Marie-Amélie Néollier, chargée de mission environnement pour Surfrider en Bretagne. Prélèvement sur le spot du Petit Minou.

Dans l’imaginaire de beaucoup de gens, une eau de bonne qualité est translucide, turquoise et exempte d’algues. Pas si évident que ça ! La majorité des algues est inoffensive pour la santé et participe à la bonne oxygénation de l’eau. Une eau trouble garantit souvent la présence de plancton, gage d’une vie sous-marine bien épanouie. Difficile de se faire une idée de la qualité de l’eau seulement de visu. Mieux vaut se tourner vers les panneaux d’affichages à l’entrée de la plage. Vous connaîtrez alors la qualité de l’eau dans laquelle vous allez pénétrer…ou pas !

Des normes plus sévères, des analyses moins complètes

Depuis 1976 les communes ont obligation d’organiser un suivi de la qualité de l’eau sur leurs plages les plus fréquentées en été (du 15 juin au 15 septembre, sauf pour les DOM-TOM). Initialement, les paramètres analysés dans l’eau étaient au nombre de 19 et concernaient les bactéries et les produits chimiques. Au fur et à mesure, les paramètres chimiques ont sauté pour disparaître, dès 2015, avec la nouvelle directive des eaux de baignade votée en 2006. De plus en plus de pollution chimique dans l’eau –près de 300 substances recensées- et pourtant on s’en soucie de moins en moins ! En décembre 2010, l’association « Vague Toxique » a analysé un litre d’eau de mer prélevée en Aquitaine. Dans cette eau, des hydrocarbures et 7 pesticides dangereux pour la santé humaine ont été détectés. Fini l’analyse des produits chimiques pour 2015, mais il reste tout de même les bactéries fécales. Les entérocoques intestinaux et les E.coli –pas forcément les plus dangereuses pour la santé, le staphylocoque doré est bien plus sévère- seront toujours quantifiés et les nouveaux seuils seront quatre fois plus sévères. Peut-être un moyen de détourner l’attention des paramètres chimiques ? Encore un privilège pour le court terme : les bactéries rendent malade quelques jours dans les heures qui suivent la contamination, les pesticides provoquent le cancer des années plus tard.

Surfrider se bat pour combler les manques

Qu’elle soit de 1976 ou de 2006, la directive « qualité des eaux de baignade » impose aux communes de suivre la qualité de l’eau seulement sur les sites les plus fréquentés – ce qui n’est pas clairement défini dans la directive – et pendant la saison estivale. Quid des surfeurs qui pratiquent toute l’année ? Pour combler ces manques, Surfrider Foundation Europe a mis en place un réseau de suivi de la qualité de l’eau complémentaire à celui déjà existant. En Bretagne, en Méditerranée, au Pays-Basque et à Oléron, de nombreux spots sont surveillés deux fois par mois en hiver et toutes les semaines en été. L’association travaille à partir de profils de plage. Ces documents répertorient toutes les activités humaines en amont de la plage et ainsi, toutes les sources de pollutions potentielles. En cas d’accident, comme le débordement d’une station d’épuration, Surfrider peut identifier les responsables et mener un travail de concertation avec eux afin de trouver des solutions. Même si pour l’instant Surfrider s’aligne sur le suivi des paramètres bactériologiques de la directive de 2006, l’association travaille sur un projet pilote de suivi des pollutions chimiques.

Depuis 1976, côté bactéries, la qualité de l’eau s’est améliorée. Les résultats d’analyses ont poussé les communes à améliorer leurs systèmes d’épuration des eaux usées. En retirant les polluants chimiques des paramètres étudiés, on n’est pas prêt de les voir disparaître.

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6 Commentaires

  1. Gabian dit :

    Merci pour cet article, avec des informations rarement évoquées.

    Étonnant cependant ce réflexe de surf-média à évoquer Surfrider en seconde partie d'article alors que justement, si j'ai bien suivi, la "fondation" ne remplit plus son rôle de contre-pouvoir depuis qu'elle a abandonné l'analyse des produits chimiques ?

    Le fait que Surfrider soit financée par des collectivités expliquerait-il le choix de cet abandon et la lenteur du "projet pilote" évoqué depuis plusieurs années ?

  2. clo33 dit :

    that is ze Question Gabian.Indépendant oui,mais cela reste difficle de nos jours.
    Aussi, le développement durable écologique et celui du tourisme ne vont pas souvent de paire pour nos dirigeants(politiques et économiques). L'un ne rapporte rien financièrement, l'autre peut rapporter gros et directement.
    Pour associer qualité (écologique) et quantité (revenus financiers), il faut une réelle motivation économique et un véritable courage politique.D'une part,écologie rime souvent avec augmentation des coûts pour les entreprises(petites et grosses) et notamment dans le secteur touristique. D'autre part, qui ira voter pour un politique augmentant les impots et autres(prix de l'eau par exemple) pour des infrastructures plus écologiques et plus coûteuses? AAAhhhhhhhh, l'Argent reste bien le nerf de la guerre…
    Heureusement, Kelly nous sauvera avec des parc à vagues artificielles(mais j'y pense,il va les remplir avec quelle eau(l'or bleu comme on l'appelle)?

  3. Fred dit :

    J'attire votre attention sur un certain nombre d'inexactitudes dans cet article.

    1. La majorité des algues (…) participe à une bonne oxygénation de l'eau : oui en conditions oligotrophes, mais en conditions dystrophes, la prolifération d'algues conduit au contraire à une raréfaction de l'oxygène. C'est le cas en Bretagne avec les marées vertes, dues à un flux d'azote considérable d'origine agricole.

    2. Vous faites un lien entre pollution chimique et santé (pesticides => cancer). C'est sans doute vrai pour l'eau potable (ou au moins il y a des raisons de le penser). En revanche les pesticides dans l'eau de mer n'ont pas d'incidence sur la santé des surfeurs. On ne doit pas pour autant affirmer que cela n'aura pas d'incidence, mais les incidences seront sur l'environnement marin. L'effet sur l'homme sera un retour indirect en terme de pertes de services rendus par l'environnement marin, par exemple en termes de biodiversité ou de population de poissons.

    3. Vous semblez mettre en doute l'intérêt de mesurer les entérocoques et les E. Coli « pas forcément les plus dangereux pour la santé ». Attention, ces germes ne sont pas mesurés pour leur dangerosité propre mais parce qu'ils sont des indicateurs de contamination fécale faciles à mesurer. Or une contamination fécale est toujours immédiatement et directement dangereuse pour la santé. C'est donc bien un paramètre absolument essentiel (la contamination fécale serait la 6e cause de mortalité dans le monde).

    4. Les stations d'épuration ne « débordent » pas, ce sont les réseaux qui déversent sans passer par la station d'épuration qui posent problème. Les réseaux unitaires sont équipés de déversoirs d'orage qui déversent des eaux non traitées en cas d'orage. Même dans les réseaux séparatifs, les flots d'orage, qui en général ne sont pas traités du tout, sont assez polluants pour mettre en danger la santé des surfers (en raison de la pollution lessivée sur les toitures, les chaussées…) Pour cette raison il est intéressant de faire un prélèvement peu après un orage et non pas seulement par grand beau temps (comme sur la photo).

    5. Le fait que l'on trouve de plus en plus de substances chimiques dans l'eau n'est pas nécessairement le signe que l'eau est de plus en plus polluée, mais plutôt que les moyens analytiques des laboratoires progressent.

    6. Ce ne sont pas les résultats d'analyses qui poussent les communes récalcitrantes à se mettre en conformité mais les sanctions qui en l'occurrence viennent de l'Europe. On critique beaucoup l'Europe mais en matière d'environnement, mais s'il fallait compter sur les seules autorités nationales pour faire bouger les choses la situation serait bien pire aujourd'hui.

    7. Vous parlez des collectivités, il faudrait aussi évoquer la profession agricole, qui a fort à faire pour limiter des rejets qui sont plus diffus mais dont les flux cumulés, acheminés par les fleuves, sont très importants.

  4. Anne-Kristell dit :

    Bonjour,

    Gabian
    J’ai évoqué Surfrider car je ne connais pas d’autres associations ou réseau qui ont mis en place un tel suivi de la qualité de l’eau, destiné aux pratiquants d’activités nautiques. Si tu en connais d’autres, ça m’intéresse !
    Surfrider n’a pas encore lancé d’analyse sur les polluants chimiques, donc ils n’ont pas « abandonné » (c’est l’Etat et l’Europe qui ont choisi de ne plus suivre ces paramètres). Le projet pilote se monte peu à peu… ils étudient pour le moment les polluants chimiques pour déterminer lesquels il est plus intéressant de suivre.
    Concernant les financements, pour ce qui est du labo BZH ils sont privés ou viennent du département ou de la région. Pas de financements des communes…

    Fred
    Ce que j’ai dit dans mon article n’est pas inexact… juste imprécis. Merci pour ces précisions… Mon article était anglé sur les normes, on ne peut pas parler de tout !

    Bonne soirée

  5. Adrien dit :

    Bravo Fred, bonne connaissance du sujet !
    J'aurais dit à peu près la même chose…

    J'ajoute, concernant l'abandon de paramètres physico-chimiques entre l'ancienne et la nouvelle réglementation, que leur suivi était inexistant et inefficace…

    Il s'agissait essentiellement de simples observations : turbidité, couleur de l'eau, irisation de surface (pour hydrocarbures), présence de mousses, d'algues, de macro déchets, etc… Autrement dit, des cases (présence ou absence) à cocher sur des fiches de prélèvements, sans quantification, donc quasiment inutiles et impossible à intégrer dans une base de données de suivi.

    Ils ont donc logiquement été abandonnés…
    Un prélèvement + analyse bactériologique d'un échantillon d'eau de mer doit couter entre 75 et 100 €.
    Y ajouter des analyses de paramètres chimiques multiplierait le coût par 5-10-voire plus ?
    On va pleurnicher en voyant les impôts locaux…

    Le titre de l'article est bien racoleur, mais même Surfrider n'ose pas dire de telles choses aujourd'hui !
    Écrire qu'il y a peu d'améliorations est en tout cas une marque d'ignorance.
    Il y a, certes, encore du chemin à faire, mais la situation, contrairement à ce que vous annoncez en gras dans le titre, a énormément progressé.

    Vous auriez pu écrire un article "optimiste", mais cela serait moins intéressant !
    Vous auriez pu contacter des collectivités, mais vous ne les auriez pas crues !

  6. HERAULT Christine dit :

    Bonjour,
    Résidente habituelle, pendant les mois d'été, dans la commune du Var de Sanary sur mer, connue par ses habitants pour ses problèmes de gestion des eaux usées, j'ai pu lire sur le panneau des surveillants de baignade: "escheria choli et matières fécales >5 " Cela ne me parait pas vraiment rassurant qu'elles ne soient simplement pas "absentes". Est-il prudent de se baigner dans cette eau qui , par ailleurs, présente très souvent des plaques marronatres à la surface?
    Merci beaucoup pour les services que vous nous rendez et votre prochaine réponse.
    Cordialement

    Christine Hérault

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