Site icon Blog Surf Prevention

La pollution chimique des eaux de baignade à peine évoquée dans Thalassa…

Pour ceux qui ne l’ont pas encore vu, je vous invite à regarder le reportage de Vincent Perazio intitulé « Histoire d’eau » (diffusé dans Thalassa sur France 3 le vendredi 1er Juillet 2011) où sont révélées quelques aberrations sur la pollution des eaux de baignade. Mais avant toute chose, j’aimerais pousser un coup de gueule contre France Télévision qui ne permet pas de bloguer ces vidéos (pas de code embed). A l’heure d’Internet, il est impossible de partager ces reportages qui pourraient pourtant intéresser une bien plus large audience que les seuls habitués de Thalassa. L’émission est encore visible pendant quelques jours sur leur site et je vous invite à la regarder en cliquant ici et à revenir en discuter ensuite sur le blog.

Ce reportage commence sur les chapeaux de roue avec la présentation d’un dispositif « anti-pollution » totalement hallucinant sur la Côte d’Azur, à tel point que j’ai dû me pincer à plusieurs reprises pour m’assurer que je ne rêvais pas. Un avion fait du repérage au large des côtes pour indiquer des pollutions visibles à un bateau qui se rend sur zone. Quand une nappe d’hydrocarbures est repérée, le bateau va dessus et se met à faire des ronds pour « aérer », « ventiler » la nappe avec sa turbine… La manœuvre ne résout en rien le problème de la pollution qui est juste dispersée, mais elle se voit moins…

On pourrait en rire si finalement cette manœuvre n’était pas révélatrice de la prise en charge générale de la pollution des eaux de baignade. Beaucoup de ronds dans l’eau pour finalement pas grand-chose en termes de résultats.

A quelques exceptions près, les pouvoirs publics ne recherchent et ne combattent activement la pollution qu’en saison estivale, dans les endroits les moins pollués de préférence (cf. disparition de certaines plages des listes) et surtout ne sont recherchés que certains polluants facilement repérables et maîtrisables.

D’une façon générale, les stations balnéaires font beaucoup de com’ pour faire croire à une eau propre. Le reportage évoque les pavillons bleus dont la qualité de l’eau n’est qu’un critère parmi d’autres : « la qualité des eaux de baignade n’est pas un élément totalement déterminant et le pavillon bleu n’a jamais été un label sur la qualité des eaux de baignade » indique un responsable du label.

Le reportage insiste sur la seule pollution bactériologique et sur les nouvelles directives européennes qui pourraient conduire à la fermeture de certaines plages à cause de l’abaissement des seuils tolérés. Saluons tout de même l’amélioration apportée par les analyses faites en temps réel avec résultats le jour même, au lieu de les avoir 3 ou 4 jours après avec les Agences Régionales de Santé…

Mais faire croire qu’une eau de baignade est propre parce qu’elle répond uniquement à des critères bactériologiques est une tromperie. Bien sûr qu’il faut s’en préoccuper pour limiter les risques d’infections bactériennes, mais l’autre risque majeur est LA POLLUTION CHIMIQUE des eaux de baignade !

Si ce reportage évoque cette problématique, son impact y est minimisé. Yves Levi du « laboratoire santé publique et environnement » de la Faculté de pharmacie de Chatenay-Malabry déclare : « Le baigneur va venir dans l’eau pendant tant de jours dans l’année, rester dans l’eau pendant tant de temps, être exposé par voie d’inhalation, par voie cutanée et par voie orale à un risque microbiologique et à un risque chimique. Et donc, aujourd’hui, il est clair que le risque majeur est le risque microbiologique. »

Je me demande sur la base de quelles études ce scientifique affirme cela. Le risque microbiologique, c’est quoi ? Une conjonctivite par ci, une gastro-entérite ou une otite par là… Rien de bien méchant le plus souvent. Il peut bien sûr arriver d’assister à des infections plus sévères à point de départ cutané mais elles sont plus rares et peu ont été recensées dans les revues médicales. Le risque chimique, quant à lui, est beaucoup plus insidieux et ne pourrait être évalué que par des études épidémiologiques approfondies, mais c’est ce risque qui pourrait entraîner certaines pathologies chroniques voire cancéreuses. Si un surfeur qui surfe tous les jours dans une eau contaminée chimiquement (à l’heure actuelle, il n’a aucun moyen de le savoir vu qu’il n’y a pas d’analyses !) ; si ce surfeur développe un cancer, comment affirmer que celui-ci n’est pas lié à son exposition à des résidus d’hydrocarbures, des pesticides, des phtalates ou autres perturbateurs endocriniens présents dans l’eau de son spot habituel et avec lesquels il entre en contact étroit au quotidien ?

Yves Levi ajoute à la fin du reportage que « les eaux de baignade n’échappent pas au reste de la contamination, malheureusement, que nous avons partout dans notre environnement, dans notre alimentation, dans l’air que nous respirons, dans nos vêtements, nos cosmétiques… L’individu lui-même est exposé sur 24 heures d’une journée à une multitude de molécules. Ce qu’on peut dire, c’est qu’en terme de santé de la population, par rapport à ces contaminants chimiques,  les baignades ne sont pas franchement la source d’exposition majeure. Les analyses qui sont faites montrent qu’on ne trouve pratiquement rien à chaque fois que l’on fait des analyses, quelques traces de polluants…On est dans un système où l’exposition est quand même très faible, par rapport à d’autres sources d’exposition. Ceci dit, ça dépend où on va se baigner… Là où cela devient intéressant, c’est de dire : sommes-nous capables de dire au consommateur : attention, de telle zone à telle zone ne vous baignez pas car le niveau de contamination est quand même anormalement élevé. »

Note de Surf Prevention : Ne croyez-vous pas monsieur Levi qu’avec ce que vous dites, il serait logique de pratiquer ces analyses chimiques ? Le problème, comme vous le déclarez si justement, c’est que cette pollution est déjà partout autour de nous, y compris dans les eaux de baignade. Le jour où on établira clairement la toxicité de cette pollution chimique et sa responsabilité dans l’épidémie de cancers que nous connaissons, cela impliquera pour le consommateur de revoir totalement ses habitudes, et pour les industriels leurs modes de fabrication des produits toxiques à l’origine de ces pollutions chimiques. Et c’est peut-être là le fond du problème.

Commençons par rechercher la pollution chimique dans les eaux de baignade et remontons la filière jusqu’aux pollueurs qui vont jusqu’à empoisonner l’eau de mer. Cela pourrait être le premier pas vers une prise de conscience générale de la contamination chimique de notre environnement terrestre, aérien et aquatique. C’est à nous scientifiques, biologistes, médecins, citoyens d’initier cette démarche sans attendre que les politiques ne prennent le problème en mains, parce que d’ici là on aura eu le temps de tomber malades…

Guillaume Barucq.

Quitter la version mobile