Médicalisation d’une compétition internationale de surf
Quand je me suis rendu sur le site du Quiksilver Pro France en ce mardi 23 Septembre 2008 pour connaître l’organisation des soins destinée aux surfeurs professionnels du Top 44, j’avoue que j’étais un peu perplexe. Mais ce que j’ai pu constater sur place m’a fort agréablement surpris !
A peine arrivé sur le site qu’une charmante hôtesse me remettait un tube de crème solaire. En tant que rédacteur de Surf Prevention qui milite pour la prévention solaire chez les surfeurs, je ne peux que saluer cette initiative. Bon d’accord, il ne s’agissait que d’une crème d’indice 15 (facteur de protection solaire faible) estampillée Suzuki (eh oui ils ne font pas que des bagnoles et des motos…), mais ce détail m’a d’entrée mis dans de bonnes dispositions. Je n’étais qu’au début de mes bonnes surprises…
Je me suis donc rendu en « backstage » dans la tente V.I.P. pour faire connaissance avec le staff médical.
Sur le Quiksilver Pro, il faut souligner que ce sont des médecins français qui interviennent. Les australiens et les américains n’ont pas encore la mainmise sur l’organisation médicale de la compétition mais le médecin responsable a dû montrer patte blanche auprès de l’ASP qui a exigé de respecter un cahier des charges rigoureux. Le temps de l’amateurisme est bel et bien révolu dans ce domaine et l’ASP tient à ce que les surfeurs pro bénéficient des meilleurs soins possibles sur toutes les épreuves.
Le médecin référent sur le site est le Docteur Pascal Depaire. Ce médecin de 49 ans a le profil idéal: sa double spécialisation en Médecine du Sport et en Médecine d’Urgences (Praticien Hospitalier au Centre Hospitalier de Pau) ainsi que son expérience sur les compétitions de surf et de ski font de lui l’homme de la situation. Il semble en effet indispensable qu’il y ait au moins un médecin urgentiste sur ce genre d’événement car même si les accidents de surf sont rares en compétition, il faut pouvoir réagir en cas d’urgence vitale: pas le droit à l’erreur si un accident survenait devant les caméras avec des avocats prêts à exploiter la moindre faille en cas de pépin sur un surfeur américain par exemple (ils sont plus procéduriers que chez nous…).
Le médecin est là pour prendre en charge les compétiteurs mais il lui arrive parfois de donner un avis aux membres de l’organisation ou à l’entourage des surfeurs pro.
Le Dr Depaire possède tout le matériel nécessaire pour réaliser les premiers soins notamment pour prendre en charge les plaies, fréquentes chez les surfeurs (compresses, sérum physiologique, désinfectant, pansements, sets de suture…), et soigner les petits et gros bobos des surfeurs. Il dispose également d’un sac d’urgence avec ce qu’il faut pour perfuser un patient, le réanimer, l’intuber si besoin…
Pascal Depaire officie sur le Quik Pro pour la 5e année consécutive. Quand il ne peut pas être sur le site, ses confrères, les Dr Olivier Colombié et Jean-Didier Lafitte qui ont à peu près le même profil, prennent le relais.
Cette année les médecins ont eu la chance d’être assistés par Michel Billaudel, un élève infirmier belge en fin de cursus, qui fait un travail de fin d’études original sur la prise en charge d’un surfeur blessé en compétition (dont les conclusions seront publiées sur www.surf-prevention.com ) .
Pour s’occuper du corps des surfeurs, un ostéopathe (et non un chiropracteur comme sur la plupart des autres épreuves du World Tour) est également présent en permanence sur le site de la compétition. J’ai pu discuter avec Eric Robinson, ostéo installé à Hourtin, qui s’occupe notamment de footballeurs des Girondins de Bordeaux et du Bayern de Munich et qui intervient sur les épreuves du World Tour à Hossegor, Mundaka et…Teahupoo !
Autant dire qu’Eric a presque l’impression d’être en vacances sur la Côte Landaise par rapport à tout le travail qu’il a sur la célèbre vague tahitienne, ne serait-ce que pour relaxer les surfeurs avant même leur série… « Les pros ont l’habitude de surfer des vagues comme celles des Landes, ils se font rarement mal ici, cela leur pose beaucoup moins de problèmes qu’à Teahupoo » déclare Eric Robinson. « Ici je prends surtout en charge les surfeurs pour des problèmes chroniques, des blessures anciennes qui ont laissé des traces. Globalement, je dirais que je prends en charge les surfeurs pros pour environ 70% au niveau lombaire, 20% au niveau dorsal haut et cervical et 10% au niveau des membres (chevilles et genoux surtout et occasionnellement les épaules) ».
Dès qu’on lui soumet un problème traumatique aigu ou médical, Eric en réfère au médecin: « je ne suis pas docteur » clarifie Eric Robinson qui connaît bien les limites de ses compétences. Parmi les surfeurs habitués à passer dans les mains expertes d’Eric Robinson, citons Mick Fanning, Adriano de Souza, Chris Ward, Pancho Sullivan, Taylor Knox…et même Slater himself. Eric Robinson se fait remplacer par Denis Lemoigne, également ostéopathe, quand il ne peut pas être présent sur le site.
Au niveau de la salle d’examen par contre, c’est un peu sommaire. Les soignants interviennent sous une tente qui n’a rien d’un bloc opératoire avec un divan d’examen de fortune posé à même le sable, un éclairage qui laisse à désirer… Ceci est dû au fait que le local prévu initialement sur le spot de la Gravière à Hossegor n’a pas eu le temps d’être aménagé que la caravane s’est déplacée plus au nord pour installer un grand campement aux Estagnots à Seignosse qui offraient des vagues plus adaptées aux conditions (site de compétition mobile). Ce point serait certainement à améliorer pour que les soignants disposent de tout le confort et des installations indispensables à des soins de qualité.
Que se passe-t-il si Kelly Slater est victime d’un accident grave en pleine série (supposons)?
Deux jet-ski équipés d’un traîneau de sauvetage pilotés par des hommes de la mer confirmés (la « water patrol » est assurée par Yann Benetrix et Sébastien Saint Jean, surfeurs de grosses vagues reconnus) sont en permanence sur le qui-vive pour récupérer un surfeur en difficulté ou pour le ramener au line-up à la fin d’une vague.
Sur le sable, deux MNS-CRS sont également prêts à intervenir depuis leur 4X4 pick-up équipé d’oxygène, du matériel d’aspiration, d’un plan dur, d’une minerve et du nécessaire aux premiers secours. Ils peuvent aller récupérer le surfeur blessé à la nage si la situation le nécessite. Ils sont également là pour assurer la sécurité (pour éviter une bousculade quand Kelly Slater sort de l’eau par exemple).
Le médecin communique par radio avec les sauveteurs et le jet-ski.
Une fois la victime sortie de l’eau, le médecin, prévenu par radio, peut coordonner les premiers gestes et assurer la prise en charge jusqu’à l’arrivée d’un Service Mobile d’Urgences et de Réanimation (SMUR) par la route (ambulance médicalisée) ou par les airs (hélicoptère).
En cas d’arrêt cardiaque, il y a même un défibrillateur semi-automatique (DSA) au Poste de Secours depuis cette année.
Bref, que les surfeurs soient victimes d’un petit bobo ou d’un grave accident, l’organisation a prévu un plan de secours indispensable car sur Capbreton-Hossegor-Seignosse, on se trouve à distance des Centres Hospitaliers de Bayonne, de Dax ou du CHU de Bordeaux.
Bilan positif de cette visite très instructive: un personnel compétent, disponible, un matériel adapté, le seul bémol restant le local du staff médical qui mériterait beaucoup mieux.
G.B.
Photo 1: le Dr Pascal Depaire.
Photo 2: Eric Robinson, l’ostéopathe.
Photo 3: Soins infirmiers sur un surfeur blessé.
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