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Portrait d’un surfeur meurtri par le surf et un « ostéopathe »…

Voici le témoignage d’un internaute de Surf Prevention qui fait « froid dans le dos ». Il pointe du doigt les dérives d’une certaine forme d’ostéopathie qui vise à faire « craquer » la colonne vertébrale des patients sans avis médical ni radiographies préalables avec des risques allant des douleurs chroniques à la paralysie totale. En cas de mal de dos, consultez votre médecin avant de voir un ostéopathe !

« Quand j’étais plus jeune, je pensais que le sport en général et le surf en particulier ne pouvaient être que bénéfiques pour la santé. Erreur totale, en tout cas pour le surf (shortboard) pratiqué quasi-quotidiennement ! Car aujourd’hui, j’ai le sentiment d’avoir 70 ans, surtout le matin au réveil. Mon dos est tout cassé et j’ai de l’arthrose aux hanches. Le lendemain d’une (rare) session ? Comme si je revenais du Kosovo ! Le résultat de 20 ans de surf et windsurf intensif et sans préparation et d’une mauvaise manipulation d’un pseudo-ostéopathe irresponsable. Nous sommes en 2010, j’ai 34 ans, je vis à la Réunion, les vagues sont belles, l’eau est chaude et je regarde les autres surfers s’enfiler des barriques translucides devant ma tronche désabusée. Le rêve a pris l’eau. Le moral est dans les tongs. Je ne peux plus surfer.

Note de Surf Prevention : ce témoignage n’est pas sans rappeler celui d’André Agassi qui a joué au tennis au plus haut niveau.

Voici mon témoignage, à l’adresse en particulier des plus jeunes d’entre nous, ceux qui se sentent tout puissants et n’hésitent pas -comme moi à leur âge- à se moquer des « mythos » qui « se la jouent pro » en s’échauffant sur la plage. Si vous persistez à ne pas prendre soin de votre corps, malmené par le surf et ses contraintes, dans 15 ou 20 ans, vous serez comme moi et bien d’autres surfers « silencieux » (on ne les voit pas dans les magazines ceux-là) : le cul posé sur la plage et la dépression en embuscade.

Le shortboard n’est pas un sport complet !

Le surf est un sport extrêmement traumatisant. Ce n’est pas ce qu’on appelle un sport « complet ». Ce qui veut dire que si vous ne faites QUE du surf, sauf corps exceptionnel (comme Kelly Slater qui, à bientôt 40 balais, est plus tonique que bien des adolescents !), vous allez finir en vrac et plus tôt que vous ne le croyez.

Tout le monde sait que la position de rame classique (allongée) n’est pas naturelle pour notre colonne vertébrale : hyperlordose = contraction des muscles du dos (rétrécissement des muscles), bascule du bassin en arrière et à terme pincements des disques au niveau lombaire et/ou cervical. Les surfers présentent souvent un déficit d’abdos, car ceux-ci ne travaillent quasiment pas lors de la pratique du surf (en gros seulement au take-off). Ce déséquilibre musculaire est désastreux, créant une posture hypercambrée, caractéristique du surfer. Certes, les jeunes filles apprécient « les petits culs des surfers ». Mais elles les apprécieront encore plus avec de belles tablettes de chocolat. Alors au boulot les cocos !

– Faites du RENFORCEMENT MUSCULAIRE, donc, gainez-vous. Mais attention : faites-vous briefer par un professionnel, médecin, kiné ou même préparateur physique, car des abdos mal effectués peuvent s’avérer contre-productifs.

– ECHAUFFEZ-VOUS !!! Lorsque j’ai débuté le surf en 1990 en Méditerranée, nous faisions mes potes et moi beaucoup de route pour trouver des vagues. A cette époque, pas de surf report et très peu d’aînés pour nous montrer les spots, du coup il était courant de se taper 2 heures de bagnole, entassés comme des sardines, avant de se mettre à l’eau, le cas échéant. Evidemment, on était « morts de faim ». Donc, une fois sur le spot, on se précipitait dans l’eau comme si nos vies en dépendaient, sans s’échauffer, voire pire, après avoir inhalé moult fumigènes divers et variés. Très rock n’ roll, mais super con. La pire chose que l’on puisse faire à un organisme : passer sans transition d’une position assise et enfumée, avec le chauffage à bloc, à une position allongée dans l’eau froide avec des muscles froids et gavé de toxines…

-ETIREZ-vous !!! Avant, mais surtout après le surf. Etirez notamment ce que l’on appelle la chaîne postérieure (muscles de derrière les jambes) et le dos pour éviter que vos muscles ne tirent trop sur les lombaires. Adressez-vous à un professionnel pour apprendre les bons gestes et ceux qui vous concernent plus particulièrement (nous sommes tous différents).

– PRATIQUEZ un sport complémentaire !!!

Pratiquer un sport complémentaire ne veut pas seulement dire faire un sport ne nécessitant pas de vagues. Mais plutôt qu’il faut pratiquer un sport préparateur et réparateur de l’activité surfistique. Le yoga est top (mais comme toujours, initiez-vous avec un prof de yoga), ainsi que la natation ou le vélo (pas le VTT, ni le dirt ou le BMX !), des arts martiaux « doux » etc. Méfiez-vous des modes véhiculées par les magazines : vous n’êtes pas obligés de faire du Jiu-Jitsu ou du golf pour être un vrai surfer.

Ostéopathes et chiropracteurs : gare au « cracking »

Il ne s’agit pas de jeter l’anathème sans distinction sur une profession déterminée mais d’être prudent quant au choix de la personne à qui vous allez confier vos petites vertèbres. Je suis personnellement la victime-type de la mauvaise ostéopathie, celle qui fait craquer les os et prétend être « plus forte que l’organisme », omnisciente. Comme en toute matière, la vanité est mère de tous les vices. Un ostéo qui se prend pour un gourou est à fuir impérativement, ce genre de type est un danger public, comme les sectes.

Je m’explique : en 2004, pour la première fois de ma vie, je ressens de légères (rétrospectivement) douleurs dans le bas du dos. En réalité de simples contractions musculaires dues à un gros stress professionnel (conflit au travail, harcèlement moral). La douleur ne se situe pas au niveau des vertèbres ou des disques mais sur le côté. Sur les conseils d’un ami (je ne lui en veux pas), je me rends pour la première fois chez un ostéopathe. Je ne suis pas méfiant car l’ostéo en question est par ailleurs moniteur dans une école d’ostéo. Et pourtant !

Je m’installe sur sa table, il me fait mettre dans une position bizarre sur le côté, prends de grandes inspirations en fermant les yeux puis se rue comme un damné sur mes lombaires : il force comme un taré (il n’y a pas d’autres mots) sur mes vertèbres et j’entends un gros crack suivi d’une douleur extrêmement vive au niveau de ma dernière lombaire et du sacrum. Je me sens alors très mal, une très mauvaise sensation dans tout le corps, une légère nausée également. Je fais part de mes impressions à cet ostéo qui m’assure que tout est normal, que la douleur passera d’ici 2 à 3 jours.

Trois jours plus tard, alors que je décidais de m’offrir un petit surf, je m’écroule en sortant de ma voiture, comme foudroyé dans le dos. Depuis, je vis avec cette douleur, parfois jour et nuit.

J’avais un spondylolisthésis avec lyse isthmique (une malformation de la vertèbre L5 courante chez ceux qui ont fait trop de sport pendant leur croissance) mais je l’ignorais, car n’ayant jamais souffert du dos, je n’avais jamais fait de radio. Or, le « trust » pratiqué par ce malade est proscrit dans mon cas. L’ostéo a déclenché les symptômes (je pense qu’il a fait basculer en avant ma vertèbre L5) et m’a de surcroît conseillé des mouvements de torsions tronc/jambes qui m’auraient fait me cisailler les disques. Aujourd’hui, mes disques sont quasiment bouffés au niveau lombaire, et je souffre considérablement. Malgré toute la rééducation, le yoga, la natation etc, rien n’y fait. Au mieux je suis gêné, au pire bloqué au lit avec des antalgiques de cheval.

Je viens même de perdre mon nouveau job de journaliste car pas en mesure de travailler à plein temps. Je suis en effet resté bloqué au bout de deux semaines d’activité (un boulot speed où l’on est souvent assis) : l’employeur a pris peur et m’a viré avant que je ne signe mon contrat. Ayant démissionné d’un petit job à mi-temps pour prendre ce poste, je n’ai pas le droit aux ASSEDICS. Pas assez handicapé pour percevoir une allocation. Trop pour bosser, au moins à temps plein. Cet ostéopathe a ruiné en partie ma vie et court toujours. Bien que juriste de formation, je n’ai pu le traîner devant les tribunaux : ne disposant pas de radio avant manip, je n’ai aucune preuve contre lui. C’est moi qui aurais risqué la condamnation en cas de procès !

Moralité : 1. N’allez JAMAIS voir d’ostéos qui font craquer. 2. Ecoutez votre médecin traitant et commencez par de la kiné voire de l’ostéo DOUCE (ça existe et c’est efficace). 3. Pas de manipulation sans radio, interprétées par un spécialiste. Pour info : les manipulations vertébrales sont en principe interdites par le droit français à moins d’être un médecin vertébrologue. Une loi a légalisé la situation des ostéos en France et leur pratique est aujourd’hui encadrée (j’ignore si le décret d’application a été pris en revanche). Il existe de très bons praticiens : en général ils sont médecins ou déjà kinés. Ceux-là agissent avec prudence et humilité et ne font pas craquer. Ils ont une vue globale du patient, avec une approche psy également, car l’esprit et le corps sont intimement liés et interagissent. Certains font des merveilles, notamment avec les nouveau-nés (vu de mes yeux)… Mais d’autres, les « crakers gourou », sont des catastrophes ambulantes.

Voilà, aujourd’hui, bien qu’encore jeune je me sens physiquement vieux. J’ai mal partout, surtout le matin. Le sport me fait mal, même la natation. Je m’emploie à me remuscler avec mes kinés depuis que j’ai perdu mon job. Le but ? Pouvoir retravailler (depuis la manip, je n’ai que très peu bossé) et pourquoi pas resurfer, en SUP cette fois, si mon corps le veut bien. Reste à trouver l’engin et surtout à le financer, mais bon, plaie d’argent….

J’espère que mon expérience pourra servir à d’autres, jeunes en particulier. Ne prenez pas ce témoignage pour un truc de vieux con ou d’ancien combattant. Le niveau en surf n’a également rien à voir avec ça car je suis un ancien compétiteur et possède un bon niveau. Soyez intelligents, humbles et n’oubliez jamais que le surf est une CHANCE et pas un dû. Partagez les vagues avec les moins bons et prenez soin de vous, écoutez vos sensations et votre cœur, c’est également bon pour votre dos. »

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