Impression très mitigée après la diffusion hier soir du reportage d’Envoyé Spécial « Peut-on se fier au Label Pavillons Bleus ? » sur France 2. Si les Pavillons Bleus et la pollution en Méditerranée ne sont pas épargnés, la Côte Basque est étonnamment ménagée et montrée sous son meilleur jour, alors que les problèmes qui s’y posent sont exactement les mêmes qu’en Méditerranée et que les solutions apportées sont très loin d’être satisfaisantes. Ce qu’omet de dénoncer le reportage…

Je suis d’autant plus surpris que le reportage ait ainsi été édulcoré que j’étais censé y intervenir sur la pollution des eaux de baignade de la Côte Basque en général, et de celles de Biarritz en particulier. Mais mon interview a été coupée au montage, et n’ont été diffusées que quelques fractions de secondes où on me voit faire du surf tout à la fin… Je participe ainsi bien involontairement au « greenwashing » de la Côte Basque, alors que je devais en dénoncer les carences en matière de prise en charge de la pollution des eaux de baignade.

L’angle d’attaque du reportage, tel qu’on me l’avait présenté avant l’interview, était de partir de l’abandon des Pavillons Bleus par certaines communes, pour mieux se focaliser sur les méthodes discutables employées par des sociétés privées auxquelles font maintenant appel certaines collectivités locales pour se porter garantes de la qualité de leurs eaux de baignade.

Malheureusement, en ce qui concerne la Côte Basque, le reportage s’est cantonné à une analyse descriptive et avantageuse des moyens employés. Les installations coûteuses, inutiles et polluantes pour le milieu marin mises en place à Bidart avec une porte à clapet et un émissaire pour contenir et refouler au large les eaux polluées de l’Uhabia, ont même été présentées comme une solution recevable, sans donner la parole aux opposants à ce projet.

Le reportage fait bien comprendre que les Pavillons Bleus (obtenus cette année par 136 communes et 377 plages en France) n’apportent pas de garantie suffisante en matière de qualité des eaux de baignade, mais ça on le savait déjà depuis longtemps.

Ce qu’il aurait été intéressant de faire comprendre au grand public dans ce reportage, c’est que les communes de la Côte Basque qui ont décidé de se passer du Pavillon Bleu continuent de se fier à des analyses d’eaux de baignade tout aussi incomplètes qu’avant, avec seulement 2 paramètres bactériologiques étudiés et une abstraction totale des diverses pollutions chimiques retrouvées dans le milieu marin (hydrocarbures, pesticides, détergents, médicaments…). La seule différence avec les Pavillons Bleus, c’est qu’on arrive maintenant à se baser sur des analyses réalisées le jour-même, au lieu de regarder celles de la saison passée.

On voit dans le reportage comment les prélèvements de la Lyonnaise des Eaux (Groupe Suez Environnement) sont effectués tôt le matin sur la Côte Basque, en saison estivale uniquement. Mais quand on voit ensuite que la seule question que les techniciens de la société Rivages Pro Tech (filiale de la Lyonnaise des Eaux) se posent est de savoir s’il y a des E-Coli et des entérocoques dans l’eau, ça donne envie de rire… jaune.

Le reportage met pourtant bien en évidence la réalité des pollutions chimiques en Méditerranée. Pourquoi alors ne pas soulever le problème sur la Côte Atlantique ? Pourquoi se montrer complaisant envers des communes et des entreprises qui continuent de cacher la poussière sous le tapis ?

Pendant ce temps, la pollution chimique de l’océan atlantique se poursuit en toute impunité, comme celle occasionnée en ce moment par la liqueur noire de Smurfit Kappa rejetée dans l’océan au niveau du Wharf de La Salie, sans que les médias ne relaient ce scandale environnemental.

Nous reviendrons sur les parties intéressantes de ce reportage. Mais un constat s’impose : on ne peut pas tout dire sur la télévision publique sur certaines grandes entreprises ou riches stations balnéaires. Et surtout pas en pleine saison estivale (le reportage initialement prévu début juillet avait été décalé au 9 août). Sans remettre en question la qualité d’une émission comme Envoyé Spécial et le travail effectué par le journaliste, je regarderai désormais ces reportages avec un oeil encore plus critique.

Revoir le reportage : http://envoye-special.france2.fr/les-reportages-en-video/peut-on-se-fier-au-label-pavillons-bleus-9-aout–2012-4547.html

A propos de l'auteur :

Je suis médecin généraliste, surfeur, et je m'intéresse avant tout aux bienfaits de la mer pour la santé. Je suis engagé dans la protection de l'environnement marin car notre santé est intimement liée à celle des océans.

 

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5 Commentaires

  1. buttonsbtz dit :

    on nous prend pour des jambons!

  2. Betizu dit :

    Salut,
    Cet article est intéressant. Je me permets tout de même une remarque concernant les deux paramètres microbiologiques mesurés par des entreprises privées (et donc les collectivités). Si ces deux paramètres sont mesurés, ce n’est parce que les entreprises les jugent pertinent, mais car le seul cadre réglementaire à la qualité des eaux de baignade en Europe est la directive de 2006 qui oblige uniquement à mesurer ces deux paramètres.

    Je suis aussi surpris de voir comment la problématique de l’Uhabia et de sa porte à clapet est traitée comme une résolution du problème alors qu’à mon sens c’est un contournement. Mais je comprends aussi que les collectivités pensent que c’est une résolution du problème, car en effet ça l’est si l’on s’appuie sur la directive de 2006 (qui ne mesure que les deux paramètres microbiologiques.

  3. nico dit :

    Et si nous parlions des comportements des personnes vivants toute l'année au bord de l'océan,allez jetez un oeil lors des grandes marrées début septembre lorsque l'on ouvre les vannes de tous les lacs ou étangs vers la mer afin que les énormes vagues puissent diluer la saleté accumulée durant deux mois d'abus en tout genres .c'est très bien de mettre la saleté sous le tapis au moment voulu mais l'hiver vous ne croiserez pas sur nos plages que de jolis bois flottés…à bon entendeurs salut

  4. Ce qui est scandaleux dans ce reportage, c’est qu’on nous donne l'impression que les installations de Bidart vont résoudre un problème, alors qu’on va relarguer <a title="Uhabia (Bidart) : une porte à clapets et un émissaire pour refouler l’eau polluée en mer" href="https://blog.surf-prevention.com/2012/04/09/bidart-emissaire-riviere-uhabia/&quot; target="_blank" rel="nofollow">des eaux non traitées un peu plus loin en mer par jours de pluies.

    Le reportage enchaîne ensuite en abordant la pollution occasionnée par <a title="Pollution : c’est quoi ces ronds en plastique sur les plages ?" href="https://blog.surf-prevention.com/2010/07/15/ronds-en-plastique-camemberts-sable-plage/&quot; target="_blank" rel="nofollow">les médias filtrants qui viennent "d'ailleurs". Comme on l'entend souvent sur la Côte Basque, la pollution viendrait de l'Espagne… C'est tellement plus facile d'accuser toujours le voisin. Je ne dis pas qu'il n'y a pas de problèmes de l'autre côté de la frontière, loin de là, mais nous ferions mieux de commencer par balayer devant notre porte.

    Mon intervention qui n'a pas été diffusée visait justement à montrer que le gros de la pollution que l'on ignore volontairement en ne la recherchant pas vient en fait de chez nous. Je partais de l'exemple des produits de nettoyages utilisés à Biarritz qui finissent leur course dans la mer et des produits "phyto-sanitaires" qui viennent des espaces verts. On pourrait aussi parler des concentrations en médicaments en provenance des eaux usées des hôpitaux ou des maisons de retraite (résidus que l'on retrouve jusque dans l'eau du robinet…).

    Le vrai défi du traitement de l'eau sera d'arriver à canaliser les eaux qui charrient ces substances chimiques et à les traiter, chose que les stations d'épuration ne sont pas encore capables de faire. Pour pallier au problème, on ne recherche pas ces polluants (c'est plus simple). "L'avantage" étant que ces polluants ne se voient pas, on aura toujours beau jeu de mettre en doute les inquiétudes de ceux qui soulèvent le problème des pollutions chimiques de l'eau…

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