Comme de nombreux skippers, Roland Jourdain dirige une « écurie de course au large». La sienne c’est « Kaïros » du nom du concept grec qui définirait temporellement un point de basculement décisif…autrement dit, le bon moment. Et si construire un bateau conçu avec des fibres de lin nourrissait ce concept ? L’équipe, très sensible aux questions environnementales, s’est lancée dans l’aventure en quête d’une réponse. Avec Ludovic Bosser, un shaper passionné de surf, ils ont tout de suite su comment tester la solidité de leurs nouveaux matériaux.

Le projet Glaz board, ou planche « verte » en breton

C’est ce à quoi Kaïros voudrait tendre, dans la lignée de Notox. Pour l’instant, la société s’est seulement intéressée aux matériaux utilisés aussi pour la construction des voiliers. Sans visée commerciale, ce projet de recherche et de développement vise uniquement à tester la résistance de ces matériaux à travers le surf. Pour l’équipe, « il faut penser à une réduction globale des impacts liés à la construction d’un surf ». Ainsi, ils se sont basés sur l’analyse des cycles de vie des matériaux pour valider leur intérêt. Dans un premier temps, ils se sont intéressés aux fibres de cellulose et de lin normand pour remplacer la sempiternelle fibre de verre…Actuellement, il n’est pas encore possible d’obtenir une fibre de qualité égale. Mais les fibres végétales obtiennent quand même de bons résultats. Pour tester celle utilisée pour leurs boards, Kaïros travaille avec l’ IFREMER. Hier, l’équipe a eu la bonne surprise de voir leurs fibres réussir le test de résistance : « pendant 6 mois, elles ont été trempées dans de l’eau à 40°C, et elles n’ont pas bougé », raconte Emmanuel Poisson du pôle environnement.

Côté résine, elle est « biosourcée », pour l’instant elle n’est issue qu’à 55% de la biomasse (sève de pin). Le reste c’est de l’époxy, issu de la chimie classique. Il est très dur de calculer le cycle de vie de ces matériaux, tant les fournisseurs sont discrets sur la composition de leurs produits. Néanmoins, elle vient du sud de la France et a le mérite de parcourir moins de kilomètres qu’une résine classique qui proviendrait des Etats-Unis.

Dans une lignée globale de réflexion ancrée sur un développement durable, les ailerons des boards sont en liège. C’est une pièce épaisse qui permet de réduire les quantités de fibres et de résine utilisées dans la composition de l’aileron. D’un point de vue social, son utilisation encourage toute une filière portugaise en panne. Avec l’utilisation des bouchons en plastique pour les bouteilles de vin, les clients se font de plus en plus rares pour le liège et celui-ci entoure abusivement les arbres… pas terrible pour la santé de l’écosystème !

Le dernier matériau utilisé est le pain de mousse en polystyrène. Après le carton, c’est le meilleur au niveau du cycle de vie. Il est fabriqué en Bretagne Sud et sera réutilisé après retour au fournisseur, en fin de vie. Pour l’instant c’est mieux que le Polyuréthane sud-africain. A l’avenir, ils se pencheront sur le carton et les propriétés des nids d’abeille. Pour l’instant, ils attendent de casser les boards pour les essayer au recyclage !

Vers un bateau éco-conçu pour 2012

Les propriétés mécaniques des fibres, testées à l’ IFREMER (flexion, cisaillement, traction…), révèlent des qualités et une solidité suffisantes pour l’utilisation dans la construction de surf. Les tests sont bons, les surfs plaisent et ont la particularité de bien tenir le clapot. Kaïros envisage à présent le passage à une unité test plus grande. Après le fish, la 6’4, le egg et le longboard, la société envisage la construction d’un bateau où la fibre de cellulose remplacerait celle de verre. « Nous sommes au début de l’utilisation de ces matériaux, c’est difficile de détrôner les qualités d’une fibre qui existe depuis 40 ans mais d’ici 5 ans, on saura mieux la travailler » explique Emmanuel. Pour l’instant, si on envisage de la tester sur un modèle de plaisance, elle n’est pas assez légère et solide pour les bateaux de courses qui utilisent des fibres de carbone. D’ailleurs, « notre prochain projet d’étude se tournera sur le recyclage. Les premiers bateaux en carbone, construits il y a 20ans, arrivent en fin de vie et aucun recyclage n’a été encore réfléchi pour ces matériaux » précise Emmanuel. Avant de trouver une seconde vie au carbone, ils ont du pain sur la planche ! En attendant, vous croiserez sans doutes Roland Jourdain et son équipe à l’eau sur les spots du sud-Finistère.

Voir aussi : Roland Jourdain : skipper éco-responsable.

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2 Commentaires

  1. cyril dit :

    Une étude ACV des planches de surf (polystyrène/epoxy et polyuréthane/polyester) a été réalisée pour l'eurosima en 2008. On arrive à calculer le cycle de vie de ces matériaux si on a les bons outils. Le problème (qui est le même pour tous les composites) est plus sur la gestion de la fin de vie car, bio sourcés ou pas, on ne peut plus vraiment séparer ces matériaux et ils finissent au fond du garage….mais l'avantage des matières bio sourcées est qu'on ne puise pas dans le stock des ressources fossiles…

  2. Lucas Menec dit :

    XD

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