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Commotion cérébrale et sport : le livre choc de Jean-François Chermann

Cela vaut vraiment la peine de protéger sa tête quand on pratique certaines activités physiques, et notamment certains sports de glisse. Quand j’ai découvert il y a maintenant 4 ans que le surf était à l’origine d’un traumatisme au niveau de la tête dans plus de 50% des accidents, j’ai décidé de m’engager dans une campagne de sensibilisation de ces blessures auprès des surfeurs (qui se cognent le plus souvent le crâne contre une planche de surf ou contre le fond marin). Ce faisant, j’ai eu beaucoup de difficultés à me faire entendre des instances, des entreprises du surf et des pratiquants eux-mêmes qui ont du mal à accepter le simple fait que l’on puisse se blesser sérieusement à la tête en faisant du surf*.

Cette problématique, le Docteur Jean François Chermann l’a rencontrée au travers de sa pratique médicale et sportive du rugby. Ce neurologiste nous parle dans son livre passionnant intitulé « K-O le dossier qui dérange » des effets délétères de la commotion cérébrale.

La commotion cérébrale survient quand on se cogne la tête et que le cerveau s’en trouve ébranlé. Alors que la boîte crânienne n’est ni enfoncée (comme le surfeur Peter Jones), ni fracturée (comme le jeune Pascal Dattler), le cerveau est quand même secoué et peut en garder des traces.

Au cours des études médicales, on apprenait encore récemment aux étudiants que si le patient ne présentait pas de perte de connaissance initiale ou de déficit neurologique consécutifs à son traumatisme crânien et si son scanner initial (et éventuellement celui de contrôle) ne présentait pas d’anomalie, on pouvait être rassuré quant au pronostic du patient. FAUX nous explique par A+B le docteur Chermann : malgré l’absence de bosse ou de plaie visible sur la tête, malgré la normalité apparente de l’imagerie radiologique, si le cerveau a été commotionné, il peut exister des symptômes plus ou moins évidents à repérer qui détermineront la gravité du traumatisme. C’est le syndrome post-commotionnel qu’il faut surveiller dans les jours, semaines voire années qui suivent le traumatisme.

Les symptômes post-commotionnels peuvent être spectaculaires. C’est l’exemple que donne le Dr Jean-François Chermann de cette femme victime d’une chute sur une plage avec traumatisme crânien de sa tête contre un rocher. Quand elle a repris ses esprits, elle ne se souvenait même plus de ses enfants qui faisaient des pâtés à côté d’elle (amnésie rétrograde). L’amnésie peut également être antérograde, quand le sujet n’imprime plus rien : cela n’empêche pas un joueur de football ou de rugby de poursuivre son match (syndrome de l’automate) mais il ne s’en souviendra plus au moment de l’interview d’après-match.

Le livre du Dr Chermann nous en apprend beaucoup sur la mémoire et sur ses troubles. On découvre ainsi que certaines pathologies comme la Maladie d’Alzheimer ou la Maladie de Parkinson peuvent être aggravées voire déclenchées par des coups à la tête répétés : l’exemple donné dans le livre du boxeur Muhammad Ali est édifiant. La démence pugilistique existe bel et bien : on peut devenir dément à force de prendre des coups sur la tête.

Le Dr Chermann insiste sur ces symptômes après un traumatisme crânien qui ne sont pas toujours pris au sérieux par le patient, son entraîneur, et par certains médecins il faut bien l’avouer. Des céphalées (maux de tête), des vertiges, des troubles de l’équilibre, de la concentration, une asthénie, un syndrome dépressif, une insomnie, des troubles du comportement, un changement dans la personnalité… Tous ces symptômes, parce qu’ils sont subjectifs et difficilement objectivables, sont parfois sous-estimés. Comme dit Christophe Dominici qui préface le livre : mieux vaut parfois une belle entorse que des symptômes invisibles dont les entraîneurs et les soignants peuvent être tentés de nier l’existence.

Pour le Dr Chermann, il faut prendre ce syndrome post-commotionnel au sérieux : son intensité et sa durée en déterminent la gravité. Il faut surtout donner au patient le temps nécessaire pour récupérer (peu importe qu’il y ait une compétition importante la semaine suivante). En cas de deuxième choc rapproché, le « syndrome du second impact » peut être gravissime voire mortel, surtout si le patient est un jeune sportif. Il ne faut pas prendre les résultats de l’imagerie cérébrale pour argent comptant. Un scanner peut être strictement normal sur une commotion cérébrale grave : les phénomènes inflammatoires en cause ne sont pas visibles sur les images.

Ce que j’ai beaucoup apprécié dans ce livre est l’honnêteté de ce médecin neurologue qui n’a pas peur d’avouer ses propres lacunes au début du livre pour mieux expliquer au lecteur son cheminement intellectuel pour comprendre l’enjeu de la commotion cérébrale, et le chemin qu’il reste à parcourir pour former les médecins, sensibiliser les sportifs, les entraîneurs et les dirigeants des clubs et fédérations sportives.

Quand on a lu ce livre, on a envie de faire encore plus attention à son crâne. Le casque n’y est pas présenté comme une panacée universelle, loin s’en faut. Il faut surtout apprendre à éviter les coups sur la tête. Comme un bon boxeur, le surfeur doit apprendre à esquiver les coups sur sa tête. S’il est touché, il doit être pris en charge correctement et ne doit pas retourner dans l’eau prématurément. C’est à ce niveau que mon travail de sensibilisation rejoint celui du Dr Chermann.

Le livre traite de la commotion cérébrale à partir des exemples du rugby, du football américain, de la boxe, des sports automobiles et même de la guerre (cf. les vétérans de la guerre d’Irak ou d’Afghanistan commotionnés qui se rééduquent par la Surf Thérapie). Même s’ils sont évoqués dans le résumé, les sports de glisse ne sont pas développés dans cet ouvrage. Je recommande ce livre à tous les médecins (urgentistes, généralistes, médecins du sport, neurologues…), les entraîneurs sportifs, préparateurs physiques, kinésithérapeutes…et toute personne souhaitant mieux comprendre le fonctionnement de son cerveau et les risques encourus en cas de commotion.

Le Dr Chermann est convaincu des bénéfices du sport pour la santé, encore faut-il connaître les risques inhérents à chaque activité et appliquer les règles élémentaires permettant de les éviter.


Jean-François Chermann par franceinter

*le snowboard est également un sport à risque de commotion cérébrale.

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