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Gabriel Medina : nouvelle star du surf pro ?

Il s’est passé quelque chose ce mercredi 12 octobre 2011 sur le spot de la Gravière. Deux ans à peine après avoir remporté le King of The Groms 2009 à Seignosse, le jeune surfeur brésilien Gabriel Medina, 17 ans, a gagné le Quiksilver Pro France en devançant le finaliste australien Julian Wilson dans les dernières minutes. Malgré une retransmission en direct défaillante pour ceux qui étaient derrière leur écran, on a assisté à une finale de haut vol couronnant le jeune prodige brésilien. Gabriel Medina est-il le « next Kelly Slater » ou s’agit-il d’un feu de paille ? Tentative de décryptage.

C’était l’hystérie après la victoire de Gabriel Medina. Nombreux étaient les fans à encenser la nouvelle star de l’ASP World Tour, certains allant même jusqu’à enterrer – un peu vite – le Roi Slater et à lui envoyer des messages insultants sur Twitter, comme cet internaute qui l’a accusé d’empêcher le surf d’avancer à cause d’un surnotage systématique en compétition. Il faut dire que la confrontation entre Medina et Slater au round 4 avait été très controversée, ce dernier remportant la série de justesse avec des figures pourtant moins « radicales » que Medina.

Ceux qui ont voulu les nouveaux critères de jugement favorisant le surf aérien et les rotations les ont eus. Mais certains surfeurs en seront pour leurs frais car jamais ils ne pourront rivaliser avec un Gabriel Medina dans ces vagues. Il est d’ailleurs caricatural que le vétéran Taylor Knox, 40 ans, ait atteint la demie-finale de cette compétition où il s’est fait atomiser par Medina 19,57 à 10,13, du simple au double, comme dans le quart de finale où Kelly Slater s’est retrouvé combo et a fini la série avec un petit score de 8,60 contre 16,66 pour Medina. A-t-on assisté à un passage de témoin entre Kelly Slater et Gabriel Medina, c’est la question posée aujourd’hui sur la page Facebook de Surf Prevention.

Revenons sur la notation. Sur certaines vagues, on a parfois l’impression que Kelly Slater obtient de très bons scores même sans faire des choses extraordinaires sur la vague. Quand Slater fait un air reverse, c’est le 10 assuré. Quand Medina effectue la même figure, il peut obtenir un ou deux points de moins. Medina effectue ses figures avec une facilité si déconcertante qu’on a l’impression que ce qu’il fait est simple par rapport à un Slater qui effectuera exactement la même figure mais en ayant le mérite de la réaliser avec 22 ans de plus, plus de poids et forcément moins de souplesse que quand il avait l’âge de Medina. Mais qu’à cela ne tienne, avec un jugement juste, la même figure devrait rapporter le même nombre de points à tous les surfeurs. Et à ce jeu-là, Gabriel Medina serait presque sûr de gagner à tous les coups tellement le taux de replaquage de ses airs est énorme.

On en oublierait presque la médiocrité des vagues du jour. C’est là que les nouveaux critères de jugement ont eu un impact positif : rendre intéressante une finale sur un beach break dans des conditions plus que moyennes. A une époque pas si lointaine, on avait droit aux cinq rollers jusqu’au sable, aujourd’hui on a assisté à toute une variété de figures beaucoup plus impressionnantes, même si on se demandait si on était sur une finale du World Tour ou sur un Cash for Tricks

Dans ces conditions de vagues, relativement fréquentes depuis que le Dream Tour n’est plus tout-à-fait le Dream Tour, il semble que Gabriel Medina soit imbattable et qu’il soit promis à un bel avenir sur l’ASP World Tour.

Malgré toute cette effervescence et cet engouement autour de ce qu’il faut bien appeler un surdoué, j’ai du mal à vibrer. Je n’arrive pas à ressentir le même enthousiasme que quand Kelly Slater a remporté le Rip Curl Pro Landes en 1992. Il manque quelque chose.

J’entends déjà les jeunes surfeurs qui lisent le blog dire que je suis un vieux con qui ne sait pas faire d’aérial – ce en quoi ils auront parfaitement raison – mais on ne peut résumer le surf à une succession de figures, aussi radicales soient-elles. J’ai déjà écrit cela dans un article intitulé ces surfeurs qui font du skateboard sur les vagues. Avec ces critères de jugement, Christian Fletcher aurait pu être champion du monde s’il ne s’était pas trompé d’époque.

Gabriel Medina est loin d’être le surfeur le moins stylé : il a un surf très propre et précis. Mais il semble trop focalisé sur ses figures pour tracer de belles trajectoires sur la vague entre deux manœuvres. Il manque parfois de liant entre deux figures et on voit venir les gros air reverse à 100 mètres avec une prise de vitesse, un écartement de jambes et un pompage pas toujours esthétiques.

Son surf aérien paraît également difficilement transposable quand il y a plus d’1,50 mètres et il devra déployer d’autres qualités pour s’imposer sur de vraies vagues dans de vraies conditions comme à J-Bay, Bells ou Pipe. L’analyse de Francis Distinguin dans son article intitulé « Fessée cul nul » est à ce titre intéressante pour relativiser le génie de Medina.

Voici les deux meilleures vagues de Gabriel Medina pendant le Quiksilver Pro France. Cela vous fait rêver ? Personnellement, je préfère infiniment plus cette vague magnifique de Julian Wilson où il prouve qu’on peut encore tutoyer l’excellence en surf en restant sur la vague.

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