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Le surf « sous » l’eau : avantages, risques et défis expliqués par Joël de Rosnay

Devant la vague, dedans, par dessus et en dessous !

L’évolution du surf s’est faite, on le sait, en plusieurs étapes. Tout d’abord on a surfé devant la vague, c’est-à-dire en précédant légèrement le rouleau et en suivant la « mousse ». En ligne droite, en quelque sorte. Ensuite, grâce à la modification de la forme des planches, il a été possible de surfer en travers, dans l’endroit le plus pentu de la vague, et même sous la vague, dans le tube. Une autre étape s’est produite lorsque le surfeur a pu glisser sur la surface de la déferlante en pratiquant, sur le rouleau lui-même, ce qu’on appelle un « floatie ». Plus récemment, grâce aussi à l’évolution du « shape » des « thrusters », (planches courtes à 3 ou 4 dérives), les surfeurs sont sortis de la vague, dans l’espace situé au-dessus d’elle, en réalisant des aerials. Grâce aux magazines de surf, aux superbes photos et aux vidéos sur Internet, il est possible de suivre cette évolution, étant donné qu’aujourd’hui, les juges attribuent dans les concours de surf, des notes élevées aux surfeurs qui réussissent, non seulement à rester longtemps sous la vague, dans le tube, mais aussi à réaliser des aerials, des 360, en revenant, par exemple, dérives vers l’avant, pour continuer sur la même vague.

Comment surfer sous l’eau ?

Tout ceci constitue l’évolution du surf sur l’eau et évidemment sur ou dans la vague. Mais on parle assez peu de la technique du surf sous l’eau. Car il s’agit, bien entendu, de passer sous les rouleaux en faisant un canard avec une planche courte, ou en se retournant sous sa planche si on utilise une longboard. Les techniques de surf sous l’eau vont me permettre de donner quelques conseils aux surfeurs qui souhaitent tirer le meilleur profit de différentes sortes de vagues, compte tenu de leur forme, de leur taille ou des fonds sur lesquels ils surfent. Il existe, en effet, de nombreuses techniques pour passer sous les vagues avant de gagner le « take off » ou lorsqu’on se fait prendre par une série. Tout dépend du type de planche avec laquelle on surfe, du type de vague, du nombre de surfeurs, de la marée, ou de l’heure de la journée. Il est évidemment très différent de passer par dessus une vague de 3 mètres, critique en raison du vent offshore, si on en utilise une planche de stand-up ou une longboard. Surtout s’il y a de nombreux surfeurs sur le spot. On connaît des accidents qui se sont récemment produits en raison de la volonté de certains supeurs (surfeurs de stand-up ou sups), d’essayer quand même de passer des vagues en train de briser sur eux.

Du canard, au « retourné » et au « lâcher tout » !

La plupart des surfeurs connaissent la manière de passer sous une vague avec une petite planche en faisant un canard. C’est une des bases du surf et de nombreux surfeurs maîtrisent cette technique. Il faut cependant faire totalement corps avec sa planche et éviter de se dissocier d’elle quant on appuie sur le nez pour plonger dessous ou quant on remonte derrière la vague. En revanche, se retourner sous sa planche en continuant de la tenir s’il s’agit d’une longboard, pose des problèmes très différents. Si la vague n’est pas trop grosse, on peut continuer à agripper sa planche par les côtés, plutôt vers l’avant pour éviter qu’elle ne se cabre avec la force de la vague et vous entraîne en arrière, à l’envers, car cette fois, sous la planche et sur le dos ! Si l’on souhaite cependant continuer à la tenir il faut être conscient du fait qu’elle risque de vous cogner brutalement la tête lorsque la lèvre de la vague tombe dessus, et que ce choc peut être dangereux si vous ne portez pas de casque. Si la vague et trop grosse, il vaut mieux lâcher sa planche, avec deux situations possibles. Soit on est en face d’une mousse assez grosse, et dans ce cas on peut lâcher sa planche avec les précautions que je décrirai dans la suite. Soit la vague est forte et va briser sur le surfeur. Dans ce cas, surtout si elle est très creuse, il faut pousser sa planche en travers et sur le côté afin d’éviter que la lèvre de la vague, en tombant sur une planche qui serait placée de face, ne la brise en plusieurs morceaux. À ce moment précis, comme dans le cas d’une grosse mousse qui arrive sur vous, il y a plusieurs attitudes à adopter.

Eviter la « machine » à laver

La technique traditionnelle consiste, si la vague à une hauteur supérieure à 2 m 50 ou 3 mètres, à plonger le plus profondément possible en laissant sa planche derrière soi et en se fiant à la qualité de son leash. Cependant, si l’on se trouve dans les conditions d’une « longue houle », c’est-à-dire lorsque la période de vagues se situe entre 12 et 16 secondes (ou plus), il faut prendre conscience qu’une vague de 3 ou 4 mètres va vous retenir sous l’eau entre 10 et 15, voire parfois 18 ou 20 secondes ! Dans ce cas on risque de refaire surface sous la vague suivante et de passer le plus mauvais moment qui puisse être donné à un surfeur : rester sous deux vagues en apnée et sous stress. En effet, après un méchant « wipe out », ou en tentant de passer sous une grosse vague, surtout si on a fait un gros effort juste avant, notamment pour tenter d’attraper une vague qu’on a finalement ratée, ou bien parce qu’on est déjà passé sous les deux ou trois premières vagues de la série, le cœur bat à 140-150, on a du dioxyde de carbone dans les poumons, de l’acide lactique dans les muscles, la peur au ventre, et le stress dans la tête, surtout si l’on ne sait plus où est le haut et le bas. On est, comme on dit, dans la « machine à laver », dans le noir, sans voir la surface. Dans ces conditions, rester sous une autre vague pourrait être mortel. Comment donc éviter cette horrible situation ?

Les judicieux conseils de Laird Hamilton

Laird Hamilton, spécialiste mondialement connu du surf dans des vagues de 18 à 20 m de haut, est souvent venu à Biarritz pratiquer son sport favori, ainsi que du stand-up. Il en a profité pour nous donner d’excellents conseils. Quand il surfe la puissante vague de Jaws, il porte systématiquement un double gilet de survie, plaqué contre sa combi, qui lui permet de remonter très vite en cas de chute dans une vague monstrueuse. Il nous a expliqué que ces très grosses vagues, particulièrement creuses, produisent ce que l’on appelle un « bounce-back », (ou rebond), ce qui signifie que l’air emprisonné dans le tube qui se forme, ressort vers le haut en entraînant le surfeur dans « l’ascenseur ». Ainsi son coéquipier qui le suit sur son jet-surf et le surveille, peut très rapidement le repérer et le récupérer dans son traîneau. En revanche si l’on ne bénéficie pas de l’ascenseur du bounce-back, on risque de se retrouver dans la gigantesque mousse qui suit le déferlement de la vague et rester beaucoup plus longtemps, parfois entre 25 et 40 secondes dans la machine à laver, ce qui est à la limite de la résistance humaine. Évidemment, rien de comparable en France, sauf peut-être à Belharra et près de Saint-Sébastien ou au Portugal dans les nouveaux spots de très grandes vagues qui ont été récemment surfés. Cependant Laird Hamilton nous conseille, dans les grosses vagues de Parlementia ou d’Avalanche, de pratiquer la technique suivante. Plutôt que de plonger profondément devant la vague qui arrive, il suggère de baisser juste la tête pour se faire prendre effectivement par la mousse et ainsi de reculer de plusieurs mètres, avec, en même temps, le leash et la planche qui tirent le surfeur vers l’arrière. Ce qui permettra de gagner encore des dizaines de mètres vers l’arrière et donc de précieuses secondes. En revenant à la surface, le surfeur aura ainsi deux ou trois secondes de « rab » avant la vague suivante, si la période entre les vagues est de 12 à 16 secondes. Cette technique est un peu contre-intuitive mais pourtant très efficace.

Ne retenez pas votre planche et restez sous l’eau !

Face à des plus petites vagues, entre 50 cm et 1 m 50, très souvent surfées par les débutants, notamment dans les cours de surf, il faut aussi tenir compte d’un certain nombre de précautions, permettant d’éviter les accidents et de profiter au mieux de vagues très propres et souvent offshore. La première des règles, si l’on veut passer sous la vague en ayant pied sur le fond de la plage, est de garder le nez de la planche vers le large et ne jamais la laisser se mettre en travers. Sinon elle vous revient dans la figure et risquera de vous casser le nez ou d’occasionner des blessures au visage. La seconde règle est de ne pas se préoccuper de sa planche, sauf, évidemment s’il y a de très nombreux surfeurs autour. Mais, en général, ne pas essayer de le retenir car la dérive peut vous couper la main ou des tendons des doigts ou du poignet. Et surtout, ne pas tenter d’attraper le leash pour retenir sa planche et l’empêcher de partir trop loin. De nombreux accidents surviennent lorsque le leash s’enroule autour des doigts, avec des risques d’entorses, voire de fractures des phalanges. La règle d’or, lorsque l’on tombe dans des petites ou dans des grandes vagues et qu’on laisse partir sa planche, est de fermer les poings pour éviter justement que le leash ne se prennent dans les doigts des mains. De toute manière, en tombant, il est judicieux de se mettre en boule et de prendre une position compacte, les poings fermés avec les mains autour de la tête et les genoux repliés sur la poitrine. Tout ceci, cela va sans dire, en portant un casque de surf de protection. Ils sont maintenant très légers, efficaces, agréables à porter et permettent, non seulement d’entendre les bruits autour de soi, mais surtout de sentir le souffle de l’air ambiant, en particulier si l’on surfe des vagues offshore, avec, pour certains casques, des visières anti UV, nécessaires pour éviter les risques de cataracte à partir d’un certain âge. Enfin, dernière règle, tellement évidente et pourtant oubliée par les surfeurs débutants, alors que ce risque est systématiquement rappelé par les professeurs de surf : rester sous l’eau après une chute en comptant jusqu’à 10 pour éviter de prendre sa planche sur la tête, lorsqu’ayant piqué du nez, elle rebondit brutalement en l’air et risque de retomber sur la tête d’un surfeur ou d’une surfeuse qui seraient sortis trop vite de l’eau.

 

Pour la survie : les secrets d’un bon leash

D’autres dangers qui peuvent se manifester sous l’eau aux surfeurs qui ne réfléchissent pas suffisamment aux types de fonds sur lesquels ils surfent, sont représentés par l’accrochage du leash dans des récifs, des trous ou aspérités de rochers, ou encore par la rupture de ce leash. Pour éviter l’accrochage du leash il est recommandé d’utiliser des marques qui proposent une goupille de désengagement, permettant en cas d’urgence, non pas de tenter de défaire le velcro serré autour de la cheville ou de la jambe, mais de débloquer en un instant, en tirant sur cette goupille, la totalité de l’attache et ainsi de se libérer. Ce qui a déjà sauvé des vies en Europe comme sur des spots internationaux comportant des récifs de corail. Pour éviter la rupture du leash il est essentiel de rincer à l’eau douce, non seulement le leash lui-même, mais les deux systèmes d’attaches, ceux de la planche et ceux de la cheville. En effet, l’eau de mer a un effet corrosif qui fragilise les liens entre les deux velcros permettant l’attachement du leash à la planche ou à la cheville. Dans 80 % des cas ce sont les cordelettes permettant ces jonctions, où les petites manilles dans lesquelles passent ces cordelettes, qui cèdent sous la pression et la force des vagues. La rupture du leash lui-même n’intervient que s’il a été légèrement entaillé par des rochers ou, lorsqu’on l’enroule tout autour de sa planche après avoir surfé. Un contact avec les dérives acérées peut en effet induire des micros ruptures qui le feront céder d’un coup au moment où on en aura le plus besoin !  Dans le cas où il arrive de casser son leash au pic et qu’on va se trouver dans l’obligation de nager plusieurs centaines de mètres vers le rivage pour récupérer sa planche, il faut penser principalement à trois choses. N’oublions pas que les vagues qui rentrent, induisent dans le chenal plus profond ou les baïnes qu’on utilise souvent pour repartir au take off, un courant, parfois violent qui ramène l’eau vers le large. Un courant ressemble à un fleuve, avec parfois une vitesse de six à huit nœuds. Il est donc très difficile de lutter contre lui. Il faut en sortir par les côtés, comme on le ferait si on était en train de nager dans un rapide et qu’on voulait regagner la rive. La première règle à mémoriser est de ne pas tenter de revenir à l’endroit d’où on est parti, mais plutôt de faire un détour pour sortir de ce courant. La seconde, est qu’il est souvent plus judicieux de nager dans l’eau « blanche » en utilisant la mousse des vagues qui se forment dans un endroit moins profond. Certes, il faudra souvent passer dessous, ce qui n’est pas toujours très agréable, mais on bénéficiera d’une solide poussée pour progresser vers le rivage. Enfin, la troisième règle est de ne pas hésiter à faire appel à un autre surfeur remontant vers le large ou se trouvant à proximité. La règle de solidarité en surf et de prêter main-forte à quelqu’un en difficulté, qui panique dans le courant ou qui a perdu son souffle. Si jamais on a cassé sa planche, il ne faut surtout pas chercher à la récupérer car les courants ont peut-être entraînés ses morceaux en des endroits différents. Il faut au contraire, s’il en reste un morceau de la taille d’un Morey, ramer sur ce fragment pour garder des forces en attendant que l’on vienne vous aider. En général, des personnes sur la plage ou des guides baigneurs seront capables de vous indiquer vers quels endroits ont dérivé les morceaux de planche qu’il sera peut-être utile de récupérer, soit pour faire réparer sa planche, soit pour en refaire une autre selon le même « shape ».

 

Des horribles « wipe outs » aux joies du surf sous l’eau !

Compte tenu du temps que l’on risque de passer sous l’eau lors de chutes, il est bon de tenter de définir les types de « wipe outs » possibles et comment s’y préparer. L’un des plus mauvais est la chute depuis le haut d’une grande vague, très creuse, lorsque l’on rate son take off et que l’on tombe de toute la hauteur de la vague, juste devant elle. Il s’ensuivra inéluctablement que l’on sera aspiré en arrière par la déferlante, retombant une deuxième fois depuis le haut, dans la machine à laver. C’est pourquoi il faut bien connaître ce double mécanisme : celui de la chute première qui ressemble à un beau plongeon, amorti par le casque ou par la position du corps mis en forme compacte, et celui de la seconde chute, bien pire, qui résulte de la reprise « over the falls », c’est-à-dire réabsorbé depuis la base de la vague jusqu’à son sommet. C’est la connaissance de ce timing qui évite le stress et la panique. Le deuxième type de chute, également dangereux, se produit lorsque l’on se déplace à grande vitesse en travers de la vague et, éventuellement, dans le tube. Dans ce cas également on risque d’être pris par la lèvre de la vague, de la base vers le sommet, et de se retrouver « over the falls » comme dans le cas précédent. Le très haut risque du surf en travers est représenté principalement par les autres surfeurs qui remontent vers le take off. En effet, ceux-ci, plutôt que d’essayer de vous passer devant, dans le « vert », c’est-à-dire dans la partie de la vague qui n’a pas encore déferlée, devraient impérativement passer derrière vous, sous la vague et sous la mousse en faisant un canard ou en se retournant sous leur longboard. Cette pratique est systématique dans la plupart des grands spots du monde entier : Hawaï, Californie, Australie… Malheureusement, en France, il reste une sorte de tradition très dangereuse qui consiste à tenter de passer devant le surfeur qui se trouve dans le « curl », malgré sa vitesse et la difficulté de contrôler sa planche dans ces conditions. Les pires accidents surviennent lors d’un choc entre un surfeur  évoluant à pleine vitesse, bien placé dans le curl d’une belle vague et un surfeur qui remonte au pic en ne respectant pas cette indispensable priorité, aussi importante que celle qui doit être pratiquée au moment du take off. Deux autres types de chutes, moins dangereuses, sont celles qui se produisent lorsque l’on est projeté en avant de sa planche en tentant de marcher sur l’avant de sa longboard, ou en arrière, lorsque la planche accélère brutalement et qu’on se retrouve, si on n’a pas prévu ce rapide déplacement, sur le dos. Dans ces cas, encore une fois, la protection du casque sera extrêmement utile.

Enfin, on peut évidemment surfer sous l’eau, en body surf, lorsque l’on est conduit à disparaitre dans le tube ou dans la mousse, et qu’il faut « palmer » avec force pour retrouver sa trajectoire, ou en Morey, dans les mêmes conditions. Il m’est arrivé de surfer avec des dauphins ou des bancs de poissons, que je voyais en transparence, sous la vague, et qui avaient l’air de s’amuser autant que moi ! C’est donc cela qui est tellement important en surf : le fun, le partage du plaisir avec les autres surfeurs, le respect de ses partenaires et des règles de base de sécurité, pour soi et pour les autres, afin que le surf continue à rester un des plus beaux sports du monde.

 

Par Joël de Rosnay, Dr ès sciences, écrivain scientifique, futurologue ;

Conseiller de la Présidence d’Universcience (Cité des Sciences et de l’Industrie / Palais de la découverte) ;

Champion de France de surf 1961, Champion de France Master en longboard 1986 ;

Trois fois participant aux Championnats de Monde de Surf (Australie, Pérou, Porto-Rico).

http://www.derosnay.com

http://www.cite-sciences.fr/derosnay/evasion/orsurf.html

Voir Joël de Rosnay en action.

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