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Droit & Responsabilité : du lien juridique entre le surfeur et sa planche

Question de Benjamin à Surf Prévention : « Bonjour à vous, il m’est arrivé un petit souci hier matin en surfant la Gravière. Super conditions, tubes et tout ça. Sortie de vague, lever du jour, ébloui, je n’ai pas vu un bodyboarder qui avait lâché sa planche. Je suis passé dessus et j’ai coupé sa board nette… irréparable (aucun pète sur la mienne)… Qui a tort ? Vous avez déjà traité ce genre de sujets (assurance, responsabilité civile, etc.) en cas d’incidents sur les spots ? Je serais heureux d’avoir votre aide, le gars me harcèle pour que je lui rembourse sa planche…mais bon voilà je me suis déjà fait passer dessus par un longboard plus jeune et je n’avais rien réclamé. Merci beaucoup et bonne continuation. Toujours des supers news sur votre site. Cordialement. Benjamin. »

Réponse de Thomas Josserand*, notre consultant juridique du Team Surf Prevention :

« S’il existe à n’en pas douter un lien affectif entre le surfeur et sa planche, lien qui peut d’ailleurs dérouter sa compagne si elle ne s’est pas encore elle-même mise à l’eau, tant il relève parfois du passionnel, il est un autre lien qui l’unit à son outil de prédilection et dont il ignore, dans bien des cas, l’existence. Ce lien est un lien juridique.

L’article 1382 du Code civil dispose que « tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ». En d’autres termes, si vous commettez une faute qui a pour conséquence de causer un dommage à quelqu’un, vous devez l’indemniser.

Ce texte, qui est un des plus célèbres du droit civil français, est connu de tous, au moins dans son principe. Ainsi chacun sait que s’il commet une faute qui cause un dommage, il en sera tenu responsable.

C’est le concept de faute qui sera alors immédiatement au cœur de tous les débats, et cause de toutes les disputes. C’était pas ma faute, c’était la tienne… Alors, la faute à qui ?

Pour information, la faute en droit français, a été définie par la jurisprudence comme un comportement contraire à celui qu’aurait eu un bon père de famille placé dans les mêmes circonstances. Le bon père de famille est ici une référence, un standard juridique. Il s’agit de comparer un comportement litigieux à celui qu’aurait eu une personne normalement prudente, diligente et attentive, pour déterminer s’il y a faute ou non. Ainsi, pour nous, le standard sera le surfeur normalement prudent, diligent et attentif. Mais force est de constater que même en présence d’une telle définition, les discussions peuvent encore aller bon train. C’est pourquoi il reviendra au juge d’apprécier le caractère fautif ou non d’un comportement. On parle ainsi d’appréciation souveraine du juge.

Mais l’article 1382 n’est pas le seul en matière de responsabilité civile, et il en est un autre, moins connu des « non juristes », qui intéresse tout particulièrement les surfeurs.

C’est l’article 1384, et plus précisément son alinéa 1er qui dispose qu’ « on est responsable non seulement du dommage que l’on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l’on a sous sa garde ». Il s’agit la du mécanisme de responsabilité du fait des choses, qui veut que si une chose dont on est le gardien (et c’est le cas du surfer pour sa planche) cause un dommage à autrui, on doit l’en indemniser.

Or, ici, contrairement à l’article 1382, il n’est plus question de faute ; On parle d’ailleurs de responsabilité sans faute ou responsabilité objective. Par voie de conséquence, si votre planche cause un dommage à quelqu’un, vous serez automatiquement tenu pour responsable sans que vous puissiez invoquer votre absence de faute.

C’est dire l’ampleur du lien qui vous unit à votre planche ! Compte tenu du fait que tous les dommages (ou presque) causés lors d’un accident de surf le seront par une planche, chacun doit être conscient, dans l’eau, de l’existence d’un tel lien, et veiller en priorité à la sécurité des autres. Même s’il est vrai (surtout en période estivale) que beaucoup mettent eux-mêmes leur sécurité en péril, vous êtes automatiquement responsable des dommages causés par votre planche !

La plupart des accidents de surf, n’auront heureusement pour conséquences que des dommages d’une faible importance. Une solution amiable est, dans la majorité des cas, facilement accessible. Avec un peu de bonne foi on arrive vite à des compromis raisonnables, sans qu’il soit utile d’aller déranger un juge pour qu’il tranche de tels litiges. D’autant que les procédures judiciaires sont souvent longues et coûteuses. De plus, il vous sera possible, si l’accident n’a pu être évité, de faire jouer votre assurance habitation qui couvre la responsabilité civile lors des activités de loisir. »

Lire aussi : Accidents de Surf : qui est responsable ?

*pseudonyme. Thomas est titulaire d’un DEA de droit privé.

Photo Laurent Masurel.

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