La surf thérapie consiste généralement en une activité de bord de mer, mais des applications se développent aussi loin de la côte. Une nouvelle déclinaison a ainsi vu le jour sur les bords du Lac Léman en Suisse grâce à l’utilisation de planches de surf pour la rééducation kinésithérapique en milieu aquatique.

Boris Vonlanthen qui sera présent à la Conférence Mer & Santé nous raconte ici sa démarche qui l’a mené à prendre en charge des patients orthopédiques, rhumatologiques et neurologiques en piscine et en milieu lacustre à l’aide de planches de surf.

Physiothérapeute, mais aussi surfeur suisse, Boris Vonlanthen traite certains de ses patients en piscine et dans le lac Léman à l’aide de planches de surf. Cet article parle du matériel et des particularités de son utilisation pour la « physio-surfboard-thérapie« , ainsi que des principes régissant l’élaboration d’exercices de rééducation avec des planches de tailles diverses, illustrés au travers de certains exemples concrets.

Au final, les bénéfices induits par une dynamique particulière à cette pratique profitent autant aux patients qu’au thérapeute.

Cet été 2013, j’ai eu la chance de pouvoir organiser au sein de la clinique où je travaille, un projet pilote de prise en charge de certains de mes patients en milieu lacustre, avec l’aide de planches de surf. Ceci fait suite à un développement de ce concept en piscine qui a débuté en 2010.

Diverses planches aux propriétés spécifiques sont utilisées. Tout d’abord une bodyboard de 80 cm, qui permet le travail des membres inférieurs en pédalages avant ou arrière selon les groupes musculaires ciblés. Les battements genoux fixés en extension permettent un travail accentué au niveau des hanches et des muscles fixateurs du bassin. L’utilisation de palmes permet une intensification de l’intensité de l’effort. Cette planche permet aussi une déstabilisation maximale en position assise, stimulant l’appareil proprioceptif et les réactions d’équilibration du tronc.

Une funboard de 2m20 (= mini malibu NDLR) permet le travail en décubitus dorsal (voir la description d’un exercice particulier ci-après), mais aussi en décubitus ventral ou assis. Le décubitus ventral avec une participation active des membres supérieurs en alterné offre l’avantage d’une tonification intense des extenseurs du rachis, tout en maintenant la stabilité du tronc. Elle facilite les mouvements du membre supérieur atteint dans les cas d’hémiplégies. Le patient en position debout peut aussi reposer ses membres supérieurs dessus, alors que le bas du corps est guidé manuellement par le thérapeute, lors d’une rééducation à la marche par exemple.

Enfin, la planche de SUP (Stand Up Paddle) de 3m50, utilisée en lac à cause de ses dimensions imposantes, permet une autre variété de positions : à genoux, genoux redressé, en chevalier servant ainsi que debout. En statique ou en transfert d’une position à l’autre, de nombreuses combinaisons s’offrent aux besoins thérapeutiques.

Bien que s’apparentant à une planche à bascule classique, la planche de SUP offre les avantages du plaisir en plein air dans un élément agréable, motivant et valorisant pour l’image de soi. La culture surf véhicule des valeurs de plaisir, de liberté et d’appartenance communautaire dont les patients peuvent aussi bénéficier et qui les stimulent.

Description d’un exercice significatif (avec pour référentiel les plans anatomiques):

Le patient se trouve en décubitus dorsal sur une funboard. Le thérapeute se trouve à la tête du patient ou à ses pieds, avec l’eau au niveau de sa taille. Il a une vue plongeante privilégiant l’observation du plan frontal, ou du plan horizontal s’il se baisse plus proche de l’eau. La ligne médiane de la planche de surf constitue un repère intéressant pour l’observation de la symétrie dans le plan frontal (position du corps sur la planche, inclinaisons latérales du tronc ou abductions des membres), alors que la palpation des ailerons indique au thérapeute un mouvement de rotation dans le plan horizontal.

La symétrie de la position du corps sur la planche est indispensable pour pouvoir tenir l’équilibre sans tomber. Cette propriété est intéressante dans des cas d’hémiplégie par exemple, où une symétrisation des deux hémicorps est recherchée. Par contre, une dissymétrie de la position du corps sur la planche induira une compensation du tronc et du rachis, utile pour stimuler ou faire prendre conscience d’une position de correction posturale (scolioses).

De même, un mouvement de membre supérieur induira une compensation par le membre inférieur opposé pour maintenir l’équilibre, et réciproquement. Ceci est très utile pour la stimulation du mouvement des parties plégiques du corps (hémiplégies).

Il est à noter que les cas de scolioses juvéniles du projet ont bénéficié précédemment d’un traitement de prise de conscience posturale de type SEAS Approach (1). La thérapie à l’aide de planches de surf vient alors en seconde partie de rééducation, et c’est la tenue de positions symétriques corrigée qui est recherchée, d’abord en statique, puis en dynamique. En progression, ceci est rendu possible par la diversité des positions. En décubitus dorsal ou ventral d’abord, puis assis et enfin debout sur la planche.

Le thérapeute observe les déviations par rapport à la norme physiologique d’une part, et la norme individuelle ainsi que la progression d’une séance à l’autre d’autre part. Il peut corriger par facilitations verbales, visuelles (démonstration ou exercice en miroir), ou encore par facilitations kinesthésiques : points de repères tactiles donnés par la planche, les mains du thérapeute, ou encore les deux.

Un élément de progression observable est par exemple le temps d’adaptation pour trouver une position corrigée dans une certaine situation avec la planche. Dans un contexte reproductible, plus ce temps est court, plus le patient progresse. Un autre exemple est la tenue indépendante d’une position particulièrement déstabilisante, comme assis sur une bodyboard, avec une activité annexe des membres supérieurs (double tâche). Cette position servira de test de départ, puis de but à atteindre par la suite. Le jour où le patient y parvient, il a acquis suffisamment de stabilité du tronc et de la ceinture pelvienne pour le faire.

(1) SEAS pour « Scientific Exercises Approach to Scoliosis »Le processus de création d’un exercice est complexe et dépend de chaque cas particulier.

Une description exhaustive de tous les exercices avec une planche de surf serait donc aussi fastidieux que réducteur. Il n’y a pas un exercice type idéal, mais une multitude de possibilités, dépendantes de chaque situation et de chaque moment. Par exemple, un jour de clapot sur le lac permettra de mettre en pratique fonctionnelle les acquis des séances précédentes plus calmes du point de vue du plan d’eau, et basées sur des éléments analytiques de rééducation. C’est donc au thérapeute de s’adapter à l’élément, ce qui est la seconde nature de tout surfeur.

J’espère que cet exemple aura donné une idée de ce qui est réalisable avec une planche de surf en rééducation. Chaque thérapeute y trouvera le moyen d’exprimer sa créativité pour le bien-être de ses patients, et aussi de nourrir sa propre passion pour son métier. Pouvoir pratiquer de manière ludique et stimulante est un bienfait autant pour le patient que pour son thérapeute. Les thérapies d’été en milieu naturel pourraient stimuler la motivation des patients chroniques, devant recevoir des soins à l’année. L’avenir de ce projet nous le dira peut-être.

Nota : J’aurai le plaisir de présenter ce sujet plus en détails à Biarritz le samedi 5 octobre à l’occasion du congrès « Mer & Santé ». Je répondrai volontiers aux éventuelles questions.

Par Boris Vonlanthen,
Physiothérapeute, surfeur, sauveteur Lac Léman, Clinique La Lignière, Suisse
Responsable du Service de Rééducation Neurologique et Orthopédique : Dr Jean-Paul Robert

A propos de l'auteur :

Première Conférence scientifique sur la Mer et la Santé à Biarritz les 4 et 5 Octobre 2013.

 

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1 commentaire

  1. Florian dit :

    Bravo! En plus nous sommes voisin! Cette idée me poursuit, je travail en institution et malgré mes propositions et projets rien y fait, je travail pour l’Institution de Lavigny et j’aimerais prendre contact pour plus de précisions.
    Merci!

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