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Surf & Jet-Ski dans les vagues: le Débat

La session tow-in de Benjamin Sanchis, Dimitri Ouvré et Miky Picon a déclenché une avalanche de réactions sur Surf-Session.com et sur le Facebook de Surf Prevention entre les surfeurs qui désapprouvent et ceux qui cautionnent cette façon de prendre des vagues avec un jet-ski.

 

Je me suis permis d’intervenir sur Facebook pour dire que de nombreux internautes étaient « déçus de voir que les meilleurs surfeurs français s’abaissent à utiliser un jet-ski dans des vagues de moins en moins grosses. Ce qui était l’exception dans les très grosses vagues est en train de devenir la règle dès que ça devient compliqué de passer la barre. Si le but est de prendre plus de vagues, on n’a plus qu’à tous s’acheter un jet et installer des remonte-vagues sur les spots » et de rajouter que « le dialogue est nécessaire et un débat apaisé sur l’utilisation du jet-ski dans les vagues serait intéressant. Niveau sécurité, redéfinir dans quelles conditions il peut être utilisé. Niveau pollution, le jet-ski électrique pourrait être une piste pour réduire l’impact sur le milieu marin. »

Cet avis n’a pas été partagé par certains surfeurs et personnes bien placées dans le milieu du surf.

Le surfeur François Liets m’a fait une réponse qui est retranscrite ici, et à laquelle je réponds en dessous.

François Liets: « Cher Guillaume, tu dois certainement être un garçon fort sympathique mais je suis un peu gêné par ta stigmatisation du jet ski comme engin polluant. Fais-tu des manifs contre tous les plaisanciers de France qui utilisent leurs bateaux pour se promener ou pour pêcher ? Connais-tu l’impact engendré par le refroidissement des serveurs qui hébergent tes sites webs ? Est-ce que tu te bats contre l’énergie nucléaire qui pourrait faire fonctionner tes jets-skis électriques ? Est-ce que tu te bats contre Monsanto et consorts qui polluent nos sols et la bouffe que nous ingurgitons ? Est-ce que tu as arrêté de prescrire des médicaments dégueulasses qui partent dans les toilettes et se retrouvent dans nos océans après être passés dans nos rivières ? Si c’est le cas je ne le vois pas sur ton blog , est-ce que c’est simplement parce qu’il est plus facile de s’attaquer à quelques surfers pros ? Je pense que nous aimerions tous un monde meilleur mais aucun d’entre nous ne fait la moindre chose pour que ça change aujourd’hui, je ne suis malheureusement pas meilleur que les autres mais il me semble que toi non plus, et ça ne te donne donc pas le droit de donner des leçons, en tout cas c’est ce que j’en pense« .

Réponse de Guillaume Barucq (Surf Prevention):

Cher François,

Merci pour ton commentaire qui me permet d’expliquer pourquoi Surf Prevention se mêle à ce débat.

Précisons d’abord que les critiques ne s’adressent pas personnellement aux surfeurs qui ont participé à cette session que nous respectons et dont nous connaissons le talent.

Il ne s’agit pas de critiquer gratuitement les surfeurs français, mais de remettre en cause une pratique qui tend à se développer: l’utilisation du jet-ski pour se propulser dans des vagues de taille moyenne.

Alors que le jet-ski n’était toléré initialement que pour des vagues trop grosses pour être surfées à la rame, comme à Belharra ou à La Nord, on assiste à une multiplication des sessions tractées par jet-ski quand les vagues dépassent à peine 1m50-2m sur les côtes landaises et basques.

Il paraît urgent de redéfinir dans quelles conditions il est « acceptable » de s’aider d’un jet-ski pour prendre des vagues, tout en respectant la réglementation en vigueur, qu’il serait d’ailleurs bon de rappeler.

Y a-t-il une taille minimum pour utiliser un jet-ski ? (A Teahupoo par exemple, le tow-in est banni en-dessous de 12 pieds.) La présence de surfeurs à la rame suffit-elle toujours à interdire l’usage du jet-ski à proximité ? Quelle est la distance de sécurité minimale à respecter ? Voilà les questions à se poser.

La médiatisation de ces sessions pose également problème. Si vous surfez ce genre de vagues avec un jet, il y a de fortes chances pour que quelques néophytes (sur les milliers qui auront vu la vidéo sur Youtube) vous imitent, avec le risque d’accidents que l’on imagine.

On voit déjà de plus en plus de jet-skis sur la Côte en été, la pratique du Flyboard se développe… Si en plus, les surfeurs se mettent à utiliser des jets, nos sessions vont devenir invivables entre le bruit assourdissant et les odeurs pestilentielles laissées par ces engins.

Le jet-ski est un bon outil pour le sauvetage côtier et pour assurer la sécurité des big wave riders dans les très grosses vagues.

Mais nous sommes nombreux à penser qu’il n’a pas sa place pour faciliter le take-off des surfeurs quand les vagues sont prenables à la rame. Ni pour leur permettre de remonter plus vite au pic, que ce soit en  free surf ou en compétition.

Même à Jaws, les surfeurs de gros sont en train de s’affranchir de l’usage du jet-ski pour effectuer leur take-off à la rame. Ce qui ne les empêche pas d’avoir un jet-ski à proximité pour les secourir en cas de pépin.

La rame est une composante essentielle du surf. C’est elle qui donne le goût de l’effort et rend les surfeurs méritants. Médiatiser une pratique assistée du surf est un mauvais signal que l’on envoie aux jeunes dans une société du moindre effort.

Quand on lit des surfeurs pros justifier ces sessions tractées par le fait qu’ils peuvent prendre beaucoup plus de vagues, prendre plus de vitesse et faire des figures plus radicales, on peut légitimement se demander si ces arguments sont recevables, sans passer pour des « blaireaux de surfeurs amateurs qui ne comprennent rien à l’évolution du surf. »

Vous invoquez la liberté de surfer comme bon vous semble, mais la liberté des uns s’arrête où commence celle des autres surfeurs. Plusieurs surfeurs se sont plaints des nuisances occasionnées par ces sessions.

L’utilisation d’un jet-ski peut s’avérer extrêmement polluante sur une seule session, comme un ingénieur nous l’avait expliqué.

A l’heure où on essaie de lutter par tous les moyens contre les émissions de gaz à effet de serre, il est incohérent de voir des surfeurs faire des ronds dans l’eau et cramer des dizaines de litres d’essence avec leur jet-ski… Comment être crédibles ensuite pour s’opposer à des projets comme celui qu’envisage EDF dans les Landes si nous ne nous montrons pas nous-mêmes irréprochables ? C’est à vous, professionnels du surf, de montrer l’exemple.

Aujourd’hui, on a l’impression qu’il faudrait être écolo, mais pas trop, au risque de passer pour un « bobo-écolo » réactionnaire. C’est pourtant maintenant plus que jamais qu’il faudrait aller plus loin dans notre démarche environnementale. A quoi sert-il que des surfeurs améliorent leur pratique en faisant des efforts au quotidien, si d’autres ne s’inscrivent pas dans cette démarche ?

Aucun surfeur n’est irréprochable, mais nous devrions tous essayer de tendre vers une pratique plus responsable en utilisant du matériel éco-conçu (planchescombinaisonswax…), en diminuant les trajets inutiles… Dans cette logique, l’utilisation du jet-ski – alors qu’on pourrait très bien s’en passer – est une régression.

Surf Prevention sensibilise aux différents problèmes environnementaux que tu soulèves;  que ce soit la pollution radioactive de l’océan après Fukushima,  les pollutions chimiques et les résidus de médicaments dans l’eau, la pollution des sols par les pesticides, ou encore l’impact négatif que peuvent avoir les plaisanciers sur un site fragile comme le bassin d’Arcachon

Mais ce n’est pas parce que certains polluent beaucoup, que nous avons le droit de polluer un peu quand on pourrait l’éviter.

Il ne s’agit pas de donner des leçons mais de créer un débat et de la réflexion autour de sujets qui nous concernent tous, surfeurs.

Ce serait bien que vous participiez plus souvent à ces discussions, car on peut tous être amenés un jour à partager une session. Il nous faut réfléchir ensemble à nos conditions de pratique, que nous soyons surfeur professionnel ou amateur.

La sécurité, la bonne ambiance sur les spots et la protection inconditionnelle de la mer devraient faire partie de nos préoccupations principales.

Bien sincèrement.
Voir aussi:
la banalisation préoccupante du jet-ski dans les vagues.
Surfeurs à moteur : pas de bras, mais du chocolat

Si seulement la mer pouvait se défendre (Surfrider Foundation) :

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