Site icon Blog Surf Prevention

Non à une Interdiction Totale du Surf Foil sur la Côte Basque

Depuis une semaine, la nouvelle de l’interdiction de toutes les activités de surf foil à Anglet (kite, surf et SUP foil) fait grand bruit dans le mundillo du surf et a déjà fait la une des sites spécialisés : Surf Session, MagicSeaweed, CarveMag, StabMag

Anglet y est présentée comme la première ville au monde à franchir le cap d’une prohibition totale du foil. Nous verrons en bas d’article que d’autres communes de la Côte Basque ont déjà pris des arrêtés d’interdiction plus nuancés*.

J’écris cette tribune en tant que pratiquant débutant pour dire pourquoi il est incohérent et anachronique d’interdire le foil dans la région où est né le surf en France. Une pétition en ligne est jointe en bas d’article.

Le foil est une discipline très jeune mais qui grandit à vitesse grand V. Quand on voit la progression du matériel et des pratiquants en seulement quelques mois, on se dit que ce nouveau support a un énorme potentiel pour devenir un vecteur de glisse d’avenir.

Il y a à peine un an, Laird Hamilton faisait une démo remarquée à Biarritz et sur le spot de Parlementia. Au fil des semaines, nous avons vu Kai Lenny repousser toujours plus les limites en surfant du petit à San Sebastian et du très gros à Jaws, et en tentant des manœuvres impossibles.

Dans le même temps, différentes marques (Naish, F-One, Takuma, Sroka, etc.) commercialisaient du matériel en vente libre à destination d’un public averti.

Pour le moment, le foil est surtout pratiqué par une élite en France, et certains des meilleurs surf foilers actuels comme Xavier Leroy, Stéphane Iralour ou le jeune Matthieu Aguirre viennent de la Côte Basque. On peut également citer des watermen basques comme Ludovic Dulou, Peyo Lizarazu, Manu Portet ou Nicolas Thouand qui ont adopté la discipline et y excellent. Aujourd’hui, les interdictions mettent ces surfeurs de haut niveau en situation de hors-la-loi, alors qu’ils maîtrisent leur art et prônent une pratique responsable.

Photo : Le jeune espoir Matthieu Aguirre photographié en surf foil par Iñaki Armagnacq (Instagram @Pickiller).

Alors qu’on ne connaît pas encore bien l’accidentologie liée à ces pratiques (une étude vient d’être lancée), l’interdiction totale apparaît comme arbitraire et abusive.

Imaginez un instant que la même chose se soit produite lors de l’arrivée du surf en France dans les années 50. Devant l’apparition de planches lourdes et incontrôlables (sans leash à l’époque !) qui menaçaient les baigneurs, les autorités locales auraient très bien pu prendre la décision de facilité de l’interdire. Et nous n’aurions jamais connu le développement du surf sur la Côte Basque qui en fait aujourd’hui un haut-lieu reconnu au niveau mondial.

A chaque fois qu’une nouvelle discipline apparaît, c’est la même chose : les « anciens » voudraient interdire les « nouveaux » d’investir leur surface de glisse. Nous l’avons vécu il n’y a pas si longtemps avec l’arrivée du Stand-Up Paddle pour lequel certains surfeurs prônaient l’interdiction pure et simple. A la montagne, c’est pareil avec les snowboardeurs qui ont longtemps été considérés par les skieurs comme « persona non grata » (et sont encore interdits dans certaines stations !)

Aujourd’hui, les SUP apparaîtraient presque comme des enfants de chœur à côté des foileurs qui vont beaucoup plus vite et peuvent surfer des vagues qui déferlent à peine et glisser beaucoup plus longtemps.

Il y a aussi le phénomène de la multiplication des interdictions en France pour se prémunir des risques les plus improbables comme nous l’avons vu avec le projet d’interdiction du SUP sur les Lacs du Parc National des Pyrénées. On ouvre le parapluie de plus en plus souvent, et parfois sans avoir la moindre notion des risques réels liés à une pratique…

Plutôt qu’une interdiction, il faudrait favoriser un encadrement adapté des différentes disciplines liées au foil. Réglementer intelligemment ne peut se faire qu’en prenant le temps d’écouter les acteurs pionniers de la discipline, comme Bruno André qui faisait du surf foil avant tout le monde en France ou Eric Terrien très en pointe sur le développement du foil.

Ceux-ci vous expliqueront que le foil ne peut pas (et ne doit pas) se pratiquer n’importe où, et qu’il est surtout intéressant là où le surf classique ne peut pas aller. Il y a tout un tas de spots sur la Côte Basque et dans le monde qui sont considérés comme trop mous pour le surf mais qui deviennent de véritables paradis du foil. C’est aussi le cas un peu partout quand les vagues deviennent trop petites, trop molles, ou que la marée est trop haute pour surfer.

Il suffit d’essayer le foil pour comprendre que le foileur est surtout dangereux pour lui-même car le risque principal pour le pratiquant est de se heurter contre son propre foil (raison pour laquelle le néophyte doit s’équiper d’un maximum de protections et au moins d’un casque et d’une impact vest). Un débutant en foil n’ira pas bien loin et ne constituera pas une menace pour les autres surfeurs s’il reste bien à l’écart. Un foileur expérimenté prendra beaucoup plus de vitesse mais saura davantage éviter les situations à risques.

Considérant tout cela, difficile d’affirmer aujourd’hui que le foil est aussi dangereux qu’il en a l’air au premier abord. On voit beaucoup de spots, à Hawaii notamment, où de parfois très jeunes foileurs partagent l’espace avec d’autres surfeurs, sans que cela ne pose de problème. Du matériel de moins en moins lourd, et de plus en plus sécurisé se développe, rendant la pratique moins risquée.

A l’heure actuelle, on sait par contre que la discipline la plus dangereuse sur les plages, et de très loin en nombre d’accidents, est le shortboard. Mais personne ne penserait sérieusement à l’interdire !

Attention : si aujourd’hui on laisse interdire le foil, demain ce sera le SUP qui sera menacé. Et dans notre société ultra-sécuritaire et ultra-réglementaire, après-demain ce seront les grandes planches puis le surf qui seront interdits.

Ne tombons pas là-dedans. Acceptons les risques de chacune de nos activités. Étudions-les. Diffusons les règles de bonne pratique. Développons du matériel plus sécurisé. Et nous pourrons tous continuer à glisser, chacun à notre place, sur le vaste espace qu’offre l’océan.

Le kite foil et le wind foil posent des questions spécifiques mais là aussi nous avons affaire à des pratiquants chevronnés et responsables qui en plus pratiquent leur discipline au large. Fun Kite Sud-Ouest s’est ému de cette nouvelle réglementation dans un communiqué  (voir ci-dessous).

La première compétition régionale de kitefoil a d’ailleurs eu lieu ce week-end sur la Côte Basque, non pas à Anglet, mais à Hendaye organisée par le Anglet Kitesurf, YCAA Voile et le CDV 64.

Aujourd’hui le foil souffre de sa jeunesse et de son développement très rapide. La discipline n’est pas encore structurée, il n’y a pas de fédération nationale ou internationale pour organiser et défendre les sports qui y sont liés. Aujourd’hui cela devrait être aux fédérations de surf et de voile de « prendre sous leur aile » ou non ces disciplines. Mais on ne pourra pas rester dans le flou artistique et juridique bien longtemps.

Je propose qu’une table ronde soit organisée entre les acteurs du monde du foil, les agents et les élus des mairies concernées pour mettre au point une réglementation consensuelle sur la Côte Basque.

La Côte Basque ne peut pas devenir la zone où les activités de glisse futuriste comme le foil sont prohibées, alors que dans le même temps elle se voudrait être un « living lab » des nouvelles tendances de glisse.

Foil surfing is not a crime.

Guillaume Barucq.

[emailpetition id= »3″]
[signaturelist id= »3″]

*Que disent exactement les arrêtés pris sur la Côte Basque exactement ?

– À Anglet, l’arrêté municipal pris le 29 Mai 2018 ne laisse pas de place à l’interprétation : il stipule que « toute activité pouvant présenter un danger pour le public (baigneurs) est formellement interdite, particulièrement les activités utilisant des foils (foil kite, foil surfing, et foil stand-up paddle) ».

– À Saint-Jean-de-Luz, l’article 11 de l’arrêté réglementant les activités nautiques stipule que les planches avec foil sont interdites sur les plages de la commune dans les zones de surf. Cet arrêté paraît aussi excessif par rapport à la réalité du terrain où certains spots offrent une zone de glisse idéale pour le foil et où des pratiquants s’exercent régulièrement.

– À Biarritz, la réglementation est plus souple comme l’explicite l’article 4 de l’arrêté municipal concernant la baignade et les activités nautiques : « la pratique du foilboard est interdite dans le périmètre des plages réglementées. » Et uniquement sur ce périmètre. Le conseiller municipal délégué au surf, Laurent Ortiz, m’a explicité que par voie de conséquence, le foil est toléré en dehors des zones et des heures de surveillance, et sur les spots non réglementés.

-Arrêté municipal pris à Anglet :

– Réaction de Fun Kite Sud-Ouest :

Quitter la version mobile