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Santé Environnement : un produit chimique « biologique » est-il sans danger ?

Je ne me serais jamais posé cette question si je n’avais pas présenté occasionnellement des symptômes atypiques dans la ville où je surfe quotidiennement, Biarritz. Pendant longtemps, je n’ai pas compris pourquoi je ressentais parfois des maux de tête, pourquoi j’avais la peau qui grattait ou les yeux qui piquaient après une session de surf. Jusqu’au jour où je me suis intéressé au produit qui sent fort utilisé par ma commune pour masquer les odeurs de pipi des chiens et des fêtards indélicats…et qui se mêle parfois à l’eau de mer ou à l’air marin.

En discutant avec un employé municipal, j’ai appris cet été que lui aussi présentait des maux de tête après avoir passé ce produit. Je suis allé m’enquérir de la nature exacte du produit auprès du Centre Technique Municipal et j’en ai photocopié la fiche technique. A la lecture très instructive de ce document, on arrive presque à prendre un produit chimique contenant des composants potentiellement toxiques pour un produit « biologique » et « écologique » sans danger…

Cette phrase de la notice résume tout : « ce produit n’est pas dangereux mais contient des composants dangereux » (sic).

Vous comprenez ce que cela veut dire ? Pas moi.

Autrement dit : on sait que des composants pris individuellement sont toxiques mais on ne peut affirmer que leur mélange dans notre produit l’est… Et pour cause, on constate dans la fiche technique qu’aucune donnée n’est disponible tant en ce qui concerne les informations toxicologiques qu’écologiques. Il est tout de même précisé qu’il faut éviter le rejet dans l’environnement. Comme aucune étude ne prouve que le produit est nocif, on extrapole que « ce produit n’est pas dangereux ».

Le « désodorisant biologique » en question est formulé à base d’agents tensio-actifs : c’est ce type de produits que l’on aimerait ne plus retrouver dans l’eau de mer où ils forment des mousses caractéristiques.

Si on prend au hasard l’un des ingrédients mentionnés dans la composition du désodorisant en question, on se rend compte que notre produit biologique contient par exemple du PROPAN-2-OL : l’isopropanol, incolore et inflammable, est utilisé comme décapant et désinfectant. En cas d’inhalation, il peut provoquer des maux de tête, des vertiges, des nausées ; en cas de contact avec la peau il peut provoquer des réactions allergiques et urticariennes ; en cas de contact avec les yeux une irritation, une brûlure voire une lésion cornéenne. Entre autres effets secondaires. Une augmentation de l’incidence des cancers des sinus et du larynx a été observée chez des travailleurs utilisant un procédé à l’acide fort pour le fabriquer. Faute d’études suffisantes, on ne connaît pas sa carcinogénicité exacte chez l’homme.

Même si les risques sont limités par la concentration inférieure à 5% en PROPAN-2-OL et la nécessité de diluer le produit, on comprend aisément les risques encourus en cas de lessivage de ce produit par les eaux de nettoyage ou les pluies qui en enverraient dans le milieu marin.

Il y a peut-être des ingrédients « bio » (la notice fait mention d' »essences ») dans le produit mais cela suffit-il pour le vendre comme un produit « biologique » ? Apparemment oui vu que ce produit est certifié par l’AENOR (Asociación Española de Normalización y Certificación).

Ce produit est certainement moins pire que d’autres du même genre mais c’est tout sauf un savon bio. En toucher, en respirer, en avaler comporte des risques bien mentionnés par le fabricant.

C’est pour cela que je bondis quand je lis dans le communiqué de la ville qu’ « à choisir entre une ville qui sente l’urine et les déjections canines ou l’utilisation de produits écologiques qui nous aident à la rendre agréable à vivre, le choix s’impose. » Personnellement, je préfère encore respirer des effluves d’urines que ce type de produit qui tente de les masquer.

Il est primordial en tous cas que ce type de produit ne se retrouve en aucun cas dans les eaux de baignade pour éviter qu’il ne se retrouve en contact avec les usagers de la mer, la faune et la flore marine. Voilà pourquoi je milite pour que ma commune limite l’emploi de tels produits et surtout crée un réseau de canalisation pour éviter que les eaux de nettoyage ne finissent dans la mer.

Je ne suis pas pour interdire l’utilisation de tels produits qui permettent de désinfecter des surfaces contaminées, mais pour en rationaliser l’usage et prévenir les habitants des lieux, des jours et des horaires d’épandage car l’exposition répétée à ce type de produit ne peut qu’être nocive.

La responsable d’une association de défense des personnes atteintes du syndrome d’hypersensibilité chimique multiple ( www.sosmcs.org ) m’a contacté hier en réaction à l’article qui a déclenché cette polémique. Madame Lemasson m’a fait savoir que ce type de produit utilisé par les camions nettoyeurs était insupportable pour les personnes hypersensibles chimiques. Raison de plus pour réfléchir à deux fois à son usage dans les communes littorales où on vient avant tout respirer le bon air marin.

Au-delà de ça, on a l’impression que les appellations « bio », « biologique », « écologique » sont maintenant utilisées comme argument de vente pour tout et n’importe quoi. Que vous achetiez du savon, de la lessive ou de la crème solaire bio, lisez bien les étiquettes ! Les composants bio ne représentent souvent qu’une partie du produit fini dans lequel on trouve parfois des composants potentiellement dangereux. Si votre produit n’est pas certifié 100% bio, posez vous des questions.

Références : http://www.inchem.org/documents/iarc/vol71/039-isopropanol.html
http://fr.wikipedia.org/wiki/Isopropanol

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