l’année où la dépression saisonnière guette… Même si on n’a pas forcément l’impression d’avoir lu un très grand livre quand on le referme, cet ouvrage ne laisse pas indifférent et amène à se poser des questions sur notre existence, sa finalité et sur la fin de vie : Houellebecq y soulève d’ailleurs le sujet de l’euthanasie en montrant comment celle-ci peut devenir un business sordide et inhumain.

Pour égayer son univers, Michel Houellebecq devrait peut-être bien se mettre au surf. Il y a de très belles vagues sur l’île de La Réunion dont il est originaire… Il apparaît sur cette photo humoristique en Brice de Nice rebaptisé « Michel de Lanzarote », en référence à son récit de voyage éponyme. Le surf permettrait peut-être à Houellebecq d’améliorer son état psychasthénique et l’inciterait aussi à arrêter de fumer… Dans le livre, Houellebecq semble d’ailleurs se rapprocher de la nature et y prendre du plaisir.

Il me tarde de lire d’autres livres de cet artiste qui semble être un amoureux de la langue française et dont la richesse du vocabulaire contraste avec la pauvreté du langage SMS. J’aime bien sa façon de mettre en italique les mots sur lesquels il veut insister (je ferai pareil dorénavant 😉  )

*Sud-Ouest Pays Basque du 10 novembre 2010.

A propos de l'auteur :

Surf Prevention est le site sur le Surf, la Sécurité, la Santé et l'Environnement.

 

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4 Commentaires

  1. J'aurais plutôt vu "Michel des Seychelles"… ou de la
    Rochelle 😉

  2. Caroline J dit :

    Le Goncourt aurait du revenir aux Particules élémentaires.
    Mais bon.

  3. Caroline J dit :

    Un blog surfistique qui suit l'actu littéraire… Je
    n'espérais pas voir ça de mon vivant. Go on Doc ! Bravo !

  4. moussrider dit :

    Merci Mr Michel de participer avec élégange à la non
    surpopulation de nos spots. j'adore vos livres.

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