Darryl est un surfeur de grosses vagues, de très grosses vagues.

Il est entré dans la légende en remportant à trois reprises une prestigieuse compétition de « big wave riding » sur le spot tant redouté de Mavericks.

Pour accomplir de tels exploits, il a enduré des chutes terribles de déferlantes hautes comme des immeubles ; il est parfois même resté sous l’eau le temps que plusieurs vagues passent sur lui, au point d’implorer le Ciel de le laisser remonter à la surface….

Mais le plus gros bouillon de sa vie, il ne l’a pas pris dans les vagues : c’est l’enfer de la drogue qui a failli le noyer.

Darryl avait pourtant toutes les cartes en mains pour réussir : son talent pour dévaler des pentes liquides ou pour s’envoler en « aérial » au-dessus des vagues lui ont valu la reconnaissance de ses pairs et un sponsoring par de grandes marques de surf. 

Darryl gagnait plus de 12 000 dollars par mois au top de sa carrière ! Le surf et la gloire l’ont amené à faire la fête. Mais la fête a dérivé vers l’alcoolisme et la toxicomanie. Scénario malheureusement trop classique chez de jeunes athlètes livrés à eux-mêmes et qui ne savent pas quoi faire de leur vie à côté du sport et de tout leur argent.

Comme d’innombrables surfeurs de sa génération, Darryl a été victime de la normalisation de l’alcool et de la consommation de drogues pendant les soirées : « prendre de la drogue était considéré comme fun et était plutôt bien vu dans mon groupe d’amis » témoigne-t-il.

Il a également subi l’inaction des responsables du « monde du surf » qui ne pouvaient pas ignorer les problèmes d’addictions des jeunes surfeurs mais qui n’ont jamais rien fait pour s’attaquer à ce fléau qu’est la drogue.

Darryl a pris sa toute première vague à Mavericks sous acide. Il a ensuite sombré dans la spirale infernale de la consommation massive d’alcool, de cannabis et de drogues diverses.

Pendant ce temps, les medias du monde entier le donnaient en exemple pour ses exploits : les jeunes surfeurs (dont je faisais partie) avaient un junkie comme modèle, mais ils n’en savaient rien. Ils ne l’ont appris qu’en 2009 par voie de presse, une fois la carrière de Darryl terminée (cela rappelle l’histoire du tennisman André Agassi qui vient d’avouer avoir consommé lui aussi de la méthamphétamine pendant sa carrière).

Avec le recul, on peut se demander s’il aurait eu le courage de surfer de si grosses vagues sans être sous l’effet de la dope. Les aveux de plusieurs big wave riders – dont ceux de Peter Mel – sur leurs addictions relancent le débat sur le dopage chez les surfeurs. Et le grand déballage ne fait peut-être que commencer.

Les surfeurs de la génération de Darryl ont été victimes dans les années 2000 des ravages de la méthamphétamine.

Sa consommation de « crystal meth » a atteint son maximum après une blessure en surf suite à une chute en 2004 sur le spot de grosses vagues de Waimea Bay.

Sous l’effet de sa polyconsommation de drogues, Darryl a plus récemment été victime d’un grave accident pendant une soirée. Il a fait un malaise et a chuté d’une vingtaine de mètres d’une falaise à pic. Il a survécu avec une mauvaise fracture au bras qui a compromis sérieusement ses talents de surfeur à la rame.

Puis Darryl a tout perdu quand la crise a frappé : ses sponsors, son logement et il a été contraint de vivre dans son camion avec son amie et ses deux chiens.

Quand il a touché le fond et qu’il a enfin pris conscience de la peine qu’il faisait à ses proches, il s’est lancé dans une cure de désintoxication.

Il y est entré accro à la dope, il en est ressorti « clean » et avec un projet.

Flea a mal vécu le manque d’activité physique proposée pendant sa cure. Il a eu l’idée de créer sa propre structure de désintoxication en y ajoutant ce qu’il sait faire le mieux : du surf !  Le concept est d’utiliser le surf et l’Océan pour aider les patients à sortir de leur addiction. FLEAHAB propose à des toxicomanes une cure classique couplée à des activités physiques comme le surf. Les sensations procurées et les endorphines sécrétées sous l’effet de la pratique du surf remplacent avantageusement les effets artificiels et néfastes des drogues.

Darryl apporte son expérience pour aider les patients à sortir de leur addiction et il sait de quoi il parle : « tu ne peux pas arrêter la meth du jour au lendemain », « la vie paraît plus difficile quand on est sobre » déclare-t-il. Mais il espère que son action au sein de FleaHab permettra de l’ancrer définitivement dans une vie sans paradis -ou plus exactement enfer – artificiel.

Amener d’anciens toxicomanes à l’eau est comme apprendre à faire du surf à nouveau, « voir mes élèves si contents de surfer me rappelle mes débuts » se réjouit Darryl.

Saluons la rédemption de Darryl et souhaitons qu’il surfe cette nouvelle vague de la vie sans drogue avec succès.

Par Guillaume Barucq.

D’après l’histoire du surfer Darryl Virostko dit « Flea ».

Lire aussi l’article  « Surfing as Rehab for Those Fighting Addiction » sur le site Internet du New York Times et le portrait de Darryl dans Surfer Mag.

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