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Augmentation des attaques de requins mortelles en 2011 : les explications « scientifiques » foireuses

C’est un fait : les requins ont tué 2 fois plus de surfeurs et de baigneurs en 2011 que l’année précédente. Douze décès ont été enregistrés dans le monde en 2011. Mais alors qu’on attend toujours des explications scientifiques, environnementales ou comportementales à cette recrudescence des attaques léthales de requins, notamment dans l’Océan Indien, les médias nous resservent encore et toujours les mêmes poncifs : « c’est l’homme qui est responsable car il investit le territoire du requin » ; « les victimes avaient commis une imprudence en allant surfer », etc.

Une dépêche AFP parue cette semaine et largement diffusée dans les médias francophones et anglophones est d’ailleurs truffée de contre-vérités et d’approximations scientifiques qui ne font que renforcer la méconnaissance du grand public face à la réalité de ces attaques. Avec une nouveauté : les décès liés aux attaques de requins seraient dus à une carence des secours…Les sauveteurs, secouristes et urgentistes des îles concernées apprécieront.

L’AFP a interrogé pour rédiger son article George Burgess, ichtyologiste de l’Université de Floride, qui publie tous les ans l' »International Shark Attack File« , référence en matière de recensement des attaques de requins dans le monde.

Pour expliquer le taux de mortalité des attaques à La Réunion, aux Seychelles et en Nouvelle Calédonie (7 attaques dont 5 mortelles), le scientifique explique d’abord que « ces régions ne sont pas traditionnellement des zones de tourisme de masse mais ont connu ces dernières années un afflux important de vacanciers. » Cette première hypothèse est peu satisfaisante dans ces zones où l’activité touristique n’a certainement pas explosé en 2011.

Plus grave, le scientifique pointe du doigt La Réunion, la Nouvelle-Calédonie et les Seychelles qui selon lui « ne disposent pas des infrastructures de surveillance ni des services d’intervention d’urgence » (en version anglaise de la dépêche : « he said medical facilities in these areas may not be developed enough to provide treatment in emergencies of this type »).

Cette dernière affirmation est insultante pour les services de premiers secours et d’urgences de ces îles. C’est également la preuve d’une méconnaissance profonde des conditions des attaques. Que ce soit pour l’attaque d’Eddy Aubert ou celle de Mathieu Schiller à La Réunion, les attaques de baigneurs aux Seychelles ou celle du jeune kitesurfeur en Nouvelle-Calédonie, les blessures mutilantes ont été d’une telle gravité immédiate que rien n’aurait pu être fait pour les sauver, même avec un service de réanimation sur la plage…

Ce scientifique américain semble ignorer que La Réunion et la Nouvelle-Calédonie sont à la pointe des premiers secours avec la présence des services de SAMU-SMUR dont les services mobiles d’urgences et de réanimation se déplacent vers la victime. Cette particularité que l’on ne retrouve qu’en France et dans les DOM-TOM en fait des zones où les chances de se sortir d’une attaque de requin devraient être maximales, si la survie était uniquement liée à la qualité des secours comme le suggère ce scientifique…

Le scientifique appuie son raisonnement avec l’exemple des Etats-Unis qui ont encore enregistré le plus grand nombre d’attaques en 2011 (29 sur 75 attaques dans le monde) mais qui n’ont enregistré aucun décès. Pour le scientifique, l’absence de mort aux Etats-Unis en 2011 s’expliquerait par « toutes les mesures très efficaces déployées sur les plages près desquelles les requins sont souvent présents » et par le fait d’un personnel qualifié comme des maîtres nageurs et des services d’urgence compétents, capables de traiter rapidement des blessés victimes de requins et de les évacuer sans attente vers des centres hospitaliers. « Il y a moins de risque de décéder sur les plages américaines qu’ailleurs » affirme le scientifique.

Là encore l’explication paraît simpliste et déconnectée de la réalité. La plupart des attaques survenant aux Etats-Unis, et notamment en Floride, sont le fait de petits requins qui occasionnent de « petites » blessures comme celles-ci ne mettant pas le pronostic vital en jeu. Il est particulièrement malhonnête de comparer le pronostic de personnes victimes de morsure de requins de stade 1 en Floride avec celui de victimes de morsures de stade 5 à La Réunion.

Autant on peut parfois mettre en cause le manque de réactivité des secours dans des endroits reculés de la planète, autant les exemples pris ici sont particulièrement mal choisis et laissent croire que les attaques survenues dans les DOM-TOM ont eu lieu dans des pays sous-développés, contrairement à un grand pays comme les Etats-Unis qui arrive à sauver tout le monde grâce à la bonne organisation de ses secours…

Je vous invite à lire cette dépêche que je publie dans les commentaires et à réagir.

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