Nous connaissons bien le surfeur japonais Takayuki Wakita sur Surf Prevention, car il est l’un des seuls à porter un casque quand il surfe la vague de Pipeline. Surfeur reconnu à Hawaii, Takayuki parle surf dans le dernier numéro de Surfer Magazine (May 2012) mais aussi et surtout de l’expérience traumatisante vécue pendant le tremblement de terre du 11 mars 2011 et le tsunami, puis du cauchemar de la catastrophe nucléaire de Fukushima qui n’en finit pas.

Takayuki Wakita était chez lui à Tomari, non loin de Fukushima, quand le tremblement de terre s’est produit. Il s’agissait du séisme le plus puissant et le plus long qu’il n’avait jamais ressenti. Il a immédiatement pensé à ses enfants, Taichi, 12 ans, et Sara, 9 ans, qui étaient à l’école à ce moment. Takayuki et sa femme sont sortis et ont tout de suite regardé vers la mer. Ils ont couru récupérer les enfants avant que le tsunami n’arrive et sont allés se réfugier dans les hauteurs avec de nombreux voisins dans le club house d’un golf.

Nous avions lu la lettre d’un surfeur désespéré juste après la catastrophe de Fukushima. Le témoignage de Takayuki Wakita survient des mois après, à l’automne dernier. Il raconte comment le Japon a connu de multiples répliques depuis et comment la population retient son souffle à chaque fois.

Il se rend sur le site d’une compétition à Ibaraki, une ville-fantôme située à une centaine de kilomètres au sud de Fukushima. Quand il demande aux organisateurs s’il est prudent de surfer dans une ville dont le port de pêche a été fermé à cause de la radioactivité de l’eau, on lui répond qu’il n’y a aucune raison de s’inquiéter car le gouvernement a dit que c’était sûr.

Malgré les messages de ce genre pour rassurer la population, les Japonais ne sont pas dupes et se méfient en permanence de la radioactivité, notamment dans les produits de la mer dont ils sont friands mais qui sont en première ligne face à la contamination radioactive de l’océan. Takayuki raconte comment il ne cherche surtout pas à « manger local » au restaurant, mais au contraire à manger des poissons qui viennent du plus loin possible de Fukushima pour éviter la contamination… Toute la question étant de savoir jusqu’où la chaîne alimentaire a été contaminée…

Le petit monde du surf japonais a été sinistré dans la zone : des surfeurs sont morts, certains ont arrêté le surf, d’autres n’osent même plus s’approcher de l’océan dans lequel des fuites d’eau radioactive se poursuivent épisodiquement depuis plus d’un an maintenant. Certains surfeurs continuent à pratiquer, mais ont-ils des moyens de connaître le risque qu’ils prennent ? Non. Wakita surfe toujours chez lui à Tomari, au nord de Fukushima. Il décrit dans l’article une plage post-apocalyptique couverte de débris d’habitations.

Wakita raconte également dans l’article pourquoi une section de la vague de Pipeline porte son nom, “Wakita’s”, car elle est située dans un no-man’s land entre Off The Wall et Backdoor d’où lui seul ose partir… en gauche ! Depuis l’âge de 18 ans, Wakita vient à Hawaii où il a gagné ses galons de surfeur reconnu par les locaux et où il est invité à la prestigieuse épreuve du Eddie Aikau. Il a également payé son dû au reef avec de multiples plaies dont il garde les cicatrices et trois fractures de côtes provoquées par le seul impact sur l’eau sur des wipeout.

Wakita aimerait quitter le Japon pour de bon et mettre sa famille à l’abri à Hawaii, loin des tremblements de terre, des tsunamis et de l’eau radioactive. Malheureusement, les services de l’immigration américaine en ont décidé autrement. Comme beaucoup de Japonais, il est condamné à rester dans une zone dont on ne connaîtra les conséquences de la radioactivité que des années après. Comme il le dit lui-même : « C’est dur car tu ne sais rien. Tu peux aller surfer tous les jours et tu ne tomberas pas malade pendant trente ans. Mais quand tu le seras, tu ne pourras pas prouver que c’est à cause de la radioactivité. » Takayuki Wakita qui approche de la quarantaine pense avant tout à ses jeunes enfants qu’il ne voudrait pas exposer à long terme à un océan contaminé s’ils décident de surfer tous les jours…

Photo Kin Kimoto. d’après l’article « No Men’s Land » de Tetsuhiko Endo paru dans Surfer (Mai 2012).

Lire aussi : « Fukushima : tombe 7 fois, relève-toi huit »

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2 Commentaires

  1. "Tu peux aller surfer tous les jours et tu ne tomberas pas malade pendant trente ans. Mais quand tu le seras, tu ne pourras pas prouver que c’est à cause de la radioactivité."

    Takayuki Wakita a tout dit quand il a dit ça. Les conséquences sanitaires d'une telle catastrophe ne se feront réellement ressentir que dans plusieurs années, et les malades auront alors le plus grand mal à le faire reconnaître.

    Sur un autre sujet, c'est ce qu'explique aujourd'hui dans Sud-Ouest une cancérologue à propos de la relation entre l'utilisation des pesticides et la survenue de cancers de la vessie chez les viticulteurs :

    "le cancer de la vessie peut avoir d'autres facteurs de risque confondants, comme le tabac. Si vous fumez et que vous avez été exposé aux pesticides, on vous répondra que votre cancer est lié au tabac. (…) on sous-estime beaucoup l'impact des pesticides sur la santé des agriculteurs (…) les maladies se déclarent très lentement. Les malades que nous traitons ont été exposés dans les années 1960 ou 1970."

    Je vous conseille de lire la suite dans cet article : http://www.sudouest.fr/2012/04/07/on-sous-estime-

  2. incognito dit :

    Moi, sincèrement ça me donne envie de pleurer, et j'imagine si j'étais un surfeur de
    Fukushima.Comment excuser ça, comment pardonner ça…

    L'homme est arrivé a un point, ou il est la capable de détruire et de nuire, l'une des plus belles choses que la nature lui offre.

    Les hommes devraient se recentrer sur les choses importantes de l'humanité…

    Je suis dégouté et l' avenir me laisse un gout amer… j'éspère que je me trompe.

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