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La Mystérieuse Disparition des Plastiques dans l’Océan

Ce n’est pas la première fois que le phénomène est observé par des scientifiques : les micro-plastiques retrouvés en surface des océans sont en quantités largement inférieures à celles que les chercheurs s’attendaient à retrouver d’après les estimations statistiques. Mais où sont passés tous ces plastiques ?

Pour répondre à cette question des chercheurs du CNRS et de l’Université Toulouse III–Paul Sabatier se sont intéressés à la fragmentation des déchets micro plastiques à partir d’échantillons récoltés lors de l’Expédition 7e Continent en Mai 2014. Ils ont publié leurs résultats dans la revue Environmental Science and Technology.

Pour mieux connaître la fragmentation des microplastiques sous l’effet de la lumière et des vagues, les chercheurs ont comparé une modélisation statistique à des analyses physico-chimiques sur des échantillons.

L’auteure de l’étude, Alexandra Ter Halle, chercheuse au CNRS, explique qu’ils ont créé un modèle mathématique de fragmentation du plastique qu’ils ont comparé avec ce qu’ils ont récupéré dans le gyre subtropical de l’Atlantique Nord. Mais alors que les chercheurs pensaient vérifier la modélisation, ils ont eu la surprise de compter vingt fois moins de morceaux de plastiques de masse inférieure à 1 mg que ce que leurs calculs mathématiques laissaient prévoir.

Les observations par microscopie et microtomographie ont montré que les petits débris de plastiques prélevés (entre 0,3 et 5 mm de long) ont des comportements très différents selon leur taille.

Les particules de micro-plastique les plus grosses (2 à 5 mm de long) sont généralement en forme de parallélépipède et flottent plus volontiers à plat à la surface de l’eau. On retrouve sur ces plastiques une face exposée au soleil qui est davantage décolorée et dégradée par les rayons solaires, et une autre face est colonisée par un biofilm de micro-organismes. Ces observations suggèrent que ce type de micro-plastiques flottent avec une orientation préférentielle.

Les particules de micro-plastique les plus petites (moins de 2 mm) sont plutôt de forme cubique et ont des faces identiques. Elles ont tendance à rouler dans les vagues, ce qui ralentirait le développement d’un biofilm à leur surface mais favoriserait leur érosion par les coins. Toutes les faces des micro-cubes de plastiques sont photodégradées par le soleil de manière égale.

La discordance entre le modèle mathématique et les observations expérimentales à partir de 2 mm de longueur des particules laisse supposer qu’il existe une discontinuité dans la vitesse de fragmentation : les chercheurs ont émis l’hypothèse que les plus petits micro-plastiques de forme cubique sont fragmentés beaucoup plus rapidement que les parallélépipèdes, pour donner des particules de taille inférieure à 0,3 mm, voire à des nanoparticules, qui sont aujourd’hui indétectables.

Cette étude ouvre donc tout un nouveau champ de recherches pour quantifier les particules micrométriques et nanométriques dans des échantillons d’eau océanique. La question de l’impact de ces microparticules se pose : des études ont déjà montré que les particules micrométriques peuvent être ingérées par le zooplancton. Quid des nano-plastiques dont l’impact environnemental et sanitaire est encore mal connu ?

Cette étude confirme en tous cas que l’océan a la capacité de dégrader les plastiques. Qu’il y ait moins de micro-plastiques en surface qu’attendu est une bonne chose car c’est là que se concentre la majorité de la faune marine. Mais ce ne sera vraiment une bonne nouvelle que le jour où les plastiques cesseront de se déverser en masse dans les océans.

D’autres hypothèses ont été avancées pour expliquer la « volatilisation » des plastiques dans l’océan :
– l’ingestion des microparticules par les animaux marins et leur intégration à la chaîne alimentaire ;
– un alourdissement des particules par les micro-organismes qui s’y attachent et qui font couler les particules dans les grands fonds marins encore peu explorés ;
– un dépôt sur les plages ;

Lire aussi : – Bientôt plus de plastiques que de poissons dans l’Océan ?

Une particule de plastique (3 millimètres de long environ) observée au microscope électronique à balayage. Les craquelures observées sur la face exposée au soleil sont dues au vieillissement photochimique. Elles favorisent la fragmentation du débris en particules plus petites, le long de ces fissures. © IMRCP/CNRS

Sources :

Alexandra ter Halle, Lucie Ladirat, Xavier Gendre, Dominique Goudouneche, Claire Pusineri, Corinne Routaboul, Christophe Tenailleau, Benjamin Duployer, Emile Perez. Understanding the Fragmentation Pattern of Marine Plastic Debris. Environ Sci Technol. 2016 May 23. http://pubs.acs.org/doi/abs/10.1021/acs.est.6b00594

Andrés Cózar et al. Plastic debris in the open ocean. Proceedings of the National Academy of Science vol. 111 no. 28, 10239–10244, doi: 10.1073/pnas.1314705111

Cole M et al. Isolation of microplastics in biota-rich seawater samples and marine organisms. Sci Rep. 2014 Mar 31;4:4528. doi: 10.1038/srep04528.

Photo istockphoto / RichCarey

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