Je n’ai rien contre les compétitions de surf. Surf Prevention est l’un des sites Internet qui en parle le plus et si vous tapez « compétition de surf » sur Google, il y a de fortes chances que vous arriviez sur cette page. Mais il arrive un moment où on en vient à saturation. Je ne parle pas des compétitions ASP des surfeurs professionnels du Top 32 qui sont presque trop rares : avec 10 compétitions de surf à peine par an, les meilleurs surfeurs du monde sont loin des cadences infernales imposées aux footballeurs. Non, je parle de toutes ces compétitions de surf pro-amateur qui pullulent à tel point qu’on n’arrive même plus à les suivre. Il y a les circuits QS, ISA, FFS, les compétitions open, pro junior, groms, super groms, masters… auxquels se greffent les compétitions des marques : King of the Groms, Cash for Tricks et compagnie… De moins en moins de compétitions de très haut niveau et de plus en plus de compétitions amateur. Cette semaine, on a atteint le summum avec les « championnats de France de surf » à Biarritz !
Vous l’avez compris, je suis quelque peu remonté. En ce moment, se déroulent donc les Championnats de France de surf à Biarritz, ville où j’ai l’habitude de surfer. Le problème est que cela fait maintenant une semaine entière que les compétiteurs squattent les meilleurs pics des 3 spots principaux que sont la Grande Plage, le Miramar et la Côte des Basques…en pleines vacances scolaires ! Je trouve cela super que les championnats de France se déroulent à Biarritz. Mais un week-end prolongé n’aurait-il pas suffi ? Là, la compétition ne dure non pas 3 jours, pas 5 jours, pas 8 jours mais bien 10 jours ! Ce n’est pas un peu « too much » ??? D’accord pour une waiting period de 15 jours quand Kelly Slater et ses potes débarquent pour le Pro France mais investir les spots d’une ville pendant toutes les vacances de la Toussaint pour un simple Championnat de France de surf… Les meilleurs surfeurs français ne sont même pas là : Pauline Ado, Antoine Delpero et Vincent Duvignac sont au Pérou pour les championnats ISA. Michel Bourez et Jeremy Flores sont partis pour Puerto Rico. D’accord, nous avons un vivier de bons surfeurs français sur cette épreuve. Dans certaines catégories comme le bodyboard open, les tous meilleurs comme Pierre-Louis Costes et Amaury Lavernhe sont bien là et c’est tant mieux pour le spectacle.
Le vrai problème est que ces épreuves sont saucissonnées en un nombre invraisemblable de catégories. Il y a déjà plusieurs disciplines à faire passer : shortboard, longboard, SUP, bodyboard, bodysurf, kneeboard… Il y a évidemment les catégories filles et garçons. Mais viennent ensuite pour chacune de ces catégories, se surajouter les sous-catégories minimes, cadets, juniors, espoirs, open, avec les tours de qualification et les tours de repêchages… Sans compter les démonstrations et les expressions sessions sponsorisées par les partenaires qui viennent se surajouter. Imaginez le nombre de séries à faire passer et tout le temps nécessaire au bon déroulement d’une telle compétition… Et tout ce temps d’occupation par les compétiteurs représente autant moins de temps et d’espace pour les free surfeurs qui sont déjà serrés comme des sardines entre les écoles de surf.
Ce coup de gueule vient en réaction au fait que l’on m’a demandé aujourd’hui à plusieurs reprises de me décaler alors que je surfais à environ 200 mètres des compétitrices en lice pour le titre de championne de France de Surf. Le speaker de la compétition est un ami que j’estime mais cette situation ubuesque m’a amené à me poser des questions. Pourquoi vouloir réserver des plages entières pour des compétitions de surf amateur ? La Fédération Française de Surf vante l’esprit de partage. Pourquoi ne pas faire surfer les compétiteurs avec les free surfeurs dans le bon esprit du surf ? A chaque fois que j’ai fait une compétition de surf, c’est comme cela que ça s’est passé. On se met un lycra de couleur et on va surfer avec les autres sans vouloir les priver des vagues qui cassent aux alentours. Aujourd’hui, les vagues faisaient 1m50 parfait et il y avait de bonnes vagues qui cassaient un peu partout non-stop. Pourquoi dans ces conditions devoir laisser les seuls surfeurs ou surfeuses avec le lycra de compétition pouvoir les prendre ? De quel droit peut-on s’approprier une plage pour faire une compétition de surf ? D’autant que tout le monde n’a pas le droit de participer à ces championnats. Si tu n’as pas ta « licence compétition » et que tu n’as pas fait les autres compétitions fédérales, tu ne peux pas t’inscrire… Pour exemple, alors que je n’ai eu aucun mal à m’inscrire aux championnats du monde de Stand-Up Paddle, je n’aurais pas pu faire le Championnat de France…
On va dire que je joue les esprits chagrins mais je dis tout haut ce que beaucoup pensent tout bas. J’ai rencontré des surfeurs « locaux » et des vacanciers qui voulaient profiter de leur semaine à Biarritz pour faire du surf qui souffrent de cette situation. Il n’y a déjà pas beaucoup d’espace sur certains spots de la Côte Basque, alors pourquoi aggraver encore la pression sur les spots en laissant tout l’espace surfable pour 4 compétiteurs seulement pendant que les autres prennent les miettes en marge de la zone de compétition ? Il faut un peu penser aux surfeurs libres qui n’ont parfois que quelques minutes pour profiter des vagues et qui se retrouvent à pâtir du manque d’espace pour évoluer. Il y a clairement des zones en France où la tension sur les spots monte. Sur la Côte Basque et vers Hossegor, il faudrait commencer à se poser des questions. A quoi servent toutes ces compétitions ? La vraie nature du surf n’est-elle pas le free surf ? Pourquoi vouloir inculquer aux jeunes surfeurs ce putain d’esprit de compétition qui pourrit l’ambiance sur les spots ? J’ai encore vu un minot haut comme 3 pommes insulter un autre surfeur parce qu’il était parti sur la même vague que lui : « connard, tu m’as taxé MA vague… » Bravo les éducateurs !
Sur toutes les compétitions de surf (avec l’esprit vert qui a envahi le monde du surf) on se branle la nouille à se demander comment réduire l’impact écologique… Ma suggestion : faire moins de compétitions ! Plutôt que de faire 50 compétitions de seconde zone, en faire une vraie pour chaque discipline chaque année. Plus de qualité, moins de quantité, dans l’intérêt de tous.
