kitesurf vagues

Face à la répétition des accidents mortels en kitesurf, dont le dernier est survenu il y a 2 jours au Barcarès chez une jeune femme, nous avons décidé de nous intéresser à l’accidentologie de la discipline. Voici un article sur l’accidentologie générale en kitesurf proposé par le Dr Ollivier Grimault, kitesurfeur, médecin urgentiste à l’Hôpital de la Cavale Blanche au CHU de Brest et auteur d’une thèse sur la traumatologie et l’accidentologie du kitesurf en Bretagne.

Accidentologie générale en kite surf :

Avec le retour des beaux jours et afin de limiter les déboires liés au kitesurf, je vous propose de vous présenter son accidentologie et sa traumatologie. Il suffit de googler « accident kitesurf » pour se rendre compte que depuis le développement de la discipline dans les années 2000, le monde du kitesurf est régulièrement endeuillé par des accidents graves provoquant handicaps sévères et décès de ses pratiquants. Sa pratique est même devenue une clause d’exclusion pour les assurances.

A l’instar de nombreuses pratiques en rapport intime avec la nature telles que le Surf, le Windsurf ou l’Escalade, le Kitesurf est une pratique dite « libre » où peu de pratiquants sont licenciés. De fait, faute de déclaration systématique, les données fiables et exploitables concernant les accidents sont rares. Les données qui vont suivre résultent d’un recueil systématique auprès de patients pris en charge dans un service d’urgences côtier breton et déclarant avoir été victime d’un accident de kitesurf.

Ce recueil a été effectué durant 6 mois, de juin à décembre 2004. Certes, la gestion de la puissance de l’aile ainsi que les largueurs se sont considérablement améliorés depuis cette époque, mais les forces s’exerçant sur le pratiquant et la psychologie de celui-ci n’ont pas changé.

La traumatologie s’intéresse aux lésions observées lors d’une pratique. L’accidentologie se donne pour objectif d’analyser les conditions aboutissant aux lésions, leurs facteurs favorisants et leurs facteurs aggravants. L’analyse conjointe se donne pour objectif de prévenir les accidents, ou du moins de limiter la gravité des lésions en modifiant les pratiques ou en proposant du matériel de protection. A titre d’exemple, en VTT, le port du casque a permis de limiter les traumatisés crâniens graves liés au passage par-dessus le guidon (les fameux «soleils»).

TRAUMATOLOGIE du KITESURF :

Durant ces 6 mois de l’année 2004, 40 kitesurfeurs ont été admis aux urgences, soit 1 tous les 5 jours. 33 dossiers ont été correctement remplis.

Où ça tape ?
La tête était impliquée 21 fois, suivie de près par les membres inférieurs et supérieurs respectivement 20 et 18 fois, loin derrière le thorax et le rachis à égalité avec 3 fois. Aucune lésion abdominale n’était retrouvée sur cette série.

Quelles sont les lésions ?
Les lésions étaient souvent multiples pour un même pratiquant. Ont été répertoriés : 8 traumatismes crâniens dont 3 avec perte de connaissance, ce qui ne fait pas bon ménage avec le milieu aquatique du fait du risque de noyade. 12 fractures osseuses, 10 entorses ou luxations, 2 patients avec de multiples lésions tendineuses par coupure sur un obstacle, 1 hypothermie par immersion prolongée, 2 aquastress et de multiples contusions bénignes ont été recensés.

Est-ce que les lésions sont sévères ?
On peut évaluer la gravité ressentie par le patient ou par son entourage selon les modalités de recours aux urgences. On s’aperçoit que 13% d’entre eux ont nécessité le recours à une équipe médicale sur les lieux des accidents, 23% ont dû prendre une ambulance et 64% se sont rendus aux urgences par leurs propres moyens. De même, les suites données au passage aux urgences permettent d’appréhender la sévérité de la lésion traumatologique : dans notre série, 45% ont été hospitalisés et 13% ont nécessité une prise en charge chirurgicale immédiate.

En conclusion, quand sa tape, ça peut taper très fort. Et bien que le port du casque ne soit pas obligatoire, lors d’accidents nécessitant un recours aux services d’urgences, la tête est la première concernée. Le problème, c’est qu’un membre cela se réaligne, alors qu’un traumatisme crânien grave peut handicaper à vie ou même tuer. Le kitesurfeur est-il plus solide du crâne que le vététiste ? On peut en douter.

PHYSIQUE DU KITESURF : pourquoi ça tape fort et pourquoi la tête ?

Les données recueillies et présentées ci-dessus font ressortir que lors d’un accident de kitesurf suffisamment grave pour être admis aux urgences, les principales zones touchées sont la tête, le membre inférieur et le membre supérieur en proportions à peu près égales, respectivement 63%,60% et 55% des cas. Cette prévalence du haut du corps s’explique aisément par les forces s’exerçant sur le kitesurfeur.

Lors d’une perte de contrôle la force hydrodynamique diminue considérablement, voire est nulle. La résultante des forces qui s’applique alors au harnais est obligatoirement orientée vers la traction de l’aile qui entraîne une bascule vers l’avant tête la première.

kitesurf force velique

Lors d’une série de tests d’effort, la FFVL a mesuré la force s’exerçant sur les lignes. En navigation, elle est de l’ordre de 2G, soit 2 fois le poids du pilote. Mais surtout les montées en charge sont extrêmement rapides, inférieures à 0,5 seconde. Pour rappel, énergie cinétique (en joules) = 1/2 masse (en kg) x Vitesse (en m/sec.)² : plus cela va vite, plus il y a d’énergie.

Malheureusement pour le kitesurfeur, l’un des critères de gravité en traumatologie humaine est la haute cinétique, et nous supportons très mal les fortes accélérations/décélérations. L’autre problème est que ces durées inférieures à 0,5 seconde sont une cause de l’inaptitude à déclencher la sécurité : même entraîné, un pratiquant ne peut pas actionner la sécurité.

En conclusion, il vaut mieux tomber dans l’eau et éviter d’avoir un obstacle trop près car de toute façon lors d’une perte de contrôle on n’aura pas le temps de larguer l’aile, et quoi qu’on fasse on partira la tête en avant.

Dr Ollivier Grimault.

A propos de l'auteur :

Surf Prevention est le site sur le Surf, la Sécurité, la Santé et l'Environnement.

 

Tags: , , , , , ,

 

12 Commentaires

  1. thierry dit :

    Dans un sport aussi jeune, où le matériel a considérablement progressé, une étude datant de 10 ans, est sujette à caution. Ca ne retire rien au problème du danger. On peut s’amuser à comparer avec le chiffre des noyades l’été même si comparer les décès est puéril.

  2. RAMPON Stef dit :

    Tout ces accidents sont effectivement fort regrettables. Ce qui est décrit dans l’article est intéressant c’est certain mais je pense qu’il serait aussi indispensable de comprendre les causes : Conditions de vents, rapport surface/poids du pratiquant, densité des pratiquants sur le plan d’eau, proximité de la terre, expérience en mois, en nombre de sorties, circonstances détaillées…
    Cela pourrait nous sauver la mise. J’en parle avec un certain recul d’autant que je suis nouveau dans la discipline.
    Je ne suis déjà fait peur…plus d’une fois alors que j’ai pas mal d’expérience de la mer : Cerf volant, funboard, dériveur, bateau…
    J’ai aussi échangé avec des anciens. Tous sont d’accords…

    C’est effectivement un sport à pratiquer sérieusement comme la moto, le ski…car pas de protection, car la nature et la mer sont capricieuses… On prend cash surtout sur Terre…

    Au delà de ces risques c’est un beau sport marin qui implique le respect des autres de la mer et de soi.

  3. Jean dit :

    Sortir une étude sur les accidents de kite de 2004 est aussi pertinent que de sortir une etude sur la sécurité routiere avec des données de 1932. En 2004, c’était la préhistoire du Kite. Les ailes n avaient pas de gestion de puissance. D’ailleurs plus personnes ne navigue avec…. dans la mesure ou l on comprend que le kite doit se pratiquer dans l’eau et pas sur terre, et a proximité de la cote, et pas avec un vent off shore, deja on évite pas mal de probleme…

    • Dimitri dit :

      Jean, à ma connaissance la plupart des accidents sont dus à un choc avec un obstacle. Naviguer offshore peut donc au contraire éviter pas mal de problèmes. Evidemment il ne s’agit pas de partir seul sans personne qui serait prêt à alerter les secours en cas de problème.

  4. ALAIN dit :

    je rappelle que ce jour là il y avait des rafales à 50 noeuds à Barcarès.
    perso 20ans de fun board 7 ans de kite ,habitué du baston (roussillon/Var)
    83 kgs tout nu, je ne navigue jamais en kite au delà de 40 noeuds (en rafales)et 7 m2 et ….en mer
    de nos jours les prévisions sont très fiables et il faut rester humble devant les éléments.quant à Barcarès c’est pratique peu d’eau parking à proximité mais le vol plané sur la terre vous tend les bras!
    de mémoire la plupart des accidents mortels récents se sont tous déroulés par baston.

  5. ARNAUD dit :

    Bonjour,
    Étude sur 33 dossiers en bretagne d il y a plus de 10 ans, ce n est pas sérieux de publier cela en 2015.
    Vous devriez vous appuyer sur des statistiques plus récentes et complètes.
    Cordialement

  6. Fred dit :

    En effet, quel journaliste publie une étude datant de 10 ans ?

  7. Saison Y dit :

    L’etude est très intéressante, même si les statistiques d’apres certains datent. Il en résulte que la tête est à protéger dans cette pratique. Cela fait environ huit ans que je pratique, en habitant sur la plage, à raison de plusieurs fois par semaine. Et même expérimenté et ayant plusieurs tailles d’ailes, j’ai eu trois accidents, tous différents. Je ne porte pas de casque mais je pense que c’est une erreur de ma part.

  8. Fred dit :

    Bonjour, novice de ce sport (certainement très grisant) j’ai lu avec attention l’étude de l’époque et je pense aussi qu’elle devrait être actualisée afin d’apprécier l’évolution du matériel notamment.
    Complètement novice je me renseigne donc, car j’envisage de découvrir à la prochaine saison cette excitante activité. Fan de vitesse et pratiquant la moto (enduro et route) et le ski j’ai déjà essuyé quelques rudes gamelles… désormais depuis des années je n’oublie plus mes protections pour l’enduro (!!!) et la route bien évidemment. Quant au ski j’ai pour la 1ère fois acheté un casque à la dernière saison, certes pour « échapper » à mes frasques éventuelles, mais surtout pour me protéger des autres qui perdraient le contrôle…
    Je pense donc qu’il sera raisonnable que j’envisage la combi et le casque pour débuter le kitesurf 🙂
    Si certains d’entre vous pouvaient me faire part de leurs 1ères sensations (problèmes et grises…) merci par avance, et bonne glisse!

    • Gil dit :

      L’article est très bien fait ,rien à redire les fondamentaux physiques sont là et le temps de réaction pour larguer la sécurité est réaliste,c’est à dire que vous vous accrocher au palonnier et vous ne penser pas à larguer la sécurité et cela va très vite je dis cela en l’ayant vécu.
      Si il y avait une amélioration à faire un rupteur de force à partir d’une certaine charge instantanée, la sécurité lâche sans intervention du pilote . débuter en eau libre me semble une sage précaution et avec un encadrement compétent .Le but de cet article n’est pas d’effrayer mais de rendre conscient les pratiquants .

  9. BREILLAT dit :

    bel article qui pourrait faire peur. il est vrai que le kite peut être dangereux, Mais quel est le sport qui n’a pas de danger. Maitriser la technique respecter les règles et les conseils, se protéger, ne pas se sentir un super homme sont nécessaires pour tous les sports à risques même ceux qui nous paraissent tranquilles. JE SUIS NOVICE et je lis attentivement les articles et regarde très souvent les vidéos. je connais aussi mes limites. en tout cas un moyen technique de rupture de charge ( réglable comme pour les fixations de ski) serait le bienvenu…

  10. Greg dit :

    Article intéressant. Quel serait le sport le plus dangereux/bénéfique entre windsurf et kitesurf ???

Laisser un commentaire