Comme on peut le voir sur la vidéo Youtube ci-dessous, Kelly Slater a récemment surfé de très bonnes vagues à Snapper Rocks, avec quelques centaines d’autres surfeurs, comme c’est devenu habituel sur ce spot de surf australien. Malgré son slalom entre les surfeurs à la sortie d’un magnifique tube, Slater n’a pas évité au moins trois collisions avec d’autres surfeurs ce jour-là. Et il n’a pas manqué de s’en plaindre comme on a pu le lire sur Surfline : « La foule m’a « cassé » et j’ai abandonné après deux jours, il y avait juste trop de monde. J’ai heurté deux personnes et un autre surfeur m’est rentré dedans. » (« The crowd broke me and I gave up after two days – it was just too crowded. I hit two people and got cut by someone else. »)
C’est la deuxième fois que Kelly Slater se blesse depuis le début de l’année : la première fois, c’était à D-Bah avec sa propre planche. Là il semblerait que ce soit suite à une collision avec un autre surfeur qu’il se soit blessé. Il a déclaré sur ESPN s’être blessé à la jambe et la blessure, plus sérieuse que prévue, lui aurait fait déclarer forfait pour la compétition Nike 6.0 Lowers Pro en Californie à laquelle il avait prévu de participer avant de rencontrer le Dalaï-Lama.
La question soulevée par cet article est celle de savoir si Kelly Slater peut légitimement se plaindre du monde sur les spots, alors qu’il est en grande partie responsable de la popularisation du surf. Si Kelly Slater n’avait pas été 10 fois champion du monde, y aurait-il eu autant de monde le jour en question sur le spot de Snapper Rocks ? Certainement pas. Combien de personnes dans le monde ont entendu parler du surf grâce à l’ancien acteur d’Alerte à Malibu ? Quel surfeur peut dire que Kelly Slater n’a pas contribué d’une manière ou d’une autre à son engouement pour le surf ?
Par sa virtuosité, par son professionnalisme, par son charisme, par sa sympathie également, Kelly Slater contribue au quotidien à recruter de nouveaux adeptes du surfing. Peut-être n’en a-t-il pas conscience, mais quand on a consacré sa vie à faire connaître un sport, il peut paraître paradoxal de se plaindre de la multiplication de ses pratiquants à certains endroits. On sait Kelly Slater très jaloux de ses vagues préférées : il avait notamment manifesté son mécontentement face à l’ouverture de Tavarua au public.
On retrouve parfois dans les réactions de Slater le grand paradoxe des surfeurs travaillant dans le milieu qui voudraient gagner -beaucoup- d’argent avec le surf mais qui n’ont aucune envie de partager le line-up avec « les nouveaux clients » du surf. Sa réaction me fait penser à celles de surfeurs pros qui vivent grâce à l’argent de leurs sponsors mais qui médisent sur les touristes ou les blaireaux dans l’eau, ces mêmes personnes qui achètent des tee-shirts aux marques qui les font vivre…
Le problème est peut-être là justement : si les « bons » surfeurs étaient plus enclins à partager leurs vagues, peut-être y aurait-il moins de tensions à l’eau. Imaginez-vous à l’eau à Snapper Rocks avec Kelly Slater et ses collègues de l’ASP World Tour. De par leur niveau, il y a fort à parier qu’ils ont dû essayer de prendre plus de vagues que les autres, et les plus belles de préférence. Un esprit de partage impliquerait que les surfeurs présents dans l’eau se répartissent les vagues disponibles de manière équitable. S’il y a 100 vagues qui passent en une heure et qu’il y a 100 surfeurs dans l’eau, la logique voudrait que chacun prenne une vague en moyenne. En pratique, on imagine que les surfeurs étiquettés « pros » et/ou les « locaux » ont dû essayer d’en prendre un maximum quand certains surfeurs n’ont pas dû en toucher une seule , mais ont eu droit à leur lot de frustration, et à un accident de surf par collision en option.
Il est temps de réfléchir à des façons plus intelligentes de partager les vagues sur des spots très fréquentés comme Snapper Rocks. On éviterait déjà beaucoup d’accidents si les surfeurs évitaient de remonter au pic par le chemin qu’empruntent les surfeurs sur la vague. Il devrait y avoir un sens pour retourner au line-up sans gêner les surfeurs qui évoluent sur la vague. Le code de bonne conduite du surfeur, s’il existait, devrait stipuler qu’il ne faut pas essayer de prendre plus de vagues que les autres. Un vœu pieux…
La meilleure solution est peut-être tout simplement d’éviter ce genre de spot aux heures de pointe, en pleine saison, quand les vagues sont au rendez-vous. Kelly Slater a la possibilité de surfer tous les spots les plus reculés de la planète et s’il décide d’aller se mettre à l’eau à Snappers, où il vient de remporter une compétition, c’est qu’il a vraiment envie de prendre un bain de foule. Pourquoi s’en plaint-il alors ?
Heureusement Kelly Slater a compris que certains spots commençaient à saturer et il nous prépare pour bientôt un système révolutionnaire pour créer des vagues artificielles. Si cette nouvelle technologie devrait permettre d’augmenter les ressources en vagues surfables, il n’est pas dit qu’elle vienne à bout de la mentalité bien ancrée chez les surfeurs du « touche pas à ma vague ! ».
