Avec ses 4 façades maritimes et les îles des DOM-TOM, on pourrait croire que la France est un pays de marins. Même si les gens sont de plus en plus nombreux à venir habiter près des côtes, on constate qu’une partie grandissante de la population française a peur de la mer. Je ne parle pas ici des personnes aquaphobes ou de celles qui ont peur des vagues, mais de celles qui considèrent la mer comme un environnement hostile. L’actualité de cette semaine est venue encore renforcer les craintes dans le grand public.

« La mer est dangereuse »

La nouvelle attaque de requin mortelle sur une adolescente de 15 ans a terrorisé l’opinion publique. Il ne s’agissait plus dans la tête des gens d’un de ces « irresponsables de surfeurs«  qu’ils aiment détester, mais d’une jeune victime innocente qui ne faisait que se baigner au bord de l’eau.

Même si elle est tout aussi dramatique que les autres, cette attaque a eu un impact psychologique beaucoup plus fort dans l’esprit des gens qui se sont dits que ça aurait pu être eux, ou leur enfant. Ce drame n’a fait que renforcer la psychose, et déjà que beaucoup considéraient que « la mer est le territoire du requin », ils seront encore moins nombreux à oser se tremper à La Réunion.

Cette peur du requin ne se limite pas à La Réunion, loin s’en faut; vous serez surpris d’apprendre qu’un motif fréquent de consultation du site Surf Prevention est la recherche « requins à Biarritz » sur Google. Avant de venir à Biarritz, les gens veulent bien s’assurer qu’il n’y a pas de squale, ailleurs qu’au Musée de la Mer…

Cette phobie du requin est entretenue par la recrudescence des attaques et le sensationnalisme des médias et du cinéma (cf. le nouveau film Sharknado…).

Il y a bien d’autres animaux marins potentiellement dangereux, comme les méduses ou les physalies dont l’arrivée possible (mais incertaine) a été annoncée cette semaine sur la côte aquitaine. De quoi faire stresser ceux qui n’étaient pas inquiets de la pollution…

 

« La mer est sale »

La psychose a pris un tournant beaucoup plus surprenant dans le Sud-Ouest cette semaine où de folles rumeurs se sont propagées quant à des infections gravissimes liées à la pollution de l’eau: perte d’un œil, amputation d’un bras ou d’une jambe, coma, décès… Des cas inventés de toutes pièces et propagés par des centaines de personnes, avec le pouvoir démultiplicateur des réseaux sociaux sur une rumeur.

J’ai passé ma semaine à expliquer que le problème de pollution aiguë que nous avons eu en juin était derrière nous. Et que si on observait quelques affections estivales bénignes déclarées sur Surf Infection, il n’y avait aucun danger particulier à se baigner en ce moment en suivant quelques conseils.

Bien sûr qu’il y a des problèmes de pollution, que nous sommes les premiers à dénoncer, bien sûr que l’assainissement des zones côtières urbanisées est à revoir pour des raisons de santé publique, mais de là à croire qu’on court un danger de mort imminente en allant dans l’eau, il y a un pas que certains ont franchi… Ils y croient dur comme fer et ne mettront pas un orteil dans l’eau de l’été… Surfing Biarritz a sorti une parodie amusante sur cette psychose qui touche la Côte Basque.

Mais rien n’y fait. Nombreuses sont les personnes à croire qu’il y a un dangereux staphylocoque tapi dans l’eau prêt à leur sauter dessus et à les infecter gravement… Faut-il rappeler que même en l’absence de pollution, la mer est un milieu vivant rempli de microbes, mais ce n’est pas pour autant qu’on va tomber malade en s’y baignant !

 

D’une manière générale, de plus en plus de gens ont peur d’un danger invisible et insaisissable dans la mer, et leur peur n’est pas toujours accessible au raisonnement. Ces craintes peuvent avoir des conséquences concrètes au niveau touristique avec l’annulation de séjours, comme on a pu le constater aussi bien à La Réunion à cause des requins que dans le Sud-Ouest pour les incertitudes sur la qualité des eaux de baignade après les crues.

Quelles solutions pour réconcilier les gens avec la mer ?

Les peurs irraisonnées des gens proviennent essentiellement d’une méconnaissance profonde du milieu marin (« on a peur de ce que l’on ne connaît pas« ). Il faudra davantage éduquer le public à l’environnement marin pour qu’ils apprennent à le respecter, et éviter qu’ils ne s’en détournent définitivement.

Il faudrait également beaucoup mieux informer les usagers des plages sur la qualité des eaux de baignade et les risques éventuels… Les usagers (pour ne pas dire les consommateurs) de plage veulent maintenant de l’information en temps réel et de la transparence sur les conditions de leur baignade.

L’Etat, les collectivités, doivent prendre conscience de l’importance du bord de mer et des activités nautiques, et investir pour que celles-ci puissent se pratiquer dans les meilleures conditions sanitaires et de sécurité.

Comme souvent, on attend d’être face à un problème pour réagir, et le gouvernement a dû annoncer en catastrophe des mesures pour tenter de sécuriser les plages réunionnaises avec l’intention de « tout mettre en oeuvre pour préserver les usages multiples de la mer sur le littoral.« 

Sur Surf Prevention, on continuera à s’intéresser de près à toutes ces problématiques dont les solutions passeront surtout par la recherche, l’éducation, l’information et la communication.

L’un des objectifs du Congrès Mer & Santé sera d’expliquer tout ce que représente la mer pour notre santé à tous, et les enjeux environnementaux, sociaux et économiques qui en découlent. Ceux qui y assisteront devraient mieux comprendre pourquoi nous devons davantage nous tourner vers la mer, au lieu de la craindre.

La Mer n’est ni sale ni dangereuse, c’est un environnement vital pour l’homme qu’il faut apprendre à connaître et à utiliser de manière durable.

A propos de l'auteur :

Médecin, surfeur, blogueur. Auteur des livres Surfers Survival Guide, Surf Thérapie et DETOXseafication.

 

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9 Commentaires

  1. Après le risque éventuel d’un arrivage de physalies la semaine dernière, des plages de Biarritz sont fermées aujourd’hui pour « risque éventuel de pollution »…

    Ou comment alimenter la peur avec un risque hypothétique mal défini.

  2. Une vraie crise de confiance est en train de s’installer et touche les personnes extérieures à Biarritz ! Le dossier « réseau d’assainissement » ne fait que commencer…

  3. Adrien dit :

    Je suis allé consulter le programme du Congrès.

    La « santé de tous et les enjeux environnementaux, sociaux et économiques » vont être traités par qui ?

    Quels sont les titres et le niveau d’expertise des intervenants sur la qualité des eaux de baignade et les différents types de pollution ? Pas de nom d’orateur pour définir la qualité, et 2 noms « anonymes » pour parler des pollutions…

    Avez vous envisagé de faire intervenir des médecins ou des ingénieurs de l’ARS (pour le Ministère de la Santé), des représentants de collectivités locales, peut être même des élus, ou d’autres gens capables d’expliquer les choix/orientations/politiques publics en matière d’environnement littoral ?

    Ce serait intéressant qu’ils aient une tribune, ou un droit de réponse, puisqu’ils sont systématiquement pointés du doigt.

    • Il ne s’agit encore que d’un programme préliminaire, sur une thématique de l’impact de la pollution qui a été rajoutée à la Conférence Mer & Santé.
      Il devrait y avoir encore de bonnes surprises parmi les orateurs…
      […]
      Je préfère éviter de trop faire intervenir des élus dans un contexte pré-électoral.
      Si vous pensez à des scientifiques qu’il serait intéressant d’inviter, n’hésitez pas à m’en faire part.
      Une table ronde sur la thématique serait intéressante.

    • Tu peux t’inscrire à la Conférence Adrien, car la thématique environnement et santé est en train de sérieusement s’étoffer. Je ne peux pas encore tout officialiser mais il y aura des intervenants de tout premier plan pour ce qui concerne les analyses des eaux de baignade et l’assainissement.

  4. Marc dit :

    Hé ..!!! les mec ..!!il n’y a pas que la côte Basque qui est polluée ,la côte Landaise n’y échappe pas non plus .Je suis allé faire une ballade en sup sur le lac d’Hossegor ,c’est pourrie ..ça pue ..!!!et la côte pareil ,mon fils en revenant du surf a attrapé une allergie .J’ai un pot 3 jours de loustau après une session à la piste .Un infection intestinale ,bref des exemples à la pèle et les autorités locales ferment les yeux ,comme d’habitude .Alors il n’y a pas que la côte Basque les mecs …!!!

    Les élus ne veulent pas se mouiller (si je puis dire ) ,leur seule préoccupations ,c’est le bilan estival et à n’importe quel prix .Bien souvent ils sont incompétent […]

    • Adrien dit :

      Je me suis baladé à la campagne, par une belle journée de printemps, et après ça, j’avais les yeux qui brulaient et je n’arrêtais pas de me moucher ! Les élus ne m’avaient pas prévenu que le pollen pouvait être allergène !

      J’ai fait la sieste sur la pelouse d’un parc, et je me réveillé couvert de petits boutons ! Les élus ne m’avaient pas prévenu qu’il y avait des insectes dans la nature et qu’ils pouvaient piquer !

      J’ai passé l’après midi à la plage, et j’ai attrapé un coup de soleil ! Les élus ne m’avaient pas prévenu de l’index UV et ne m’ont pas dit qu’il fallait mettre de la crème solaire !

      Je me suis baigné sur la Côte Basco-landaise, et j’ai choppé une otite carabinée, doublée d’une gastro-entérite ! Les élus ne m’avaient pas prévenu qu’il fallait se rincer après la baignade pour éviter d’avoir de l’eau stagnante dans les oreilles, ni qu’il fallait éviter de boire la tasse ! Pourtant, c’est bien connu, dans n’importe quelle autre situation, où que ce soit, il n’y a aucun risque ! Dans tous les lacs et cours d’eau du MooOOOnde, on conseille vivement de se baigner et boire à grands gorgeons…

      Pour info, la seule préoccupation des élus, c’est le bien être de leurs administrés, et/pour assurer leur ré-élection !
      Ce ne sont pas des commerçants, et n’ont pas de primes de « bilan estival » !
      Ce qui se passe en ce moment n’inspire pas la quiétude des ouailles !
      Ca doit plutôt être la panique dans la tête des élus, car s’il y en a qui trainent sur des réseaux sociaux ou ici, ils doivent se demander comment répondre à de telles rumeurs, sachant que quoi qu’ils disent, quoi qu’ils fassent, on ne les croira pas…

      Enfin, depuis ce weekend, les parkings des plages sont pleins, plus beaucoup de places sur le sable, et plein de monde dans les zones de baignade.
      On critique, on critique, mais quand il fait chaud, tout le monde va quand même se jeter dans la cuvette des cabinets !

      Je vais y aller, comme d’hab’, sans me prendre la tête, et avec un minimum de précautions. Et si je choppe encore une otite (j’en ai de temps en temps), j’me dirai que c’est « pas de chance » ! C’est tout !

  5. Rodolphe dit :

    Déjà plutôt que de se lamenter sur les qualités des eaux de baignades , je propose que chaque surfeur sortant d’ une session ramasse au moins un détritus qu.il trouvera sur la plage , ainsi je pense que ce simple geste pourra (tout au moins ) sensibiliser le touriste et les autres devant une telle attitude .

    Bon surf a vous tous ( entre les poches et autres sacs plastic)

  6. Antoine dit :

    @Rodolphe : Chose que je pratique initié par mon amie. La première fois que je l’ ai vu faire elle a trouvée sur le montant de la poubelle de plage landaise une PSP en état de marche :p De quoi en motiver certains !

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