Ces chercheurs américains de l’Idaho State University School n’en sont pas au stade de conclusions définitives, mais leur travail montre comment une pollution chimique (médicamenteuse ici) peut avoir un impact inattendu sur la santé : celle des poissons, mais peut-être aussi celle de l’homme.

Leur étude vient de montrer que de faibles concentrations d’antidépresseurs dans l’eau pouvait déclencher l’expression de gènes associés à l’autisme chez le poisson.

On le sait, l’usage de médicaments antidépresseurs et autres psychotropes est à un niveau très élevé dans des pays développés comme les Etats-Unis ou la France. Or, jusqu’à environ 80% de ces médicaments peuvent être relargués tels quels dans les urines des patients et se retrouver dans les eaux usées. Problème: les stations d’épuration (quand elles existent) ne filtrent généralement pas – ou peu – ces molécules qui passent au travers et partent dans l’environnement et se retrouvent dans l’eau du robinet que l’on boit.

Les auteurs partent de la constatation que l’autisme « idiopatique » (causé par une susceptibilité génétique interagissant avec des facteurs environnementaux inconnus) avait considérablement augmenté ces 25 dernières années, sans que les causes n’apparaissent clairement. Identifier les facteurs environnementaux en cause n’est pas évident notamment à cause des interrogations qui persistent sur la physiopathologie de l’autisme.

Différentes pistes sont étudiées: on sait par exemple que l’utilisation d’antidépresseurs chez la femme enceinte a été associée aux troubles autistiques. Mais les antidépresseurs et autres psychotropes non métabolisés par l’organisme sont également retrouvés dans l’eau potable provenant de sources de surface, offrant une autre source d’exposition à ces molécules chimiques et soulevant des questions sur les conséquences pour la santé humaine.

Même s’ils ne sont présents qu’à de faibles concentrations dans l’eau, par rapport à celles apportées par le médicament lui-même, les chercheurs ont fait l’hypothèse  que même une petite dose pouvait affecter le développement d’un foetus, vu que ces médicaments sont spécifiquement destinés à agir sur le système nerveux.

Dans leur étude, ils ont étudié l’influence sur des poissons d’un mélange de 3 psychotropes (2 antidépresseurs inhibiteurs de la recapture de la sérotonine*: fluoxetine et venlafaxine (substances actives du Prozac et de l’Effexor et génériques) et de la carbamazépine (anti-épileptique du Tegretol et génériques)). Ils ont observé l’impact de ce cocktail sur le profil d’expression des gènes des poissons « tête de boule » (= « fathead minnow » ou « Pimephales promelas »).

Ils ont utilisé des concentrations de médicaments comparables aux plus hautes concentrations que l’on peut retrouver dans l’environnement. Ils ont mené des expériences en examinant le tissu cérébral des poissons exposés aux médicaments pris un par un, puis les trois ensemble.

Ils ont fait une analyse de classes de gènes associés à 10 troubles neurologiques humains, mais seuls les 324 gènes associés à l’autisme idiopathique chez l’homme ont été significativement modifiés (avec également une série de gènes liés à la sclérose en plaque et une à la maladie de Parkinson). La plupart de ces gènes sont impliqués dans le développement cérébral.

Pour savoir si ces modifications génétiques altéraient vraiment le comportement des poissons, ils ont fait une expérience où ils les ont surpris: les poissons exposés aux médicaments avaient tendance à paniquer et à se comporter différemment par rapport au groupe contrôle.

Les auteurs concluent que leurs découvertes suggèrent un nouveau déclencheur potentiel pour l’autisme idiopathique chez des individus présentant une susceptibilité génétique impliquant une source jusqu’ici négligée de contamination environnementale.

Le chercheur Michael A. Thomas remarque que : « Alors que d’autres ont déjà envisagé un rôle causal pour les médicaments psychotropes dans l’autisme idiopatique, nous avons été stupéfaits de trouver que cela pourrait aussi arriver à de très faibles dosages, comme ceux que l’on trouve dans les milieux aquatiques. »

Michael A. Thomas insiste sur le fait qu’il s’agit de recherche préliminaires – et qu’il n’y aurait « pas besoin pour les femmes enceintes de s’inquiéter de l’eau qu’elles boivent pour le moment« . Les chercheurs prévoient d’étudier maintenant si les médicaments ont des effets similaires chez les mammifères. Ils vont également étudier les sources d’approvisionnement en eau où les médicaments se retrouvent en forte concentration pour savoir s’il y a plus de problèmes d’autisme dans ces zones.

Lire la version intégrale de l’article.

Source: Michael A. Thomas, Rebecca D. Klaper. Psychoactive Pharmaceuticals Induce Fish Gene Expression Profiles Associated with Human Idiopathic Autism. http://www.plosone.org/article/info:doi/10.1371/journal.pone.0032917

http://www.newscientist.com/article/dn21882-antidepressants-in-water-trigger-autism-genes-in-fish.html

* le taux de sérotonine a été associé à l’autisme: http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/18062943

A propos de l'auteur :

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2 Commentaires

  1. Lu sur Le Point:

    La France reste l'un des plus gros producteurs de médicaments en Europe (…) Il était donc logique que l'Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire) réalise une vaste enquête pour faire le point sur la présence de résidus de médicaments dans l'eau. Les chiffres sont édifiants et montrent que 25 % des eaux analysées contiennent des traces de médicaments. Les psychotropes sont très nettement présents avec notamment la carbamazépine, molécule utilisée pour traiter l'épilepsie et la régulation de l'humeur, dont la France produit 40 tonnes par an ! Un peu anxieux ? Vous pourrez aussi trouver votre remède dans l'eau courante avec l'oxazépam, une molécule utilisée dans des anxiolytiques commercialisés sous les noms de Seresta® ou Sigacalm® et Serax®) ! Mais comment ces charmantes molécules arrivent-elles jusqu'à notre robinet ? Tout simplement via les urines ou les selles humaines évacuées dans les eaux domestiques ou à travers les rejets de l'industrie chimique et pharmaceutique ou encore les hôpitaux (qui sont paradoxalement la source la plus importante de pollution). Malheureusement, les stations de traitement ne sont souvent pas assez efficaces pour l'élimination totale de ces résidus. Aujourd'hui, les femmes enceintes ont donc tout intérêt a être prudentes dans le choix de leur boisson en se renseignant sur la qualité de l'eau dans leur région, en optant pour des systèmes de filtres efficaces ou en choisissant une eau en bouteille (idéalement sous verre en raison des polluants présents dans le plastique).

    L'autisme, nouvelle maladie de la pollution ?

    Les cas d'autisme et les troubles du comportement de l'enfant ne cessent d'inquiéter. Combien sont réellement touchés ? Difficile d'avoir une estimation exacte car les critères d'évaluation varient d'un pays à l'autre. Alors qu'en France on évoque une prévalence de l'autisme chez 2 enfants sur 1 000, aux États-Unis ce serait 1 enfant sur 100, tandis que les Coréens évoquent même un enfant sur 38 ! Une chose est certaine, l'ampleur de la maladie devient inquiétante et les cas auraient été multipliés par trente entre 1980 et 2000 aux États-Unis et en Grande-Bretagne. Cette maladie débute vers l'âge de deux ans avec une absence ou un retard du développement du langage parlé, avec souvent des mouvements répétitifs, une absence de contact visuel et un isolement social. Plus largement, les troubles du comportement de l'enfant englobent aussi l'hyperactivité, la dysphasie, la dyslexie, l'épilepsie, l'anorexie, la boulimie, les troubles obsessionnels compulsifs. Si les études se multiplient pour mieux comprendre l'autisme, celles pointant du doigt des causes environnementales sont de plus en plus nombreuses : pesticides, mercure, dioxines, PCB, vaccination sont ainsi tour à tour évoqués. L'explosion des cas d'autisme coïncide étrangement avec la montée en flèche de la pollution environnementale. L'autisme pourrait bien être finalement une maladie de notre siècle. Et sans doute une maladie environnementale.

    Source: http://www.lepoint.fr/sante/les-antidepresseurs-r

  2. Indépendance dit :

    Merci pour ce commentaire qui fait vraiment le point sur l'impact de la pollution environnementale sur notre santé. D'ailleurs, il faudrait redoubler de vigilance pour ce qui est de la qualité de l'eau!
    Camille

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