Une guerre civile a lieu actuellement en Libye entre les insurgés du peuple et les troupes du Colonel Kadhafi. Mais plutôt que de parler des combats et des horreurs de la guerre, évoquons plutôt les richesses de ce pays qui n’est pas seulement doté en pétrole mais qui peut aussi recevoir de magnifiques vagues pour le plus grand plaisir des rares « Libyan Surfers ». Il y a deux ans à la même époque de l’année, en 2009, une bande de surfeurs français est partie faire du surf dans ce grand pays bordé par 1770 kilomètres de côte qui peut recevoir de très belles vagues. Mais un surf trip là-bas se méritait comme nous le raconte en détails Antony Yep Colas le spotologue auteur des Stormrider Guides.

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« On ne part pas surfer en Libye en claquant des doigts. Primo, pour entrer dans le pays et s’organiser pour circuler. Non seulement il faut un visa mais il faut faire traduire son passeport en arabe (150 euros le tout, merci) et le plus coton consiste à trouver une agence réceptive qui comprenne qu’on ne veut ni faire le tour des sites archéologiques ni vadrouiller dans le désert. Parce qu’on ne peut pas circuler librement en louant une bagnole à l’aéroport bien sûr, ce serait trop simple. Deuxio, pour savoir où surfer, parce qu’avec 1770 km d’un littoral désertique, difficile d’accès et quasi-vierge de tout surfer, il faut avoir une idée précise du bout de côte à fouiller quand la houle veut bien montrer le bout de son nez. Première indice : une vidéo sur Youtube diffusée par les Libyan Boardriders d’un beachbreak creux mais bordélique, située à Janzur vers Tripoli.

La 2ème source d’infos ne viendra que 10 jours avant le départ prévu, via Julien, un expat’ français basé à Misuratah, à 3h à l’est de Tripoli. Malgré ces deux tuyaux sur la côte Tripolitaine, mon regard se tourna sur la côte Cyrénaïque, la « Montagne Verte », ce littoral convexe en arc de cercle, bénéficiant d’une fenêtre de houle maximale allant du Sud-Ouest à l’Est. Tertio, trouver des compagnons de route prêts à raquer un trip risqué pour le prix d’un boat-trip aux Mentawai (j’exagère à peine) : en 1ère ligne, Erwan « Santosha » Simon, le breton de Guidel que feu le magazine Trip Surf a plus souvent publié que Kelly Slater, et comme un breton avance rarement seul, lui a emboîté le pas Michel Isaia, une autre valeur sûre du surf Morbihannais. Et enfin Pablo Gutierrez… Si vous avez vu la pub Sprite / Rip Curl à la télé, vous reconnaitrez facilement El Matador au crâne divinement chauve. Tout était donc prêt fin janvier sauf qu’après 6 semaines de perturbations d’ouest à nord en Mer Ionienne entre décembre et janvier (dont le fameux « Klaus » du 26 janvier envoya ensuite en Med un fetch de 15 pieds, qui heurta la Libye juste quelques jours avant le départ). Enfer et damnation ! La prévision de vents à J-3 se révéla a-bo-minable : 5 jours de flat avec au mieux une micro-houlette, qui nous fit longtemps débattre sur l’intérêt de partir dans de telles conditions.

Plan B : petit tour en Adriatique :
On perdit quelques plumes dans l’ajournement du trip mais Afriqiyah Airways (merci Najoua) acceptant de décaler nos vols sans frais, je proposai à mes équipiers d’aller chercher en bagnole les vagues là où elles se trouvaient : au Monténégro ! Quand on vous appelle un vendredi soir pour un départ avancé au lendemain matin alors que le vol pour la Libye est calé le lundi, il faut pouvoir être souple ! Erwan et Michel étant opérationnels, on roula donc pas moins de 5000 kms en 6 jours à travers 5 pays pour se tailler 2 bons jours de surf inédits, dont une journée offshore de beachbreak tubulaire, validant ainsi tout ce ramdam ! Les aventures monténégrines étant une histoire dans l’histoire, je ne m’ étendrais pas sur le sujet. Malgré les routes sinueuses de Croatie, les plantages magistraux (pas de GPS à bord) en Slovénie, une demi-journée de tourisme obligé à Venise pour savoir si le sillage du « Vaporetto » était surfable ou pas, les épisodes dangereusement neigeux (pas de chaînes à bord) entre Aoste et le tunnel du Mont-Blanc, ma Ford Focus Break arrivait à Roissy une dizaine d’ heures avant le départ en avion pour Tripoli. Avec une prévision de houle quasi-miraculeuse !

Tripoli : pause technique :
Mis à part le zip du boardbag d’Erwan qui rendit l’âme au moment du check-in, tout se passa comme sur des roulettes dans l’avion mais le ton était déjà donné à bord de l’A320 : zéro alcool ! (…) Et bien sûr, l’inévitable se produisit à l’arrivée : une des valises contenant une bouteille de Vodka fut saisie quand on débarqua à Tripoli. Hussein, notre guide qui était là pour nous accueillir commença donc par passer plus d’une heure aux douanes à essayer de justifier cet acte de contrebande dans un pays où la tolérance zéro est de règle. On a crû un moment qu’on allait repartir en France par le prochain avion ! Le guide n’en avait pas fini de batailler puisque notre vol du soir prévu vers Benghazi rencontra un gros soucis technique. Tout le monde débarqua de l’appareil et après une heure ou deux (voire trois), on nous logea dans un hôtel de Tripoli. Pas de stress, le swell n’étant pas encore arrivé, on en profita pour aller visiter le grand musée de Tripoli dont la section zoologique ( notamment des fœtus de chameaux baignant dans le formol) nous laissa un peu perplexe. On se promena sans problème dans le grand marché, qui me rappelait le Grand Bazar d’Istanbul sauf qu’à aucun moment, on vint nous solliciter pour quoique ce soit. Pas de mendicité, pas de racolage… Contrairement aux voisins Egyptiens ou Tunisiens, la Libye n’a pas besoin du tourisme pour vivre. C’est d’ailleurs le plus haut PNB par habitant de toute l’Afrique. La raison est simple : pas mal de ressources en pétrole et gaz naturel notamment et une population réduite (moins de 6 millions). Comparé aux 8,5 millions de touristes en Egypte ou 6,5 millions en Tunisie et au Maroc, on comprend qu’avec 40.000 touristes en 2008, la Libye n’accueille que ceux qui veulent venir absolument : le plus souvent des retraités en bus pour l’archéologie ou des mordus de désert. D’ailleurs, la loi interdit la traduction des panneaux indicateurs, donc ceux qui ne lisent pas l’arabe que ce soit aux aéroports, sur les routes, les hôtels ou au restaurant, n’ont qu’à aller s’acheter un bon dictionnaire !

« Le programme est simple : y’a pas de programme » :
La Côte Cyrénaïque de la Libye révèle des similitudes étranges avec l’Australie du Nord-Ouest : désert rougeoyant, une végétation rase et épineuse et un décor grandiose complètement vierge. 1er jour de houle : branle-bas de combat pour checker la côte aux alentours de notre « village touristique » d’Apollonia. Y’avait bien un beachbreak correct et side-shore devant nos bungalows mais on n’était pas venus jusque là pour surfer un beachbreak moyen le 1er jour ! Premiers réglages délicats avec le guide qui parlait un français correct mais approximatif, il voulait savoir le programme de la journée. « Le programme est simple : y’a pas de programme ».

Ce fut un peu plus tendu avec le chauffeur qui n’ apprécia pas trop qu’on monte sur le toit pour arrimer les boardbags et qui conduisait son Mercedes Vito neuf comme une Limousine dès qu’il fallait quitter le bitume. Dès que le processus de « on voit quelque chose, faut s’arrêter là et tout de suite » fut à peu près accepté, on quittait le véhicule pour se rapprocher du bord, le plus souvent en courant. Là, on voyait des gauches, mais ça fermait pas mal avec les 2 bons mètres de houles ventées, là-bas, c’était une baie étroite avec quelques vagues backwashisées et un shorebreak ravageur. Ici, c’était un slab ultra-tendu qui méritait de s’y arrêter longtemps. Plus loin, la houle ne rentrait pas vraiment, et à côté, on n’avait pas le droit de passer parce que c’était une zone militaire. Et plus loin encore, la côte se cabrait avec de hautes falaises creusées de centaines de tombeaux : étonnant mais décevant pour le surf.

Au détour d’un chemin entre deux averses et trois arc-en-ciel, on tomba sur l’église byzantine d’Al Athrun, comme laissée à l’abandon, où on s’amusa à remonter le temps (juqu’au VIe siècle) à l’époque où il y avait encore un toit sur les colonnes. Après 4 heures à zigzaguer le long de la côtière, on commençait à transpirer avec l’étrange sensation que ce swell nous filait entre les pieds, faute de trouver le bon spot. Et d’un coup, entre deux longs murs perpendiculaires à la côte, on tourna la tête tous les quatre d’un même mouvement, parce qu’une image subliminale vint heurter notre rétine une fraction de seconde. Tel Titi le Canari qui « cloit voir un glos minet », on sut que cette image renvoyait à ce qui obsède nos vies depuis des années : la vision du pointbreak parfait qui enroule des lignes déferlantes sur un cap.

Stop, marche arrière ! Le chauffeur n’y comprenait rien, on venait juste de passer un barrage de police, où notre guide avait palabré pendant un moment, en laissant une copie de la feuille de route, avec nos noms et passeports. Il ne comprenait pas qu’on revienne sur nos pas, en repassant le barrage, ça devait faire louche ! Arrivés à la plage, on vit un beachbreak qui avait tendance à fermer mais au loin, le pointbreak de gauche ne fit aucun doute. On tricota vingt bonnes minutes dans les ruelles pour se rendre à la pointe et là, ce fut l’extase : ça n’était pas trop petit comme on le craignait mais un petit 1.50m dans les séries. On hurla de joie, le guide et le chauffeur nous regardèrent l’air effaré. Ils n’avaient sans doute pas encore compris que pour eux la journée était finie : plus besoin d’aller et venir, on allait se planter là jusqu’au soir !

Wadinaga : la plus longue vague de Mediterranée :
Comme toujours, Pablo fut le 1er à l’eau et démonta le spot pierre par pierre, roller après roller. On reconnut là le champion d’Europe 2003, dont la rigueur n’a d’égale que la ruse. Pour les 2 compères Bretons, c’était tout le contraire. Ils mettaient un temps fou pour aller à l’eau mais alors pour les faire sortir, il fallait sortir des haut-parleurs ou des bazookas ! Non seulement, les vagues étaient longues mais la section du milieu donnait un bol bien juteux. On ne surfa ni la section du fond car onshore ni la section offshore de la baie car trop petite pour des shortboarders. Ca pétait assez près du bord mais pas assez pour revenir à pied et en l’absence de marée, ça ne risquait pas d’arriver. Je tombai sur un gars qui me racontai qu’un jour, des chameaux étaient venus de la montagne pour boire ici l’eau de l’Oued, ce qui expliquait le nom du coin : wadi = oued et naga = femelle du chameau. Et c’est forcément ce ruissellement occasionnel qui conjugué aux courants dominants de nord-ouest avait aligné à merveille galets et rochers.

Il faut rappeler que la Libye ne compte pas une seule rivière au débit régulier (un comble pour un pays où personne n’accepte les pourboires : véridique !), seuls les millénaires ont réussi à sculpter orages après orages des cavités dans la roche. Et le meilleur jour, le premier de la 2ème houle, on eut droit à 4m de houle de O-NO en mer, 10 secondes de période (un must en Med), un vent de S-O offshore sur toutes les sections et un soleil impeccable. Ce fut la meilleure session que j’avais jamais vue en Med’ : des séries de 10-15 vagues qui s’empilaient à l’infini et qui déroulaient sur plus de 500 mètres. Une section à tube au milieu où Pablo se mit à grabber dans la paroi comme à Mundaka. Et l’impensable se produisit : le photographe (c’est-à-dire moi) abandonna son job pour aller récolter le fruit de 5 années de trip en Med, c’était juste trop parfait ! Au grand dam des riders qui réclamaient des images d’action à cette taille-là. Ne vous méprenez donc pas : les images d’action et les lineups ne sont pas shootés le même jour ! « Regarder n’est pas surfer » dit l’adage.

L’arbre qui cache la forêt :
Wadinaga devint notre spot de référence, celui qu’on surfa quasiment tous les jours des 2 houles qui s’enchaînérent sans débander. Mais on trouva deux autres gauches de qualité. La première apparut alors qu’on visitait la cité grecque d’Apollonia. Le site est une des références archéologiques du pays. Fondée au VII siècle avant JC, elle a abrité jusqu’à 15.000 personnes avant d’être ravagée par le raz-de-marée de 365 après JC. Malgré l’interdiction de baignade signalée à l’entrée, on prit nos planches et combis des fois que le guide nous lâcherait un peu les slaps. A force d’essayer de semer le guide, en marchant au pas de charge, entre les ruines des basiliques, thermes, nécropoles et autres vestiges finalement bien conservés, on arriva à une petite plage où on fit semblant de regarder les viviers, tombeaux et autres citernes creusés dans la roche alors qu’on n’avait d’yeux que pour ce mini-wedge de gauche, malheureusement trop protégé par les ilôts du large. Passé l’acropole, ce théâtre grec dont les gradins semblaient encore résonner des tragédies d’antan, on arriva aux limites du site quand se découvrit une config’ de gauche plutôt appétissante dont la 1ère section semblait envoyait la sauce. Le tout juste derrière les grillages du site, on avait donc le droit d’y surfer ! Ce spot se révéla être une bonne vague fun même si la section à tube devant les rochers semblait trop tendue avec le vent léger sideshore qui s’était levé entre temps. L’autre gauche se dévoila au passage de la Tête du Croissant : un lineup ahurissant de perfection juste devant nos roues. On batailla l’entrée par le campement mais le gardien soudanais nous opposa que c’était le camp du fils de Khadafi et que l’accès en était résolument interdit : il risquait de perdre sa place si l’on rentrait. On se chamailla entre nous sur la méthode à adopter mais on se mit d’accord sur l’objectif : surfer cette p…tain de vague ! On perdit pas mal de temps en palabres et à boire le thé de l’hospitalité et au final, on raconta au chauffeur et au guide qu’on allait surfer une vague plus loin. Comme on approchait de la pause déjeuner, on les envoya nous chercher quelques kebabs et autres friandises. On avait au moins une heure pour mener à bien notre mission : les riders pour ramer jusqu’à la gauche et moi pour contourner le mur et me cacher dans une grotte pour faire des photos de loin, à la dérobée. On n’allait pas nous tirer dessus mais quand le garde se mit à appeler au téléphone, on décampa illico de la zone pour aller surfer une droite ultra-courte, baptisée Kampella, la pompe à essence ! Dans un pays où le litre de super est à 10c d’euro…

Pour couronner le tout, on finit quand même par surfer « à la maison » devant notre camp de base. Les bungalows avaient beau être rudimentaires avec d’incessantes coupures d’eau et d’électricité, on avait quand même devant la porte un beachbreak avec des petits tubes en droites, qui fonctionnait bien par petite houle.

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Surf Prevention est le site sur le Surf, la Sécurité, la Santé et l'Environnement.

 

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1 commentaire

  1. nico dit :

    j'ai cru lire une histoire simmilaire avec Callaghan (escusez moi pour l'hortographe) l'ancien qui a découvert le Salvador entre autre, il parlait de ses découvertes en med certains de ses potes etaient postés au Nord de la med d'autre au sud (libye) d'ailleurs cette photo est prise sur les terres du fils Kadhafi d'ou l'interdiction de surfer et obligation de feinter les taxis accompagnateurs afin de se foutre à l'eau.
    Faisiez vous partie du même trip ? ou bien les coïncidences de vos voyages sont magiques.
    Peu importe la med est une mer de vents souvent violents et capricieux il faut du temps pour savoir où et quand mais le jeu en vaut la chandelle (sardaigne,sud italie,corse,baléares,cote d'azur,et bientôt l'Algérie les vagues y sont fréquentes et costauds je pense que le surf va exploser las bas j'éspère en tous les cas. le vent le Mistral qui souffle souvent dans le golfe du Lion envoie de belles houle pile sur les cotes algériennes où sable et pointes rocheuse alternent.De nombreuses expéditions sont menées en med et quelques pros l'ont bien compris (voir benjamins sanchis à Nice) y'a du cailloux ,du sable,et un potentiel surprenant pour qui cherche un peu…c'est presque tous en pratiquant la planche que nous nous sommes rendu compte du potentiel vagues les jours de pétole avec jolie reste de houle.On a pas fini de découvrir du spots pouvez y aller!! et jusqu'à maintenant l'ambiance à l'eau est souvent restée cool.Alors observez bien la direction des vents ,la position des spots ,l'avis de quelques locaux sur place et feu: petit voyage pas cher et dépaysant aux niveau vagues,couleur de l'eau,couleurs du sud , marée quasi innéxistence.Antony yep colas avait fait un report sympa sur le Med avec carte detaillée,vents dominents,dangers,se loger…

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