Samuel Dougados dit « Sam » est un surfeur hors du commun : pendant que la plupart d’entre nous se contente de tracer des lignes sur les vagues, lui dessine également des fresques grandeur nature sur le sable. Il a obtenu récemment la consécration de son art de plage en devenant champion du monde de Beach Art lors des premiers MyMemory.com world beach art championships sur l’île de Jersey pendant le weekend du 29 et 30 octobre 2011.

Sam Dougados, c’est l’auteur de cette demande en mariage très originale sur le sable de la côte des Basques à Biarritz. Il est l’un des meilleurs spécialistes de l’arenaglyphe, qui vient du latin arena (le sable) et du grec glúphein (graver). Nous lui avons posé quelques questions sur son art :

Surf Prevention : Comment es-tu devenu champion du monde de Beach-Art ?

Samuel Dougados : Le jury a choisi mon oeuvre pour son interaction avec le public qui longeait les lignes, sautait par dessus et son intégration sur le site. Pour sa démesure aussi je pense, la plus grande de toutes ce jour là. Je l’avais conçue aussi un peu pour les vues d’hélico présent ce jour là. Après, ce jugement reste subjectif, si le jury avait été composé de public, c’est le Californien qui aurait eu toutes les faveurs; on le méritait tous et ce prix était plus là pour attirer les médias et faire le focus sur cette île, but de l’opération que pour couronner un réel champion.

Comment t’es-tu mis à dessiner sur le sable ?

C’est en voyant un Californien faire cela dans une vidéo de surf que j’ai eu l’idée. J’ai trouvé ça magnifique et impressionnant; à cette époque j’étais plus dans la sculpture et d’autres formes d’expression mais j’ai toujours voulu mettre en oeuvre mes idées, les concrétiser. J’ai gardé cela en tête pendant un an puis je m’y suis essayé à la côte des basques à Biarritz, plage parfaite pour cela car le sable y est ferme, plat, humide et le spot offre des vues imprenables en haut des falaises pour les photos et une vue d’ensemble.

La première fois que j’ai essayé était pendant l’été 2008. Faire cela était quelque chose de nouveau et j’ai toujours aimé découvrir des techniques et matérialiser mes émotions. Il y a des choses dont on se sent capable sans l’avoir déjà fait. Je suis autodidacte et j’ai toujours eu ce besoin de création; j’ai commencé par écrire, puis peindre, sculpter puis maintenant le beach art et l’art environnemental, les installations.

Il y a des jours où cela fonctionne très bien, d’autres où le rendu sera faible mais comme dans le surf rien n’est perdu et chaque oeuvre/session vaut la peine, même une mauvaise session t’aura permis de progresser ou au moins de t’être défoulé, dépensé physiquement.

Il m’arrive de louper quelques bonnes sessions quand je dessine donc quand je sais que ça va être bon, je prends des fois ma planche de surf en plus du râteau!

Que t’apporte cette forme d’art en bord de mer ?

C’est une forme d’art très particulière. Quand j’ai commencé, j’avais un peu en tête de créer une sorte de buzz sur cette plage que des milliers de personnes voient chaque jour en été. C’était une période où j’avais décidé de me consacrer uniquement à l’art; je venais de perdre mon emploi quelques mois avant, couplé à une séparation douloureuse. J’avais envie de vivre pour moi, de faire ce que j’aimais et ne pas perdre ma vie à vouloir la gagner. Une période de chômage m’a permis de prendre ce temps pour au moins essayer car je sais très bien que c’est un milieu difficile, il faut faire sa place, se démarquer, etc.

Faire un grand dessin sur la plage était une manière de se montrer, de faire parler de soi. Je compare le beach art au street art car on utilise un espace publique, notre œuvre est éphémère, elle est facile d’accès, peut diffuser un message, etc.. J’aurais pu ne mettre que mon nom, ma signature régulièrement, comme un tag mais je préférai faire un dessin en plus ou écrire une phrase.

Mon premier dessin était une sorte d’œuf avec la phrase: « la perfection de l’œuf dure »..! Pas très loin se trouvait une femme qui dormait mais loin de tous les autres plagistes, isolée. J’ai du coup dessiné une grande bulle partant d’elle avec les Zzzz… représentant le sommeil, le ronflement dans les BD. Ca a bien fait bien rire ceux qui se trouvaient sur la murette et elle, en partant n’a même pas remarqué !

Le lendemain j’ai réalisé une sorte d’immense diamant en damier qui m’aura pris 3 heures intenses et 3 jours de courbatures. Ce jour là, une femme est passée à côté de moi et m’a dit « merci, merci pour ce que vous offrez ». Cela m’a vraiment fait plaisir, je me suis rendu compte, concrètement, de l’impact de mon travail, que je me faisais plaisir en faisant plaisir aux autres, c’est ça que j’aime dans l’art, une émotion qui en crée une autre, un cercle vertueux.

Cet impact m’a amené à inclure plus de messages dans mes œuvres, souvent écrits mais des fois par le biais de dessins, même si souvent mes œuvres sont abstraites ou juste géométriques, où dans ces cas, je cherche juste la beauté simple, une harmonie générale.

J’ai très vite eu de très bons retours de la part du public présent, quasi à chaque fois des gens viennent me pauser des questions sur le pourquoi de ce travail ou ce que cela représente, certains applaudissent, il y a toujours de l’interaction quand le public est là, c’est pourquoi je pratique le beach art toute l’année. J’aime cependant aussi me retrouver seul, en automne ou en hiver face aux éléments. La phrase « Ici prend vie l’essence des sens » en est un peu l’explication, le leitmotiv: la vie est née dans l’eau, l’océan et quand je suis seul sur cette plage, mes 5 sens sont en action, même le goût de l’air salé est perceptible et certains jours peuvent vraiment être grisants ; on a une pleine conscience de soi, c’est vraiment très différent que de peindre une toile au format défini dans un atelier qui est toujours le même, avec la même lumière.

Sur la plage, chaque fois est unique et différente, je n’ai quasiment de limite que le temps. Je pense que le fait que mon travail disparaisse seulement quelques heures après est sa fragilité, mais du coup aussi sa force ! J’ai discuté avec certains artistes qui ne pourraient voir leur travail disparaitre comme cela. Doisneau disait que « la beauté pour être émouvante, doit être éphémère« , c’est une phrase que j’ai écrite sur le sable et qui avait beaucoup plu. C’est très vrai, une fleur est belle pas seulement pour ses couleurs mais aussi pour sa fragilité, comme un papillon qui ne vivra que 2 jours. On ne prête pas la même attention à quelque chose qui ne dure pas, on y fait plus attention, c’est plus intense…et dans mon cas j’ai une nouvelle page blanche le lendemain!

Ce travail me permet de faire des choses très grandes, de m’exprimer largement, de toucher beaucoup plus de monde qu’un autre travail chez moi. J’ai quand même ajouté la photo à ce travail qui est vraiment double, le premier éphémère sur le sable, accessible par tous et le deuxième avec mon regard très personnel dans mes photos et leurs retouches. J’essaie de raconter autre chose que la fresque elle-même. Souvent je ne garderai qu’un partie de l’œuvre, saisirai un enfant jouant avec ou un couple, main dans la main créant une histoire. J’essaye d’amener plus de poésie dans la photo que j’imprimerai, généralement sur de l’aluminium brossé pour sa texture et luminosité particulière (quelques-unes sont exposées à l’hôtel 7b à Biarritz).

Que penserais-tu de séances d’art-thérapie sur le sable ?

Cela pourrait effectivement être intéressant ! J’imagine bien des patients s’essayer, sur ce grand espace en automne ou en hiver à essayer de faire d’immenses cercles le plus parfait possible, forme parfaite par excellence, demandant réflexion, concentration, se situer dans l’espace et prise de conscience, dans ce cas, de son environnement ! J’ai déjà animé un stage de land art où nous avons fini par nous essayer au beach art mais avec des pré adolescents qui ne voulaient pas faire de choses communes, difficile donc. A Jersey, lors de la journée d’ouverture, une cinquantaine de râteaux étaient à disposition et nous avons couvert une plage entière d’un travail commun, de 4 à 74 ans !

En savoir plus sur le travail de Sam Dougados :
http://www.artmajeur.com/dougasam/ ;
– www.artweb.net/dougasam ;
– Page Facebook : http://fr-fr.facebook.com/pages/Sam/133699336644664

Photo aérienne : Carl Court / Photo sur le sable : Stéphane Gimenez.

A propos de l'auteur :

Surf Prevention est le site sur le Surf, la Sécurité, la Santé et l'Environnement.

 

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