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Santé: les Médecins ne sont pas des Requins (ni des Pigeons)

Coup de gueule suite aux nombreux articles et reportages qui stigmatisent les médecins français et leurs honoraires. On prend l’exemple de quelques rares médecins pratiquant des honoraires hors-norme et on finit par jeter le discrédit sur l’ensemble d’une profession dans l’esprit du grand public. A quoi rime cette nouvelle chasse aux sorcières ?

Il faut d’abord comprendre qu’on a créé de toutes pièces un faux problème : le soi-disant scandale des « dépassements d’honoraires », comme le titrait le reportage d’Envoyé Spécial de ce soir.

Faut-il rappeler qu’une minorité de praticiens pratiquent ces dépassements, et que parmi ceux-ci l’immense majorité les pratiquent avec « tact et mesure », sous le contrôle de l’Ordre des Médecins ? Faut-il rappeler que ces dépassements ne sont possibles que par la volonté du gouvernement français qui instaura le secteur 2 en 1980 sous Raymond Barre ?

Trente ans plus tard, alors que les tarifs de base n’ont quasiment pas évolué – beaucoup moins que le coût de la vie en tous cas – on voudrait paupériser la médecine libérale en faisant travailler les médecins à des tarifs incompatibles avec leur exercice.

Les compléments d’honoraires ont justement été rendus possibles pour pallier l’incapacité pour la Sécurité Sociale de revaloriser les tarifs de base des médecins à un niveau suffisant. Pour certaines interventions, un chirurgien libéral peut aujourd’hui perdre de l’argent s’il opère un patient au tarif opposable ! (lire à ce sujet cet article édifiant de Benjamin Bajer). On comprend dans ces conditions qu’il est impossible pour des médecins à plateau technique lourd, aux primes d’assurances colossales, et qui emploient du personnel, de maintenir leur activité dans de bonnes conditions sans effectuer de dépassements.

Là où la polémique devient risible, c’est quand des médecins hospitaliers en viennent à faire la morale à leurs confrères libéraux, alors qu’ils bénéficient de tous les avantages du salariat et qu’ils peuvent en plus effectuer des consultations privées à l’hôpital avec…des dépassements d’honoraires ! C’est un peu l’hôpital qui se moque de la charité.

Et comme on n’est pas à une incohérence près, le frère de la Ministre de la Santé qui a décidé de s’attaquer aux dépassements d’honoraires facturerait des honoraires 5 fois supérieurs au tarif de la Sécurité Sociale. Allez comprendre.

Le vrai problème est que la Sécurité sociale n’a plus l’argent pour revaloriser les honoraires des médecins, et que les mutuelles n’ont pas envie de s’engager dans la solvabilisation des compléments d’honoraires. Des voix se sont élevées pour dénoncer les comptes opaques et les frais annexes des mutuelles, notamment des importantes dépenses publicitaires. Et la mutualité est allée jusqu’à porter plainte contre le vice-président de l’Union Française pour une Médecine Libre (UFML) qui avait mis en cause certains investissements.

L’évolution logique induite par l’avenant 8 à la convention conduira à la mort de la médecine libérale telle qu’on la connaît. Les médecins se regrouperont dans des maisons médicales, des centres de soins, peut-être même des dispensaires, pour « mutualiser » les moyens et rationner les soins. On essaiera de rentabiliser le système de santé à tous prix, quitte à en demander toujours plus à des professionnels de santé déjà à la limite du burn-out.

La solution ? Créer un secteur unique pour tous les médecins où les tarifs de base seront réévalués à leur juste valeur pour ne plus rendre les dépassements d’honoraires nécessaires.

Et si certains veulent encore effectuer des dépassements, pourquoi vouloir les en empêcher, tant que les patients conservent le choix de leur médecin et peuvent donc en choisir un qui ne dépasse pas ?

Cette polémique est d’autant plus dérangeante que les médecins ne comptent pas leurs heures (ils font souvent 2 fois les 35 heures par semaine) et ils ont un haut niveau de compétence et de responsabilités dans l’exercice de leur art. Mais aujourd’hui le médecin est descendu de son piédestal.  On en vient même à lui reprocher de gagner de l’argent !

Qu’y a-t-il de scandaleux à ce qu’une consultation chez un médecin spécialiste coûte 30, 40 voire 50 €, quand une visite chez un ostéopathe peut en coûter 60 ?

Savez-vous que le tarif de base d’une consultation (23€) est parmi les plus bas d’Europe (avec la Roumanie) ? Et que quand vous donnez 23€ à un médecin, il n’en gagne même pas 10, une fois les charges déduites ? Dans certains pays comme l’Allemagne où les médecins sont beaucoup mieux payés, la sécurité sociale est largement excédentaire.

La vraie question est de savoir quelle médecine nous voulons pour demain. Le mouvement initié par « les pigeons » vise avant tout à conserver la qualité de soins destinée aux patients. Mais une médecine de qualité a un coût. Reste à savoir si la santé est encore une priorité dans notre pays, ou si on préfère dériver vers une médecine à la chaîne déshumanisée.

Les médecins ne se battent pas pour leur train de vie, beaucoup moins fastueux que certains se l’imaginent, mais avant tout pour un idéal: celui de conserver un système de santé de qualité accessible à tous.

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