Un nouveau drame vient révéler les carences de notre système d’hospitalisation en France. Un patient est mort faute d’avoir été hospitalisé à temps dans un service de réanimation cardiaque.

Cela paraît invraisemblable dans un pays « développé » comme le nôtre au XXIe siècle et pourtant, les conditions de ce nouveau décès n’étonneront pas outre mesure ceux qui travaillent dans les services d’urgences-SAMU de France et de Navarre…

Pour avoir été longtemps interne dans un service d’urgences et pour réguler en tant que médecin généraliste de la « permanence des soins » au SAMU, je parle en connaissance de cause…même si j’exerce dans une zone plutôt bien dotée en hôpitaux, cliniques, médecins généralistes et spécialistes mais qui connaît quand même des difficultés pour faire accéder les patients à des hospitalisations d’urgence ou à des consultations dans des délais raisonnables à l’hôpital.

Que s’est-il passé pour ce malheureux patient victime d’un malaise cardiaque ? Le SAMU est intervenu à temps mais les médecins ont ensuite dû batailler pendant des heures en contactant pas moins de 24 hôpitaux (!!!) pour trouver une place dans un service pouvant réaliser une coronarographie. Cette perte de temps aurait été fatale au patient (ou lui aurait fait perdre des chances de survie) alors que chaque seconde comptait…

Il faut savoir que les urgentistes passent presque plus de temps au téléphone qu’à soigner les patients. Et chaque coup de fil peut durer de longues minutes… On laisse parfois sonner dans le vide plusieurs fois ( l’infirmière débordée du service ne peut pas non plus passer son temps à faire le standard pour combler le manque de secrétaires).
Le médecin : « – Bonjour, auriez-vous une place pour Monsieur…? »
L’infirmière : – « Non, désolée, nous sommes complets ce soir… »
Le médecin : – « Tant pis merci, je vais essayer ailleurs… »
Bis repetita parfois plusieurs (dizaines de) fois de suite…

A l’heure de l’informatique et d’Internet, il n’y a pas de logiciel fiable aux urgences qui peut donner en temps réel et instantanément la solution d’hospitalisation la plus proche au médecin en quête d’un lit d’hospitalisation pour son patient. Le système actuel est le système D : on fait un état des lieux des lits disponibles à un moment donné dans la journée mais si une place se libère (sortie d’un patient, transfert, décès…), on ne le sait pas avant le prochain décompte des lits…

Et pourquoi n’y a-t-il plus de place dans les hôpitaux ? Parce qu’on cherche à les rentabiliser à tout prix ! Pour qu’un hôpital soit rentable au maximum, il faudrait qu’il soit plein en permanence (comme un hôtel) avec un turn-over maximum (on recherche la durée moyenne de séjour la plus courte pour les patients même s’ils reviennent comme des « boomerangs » à l’hôpital car parfois insuffisamment rétablis à leur sortie).

Mais en matière de santé, il peut y avoir des imprévus comme une catastrophe (cf. la canicule) ou une épidémie. Déjà qu’on n’arrive pas à faire hospitaliser les gens en temps normal, où hospitaliserons-nous les patients si demain une épidémie de grippe aviaire se déclare ? Les leçons de la canicule n’ont pas été retenues et les promesses de l’époque n’ont pas été tenues.

C’est exactement ce que dénonce le docteur Patrick Pelloux (cf. vidéo Daily Motion ci-dessus), président de l’Association des Médecins Urgentistes de France... Mais le mouvement de grève qu’il a initié depuis plusieurs semaines n’a aucun retentissement car les soignants sont réquisitionnés et assurent les soins quasi normalement, ce qui n’a aucun impact sur le grand public (contrairement à une grève des transports en commun par exemple)…

Que dit Madame la Ministre Roselyne Bachelot ? Tout va très bien Madame la Marquise ! Il y avait soi-disant 11 lits le soir du décès du patient… Eh bien mazette, 11 lits de réanimation pour toute la population de la région parisienne, soit 11 millions d’habitants… Et le jeu pour les urgentistes consistait à les trouver : sauf que ce jeu aurait conduit à la mort d’un patient et, qui sait, peut-être à de nouvelles gardes à vues de soignants… Ce sont encore « les lampistes » qui vont servir de bouc émissaire…

La solution : des moyens conséquents (humains et financiers) pour la santé en général et les hôpitaux en particulier. Et oui, la santé va coûter de plus en plus cher au fil des années du fait du vieillissement de la population notamment. Il faut accepter cette réalité comme préalable à la mise en route de toute politique de santé, plutôt que de couper toujours plus les vivres à l’hôpital, aux médecins, soignants,… et en demandant aux patients de se serrer la ceinture et de prendre « une bonne mutuelle ».

Ce sujet d’actualité concerne tout le monde, les surfeurs qui lisent ce blog y compris, car ils peuvent très bien être demain victime d’un accident grave ou d’un malaise cardiaque et nécessiter une hospitalisation.

N’hésitez pas à réagir à ce sujet en postant vos commentaires.

G.B.

A propos de l'auteur :

Surf Prevention est le site sur le Surf, la Sécurité, la Santé et l'Environnement.

 
 

2 Commentaires

  1. Lily dit :

    Bravo pour cet article qui ne parle pas la langue de bois. Il faudrait que de plus en plus de voix parmi celles des médecins fassent écho à ce genre de propos. C'est quand même dingue qu'on puisse mourir en France faute de soins et il paraît que ça arrive plus souvent qu'on ne le pense, mais que les média ne s'emparent pas toujours de ce genre d'affaires… parce que personne ne s'en vante…

  2. wazagreg dit :

    Pour y avoir aussi travaillé longtemps (urgences ET réanimation), je pense qu'un ou deux millions d'euros n'auraient pas sauvé ce pauvre homme… l'Hopital souffre d'un manque d'organisation évident : la preuve : 11 lits de réa disponibles qui coutent très cher meme s'ils sont vides (l'hopital paie le personnel et le plateau technique pour rien quand ces lits sont vides, et c'est dans le cas présent plusieurs milliers d'euros qui partent en fumée en une journée) et aucune organisation pour en avertir le SAMU au bon moment !!! C'est un cas typique de dysfonctionnement d'organisation, comme on en voit tous les jours à l'hopital… l'organisation hospitalière serait probablement de bien meilleure qualité si le manque à gagner en cas de dysfonctionnement de ce genre était automatiquement répercuté sur le salaire de tous ceux qui y travaillent (comme c'est le cas dans les structures privées) !!!

    J'ai moi aussi régulièrement à solliciter des places en réanimation, et je perds mon temps à le faire, pour apprendre ensuite que les places étaient parfois disponibles dans la structure contactée : trouvez-vous cela normal ?

    Il est plus facile d'envoyer une lettre afin de demander des millions à l'état (c'est à dire à nous), plutôt que d'organiser des réunions afin de réflechir à une réorganisation meilleure…

    Plutot que de demander encore d'autres enveloppes budgétaires, peut etre serait il judicieux de commencer par cibler les multiples exemples de gachis organisationnel à l'Hopital, vous ne croyez pas ???

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