Tribunal de grande instance de Brest, 12h50. Les portes s’ouvrent et la vingtaine de personnes venues assister ou participer au procès du Tian Du Feng – vraquier chinois soupçonné de dégazage au large des côtes Finistériennes – peuvent rentrer. Surf Prevention.com vous en dit plus sur ce procès.

A l’intérieur de la salle, il est difficile de savoir où se placer…à droite ? à gauche ? Après quelques va-et-vient entre les deux parties de la pièce, tout le monde finit par choisir son camp. A 13h l’audience débute et menace déjà d’être reportée. Le parquet réclame la présence indispensable de l’expert capable de faire le lien entre les photos aériennes de la pollution et la nature du rejet. La sonnette retentit, les juges et les avocats se retirent. Une demi-heure plus tard, ils sont de retour avec pour décision le maintien du procès. En effet, le capitaine du vraquier s’est déplacé de Hong-Kong, ce qui n’est pas courant.

Le sillage noir mène au procès

Le 16 novembre 2010 à 10h03, l’avion des douanes repère dans le rail d’Ouessant, un navire laissant dans son sillage une trace noire de 6km. Quand l’aéronef s’approche la pollution stoppe, quand il s’éloigne elle reprend de nouveau sur 6km. Pour l’équipe de la brigade de surveillance maritime, il n’y a pas l’ombre d’un doute. Le Tian du Feng – qui transporte du charbon depuis l’Australie jusqu’en Suède – est en train de dégazer à 80 km des côtes. Prises de vues aériennes et contact avec l’équipage. La brigade dresse un procès verbal et brusquement la communication devient impossible. Le navire est dérouté vers le port de Brest et doit s’acquitter d’une caution de 500.000€ pour pouvoir repartir.

Rejet, oui. Mais de quoi ?

C’est bien la question qui tient le procès en haleine. Car si tout le monde est d’accord pour dire qu’il y a eu rejet, deux théories s’affrontent concernant sa nature. Pour le parquet et les parties civiles (au nombre de six, dont Surfrider Foundation Europe et France Nature Environnement) ce sont bien des rejets d’hydrocarbures. Pour la défense, ce sont des rejets licites d’eaux charbonneuses.

Du côté de la thèse des hydrocarbures, les arguments et le témoin sont de taille. En effet, le pilote de l’aéronef qui a détecté la pollution a reçu une solide formation auprès du CEDRE. Il est capable d’identifier la nature des rejets selon un code couleur appliqué aux photographies. Ainsi, dans le cas du Tian du Feng, il a observé : 20% de code 1 (reflets), 30% de code 2 (Arc-en-ciel) et 50% de code 3 (métallique). Un code pareil est lié à la présence d’hydrocarbures.

Côté défense, les experts et les avocats sont solides. Les premiers défendent un bateau d’une remarquable propreté et d’un incroyable entretien à la limite de l’irréprochable. Les seconds s’emparent de lois australiennes comme pilier d’une thèse qui pourrait changer la donne. En effet, d’après la réglementation de cette île lointaine, tout chargement de charbon doit être humidifié pour éliminer la poussière. Les résidus de charbon se mélangent à l’eau et se déposent dans les puisards (fond du pont). Environ deux fois par jours, ce mélange doit être évacué par rejet à la mer. Les rejets contiennent seulement de l’eau charbonneuse.

Dommages et intérêts

Pour le parquet ce sera 800 000 euros d’amende requise, auxquels s’ajoutent 50 000 euros de dommages et intérêts réclamés par les parties civiles. Les avocats de ces derniers rappellent les dégâts causés par les rejets d’hydrocarbures sur les côtes. Du nettoyage des plages à celui des oiseaux en passant par les pertes économiques liées au tourisme et à la pêche. Un des avocats cite également le dernier rapport présenté à l’ONU sur l’état des océans et rappelle comment celui-ci est encore plus mal en point que ce que les scientifiques imaginaient. Pour lui comme pour beaucoup dans cette salle il est nécessaire d’agir rapidement contre les pollueurs. Surfrider Foundation Europe, venue assister au procès, prône la tolérance zéro et se bat pour faire respecter le principe du pollueur-payeur. Si le verdict de ce procès n’est pas dissuasif, alors l’association est prête à aller en appel.

Au bout de 5h30 de joutes argumentaires et de lobotomisation, le procureur et les avocats remettent leurs dossiers aux juges. Même si chacun a son idée, les arguments rebondissent dans les cerveaux et trancher devient difficile. En attendant la sonnette sonne, le public se lève et les juges s’en vont, bien chargés. La délibération est prévue pour le 20 septembre 2011.

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1 commentaire

  1. ferdi dit :

    je crois pas non plus que le fait de rejeter de l'eau charbonneuse soit sain pour l'océan …

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