Le surf apparaît sur les plages d’Anglet au début des années 60 sur une côte encore sauvage, quasi rectiligne et en pente douce.

En 1961, les premiers tontons surfeurs angloys (1) pratiquent régulièrement leur passion à toutes les marées sur les vagues de la petite Chambre d’Amour et du Club. Les plages du nord sont, elles, laissées à l’écart car elles ont la réputation d’être dangereuses. Nombreux sont ceux qui y ont perdu la vie en s’y baignant, notamment des soldats allemands pendant la guerre, emportés soit disant par « les lames de fonds » !

En 1963, les tontons apprennent l’existence d’une vague exceptionnelle à La Barre mais accessible seulement à ceux qui ont la chance de posséder une voiture. Le spot marche merveilleusement bien à toutes les marées et tient la houle jusqu’à 3-4 mètres. Il est protégé des vents thermiques par la digue et lissé par le courant de l’Adour. Au début, les locaux auront tendance à surfer les pics de marée haute et laisseront la belle et longue gauche du large fonctionnant à marée basse aux étrangers de passage, plus aguerris, tels des « jésus christ » du surf !

Au même moment, les activités portuaires s’intensifient. Avant 1963, le port de Bayonne pratiquait un simple dragage à l’entrée du fleuve, c’est-à-dire qu’il enlevait tous les ans en moyenne 350 000 m³ de sable(2) pour l’abandonner au large, afin que les bateaux puissent rentrer en toute sécurité. Mais ces derniers étant de plus en plus gros, l’Etat décide de favoriser l’activité industrialo-portuaire au détriment de l’activité touristique fleurissante, en construisant la grande digue du Boucau, appelée aussi digue nord, de 1963 à 1966.

Dans un premier temps, le spot de La Barre est « en feu » et il semble même que les travaux de la digue, avec le nouveau courant sud-nord, bichonnent la qualité du banc. La notoriété de la vague atteint son apogée en 1968, lors des internationaux de surf qui attirent des stars du surf mondial comme Nat Young, Bruce Brown et Wayne Lynch. Mais cette digue, véritable rempart contre la dérive naturelle nord-sud du sable, corrélé maintenant à un dragage deux fois plus important du chenal et à un ramassage intensif de madrague sur la plage, va modifier sévèrement le profil des plages.

Dès 1971, le déclin de la vague de la Barre se fait sentir et les plages d’Anglet reculent par dizaines de mètres certaines années. On remarque des attaques répétées du mur de soutien au sud d’Anglet, avec des effondrements successifs, des déchaussements du perré et l’apparition massive de blocs d’ophites.

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En 1974, des mesures sont prises en urgence. On interdit le ramassage de madrague sur les plages, on construit plusieurs digues afin de protéger le Vvf, le Club, les Sables d’Or et l’hôtel Marinella. On fait systématiquement du « clapage côtier »(3) puisque tout le sable déposé au large crée un déficit sur le littoral par sa disparition. Le rechargement des plages sud entre 1974 et 1990, et la construction des digues entre 1975 et 1977 sur cette zone, permettront de maintenir les fonds et donneront de jolies vagues à proximité des épis de mi marée à marée haute, jusqu’à la fin des années 90. Voir ce shéma.


Joli pic de fin de journée sur la plage du Vvf à marée haute en 1998. (Photo Rico Bayle)

En 1977, afin de stopper la fuite du sable des plages d’Anglet vers l’entrée de l’Adour, l’état décide de construire un nouveau rempart: la digue sud ou digue des Cavaliers.

Cette digue mettra un terme aux quinze ans de règne du surf à La Barre, mais créera au sud de l’épi une belle droite tubulaire sur le spot des Cavaliers. Les anciens diront que la nouvelle droite n’est pas à la hauteur de l’ancienne gauche, mais elle lui volera quand même la vedette durant les deux décennies suivantes.

En 1990, la drague « La Sangsue » part à la retraite après quatre-vingt ans de carrière. Une prestation est alors signée avec un armateur belge pour qu’une nouvelle drague vienne deux fois par an faire le maintien des fonds du chenal de l’Adour. Mais comme sa venue est programmée à l’avance, les conditions climatiques sont généralement inadaptées au clapage côtier. Le pourcentage des volumes ramenés alors sur la côte entre 1991 et 2012 n’atteindront jamais ceux des années antérieures.

Le constat relayé depuis une dizaine d’années est inquiétant : abaissement du plateau de marée basse, disparition des bancs de sables prononcés, déferlement des vagues plus court et plus tendu, présence fréquente d’un back-wash dès la mi- marée. Lire ici.

En 1999, l’effet de la digue des Cavaliers est jugé insatisfaisant. Suite à la disparition d’un bout du musoir quelques années auparavant, le sable la contourne plus facilement et vient ensabler l’entrée de l’Adour jusqu’à provoquer un arrêt du trafic portuaire. L’Etat décide de creuser immédiatement la fosse de garde devant le chenal, afin que le sable venant des plages d’Anglet soit piégé et dragué avant de bloquer le trafic. Cette fosse de garde, induisant un appel de sable par sa proximité, aura un impact significatif sur la qualité des vagues, notamment au du pic des Cavaliers en provoquant à son tour son déclin.

En 2000, une nouvelle digue est construite au milieu de la plage de La Barre : la digue intérieure. Cette dernière construction, dont l’utilité reste encore à démontrer, aura définitivement raison des vestiges de la gauche mythique. Une gauche plus courte et tubulaire voit le jour entre la digue intérieure et à la sortie de l’Adour. Son nom « furoncle » laisse entendre que seuls les plus téméraires osent l’affronter.

En 2003, le tapis bétonné de la promenade des plages a figé le haut de l’estran (4) en une dune artificielle et retient la plupart les sables éoliens. Il y a alors une accumulation de sable fin sur cette zone, ce qui augmente le volume du haut de la plage. En comparaison, une dune landaise recule naturellement quand elle est trop poussée par la mer et par le vent, afin de conserver une pente naturelle. Mais à Anglet, à moins d’une catastrophe, « ce mur de sable » ne reculera plus. Seuls, les bulldozers viennent récupérer une partie de ces sables pour les étaler dans la partie haute de l’estran amplifiant ainsi la pente de la plage depuis dix ans. Au fur et à mesure que la marée monte, les vagues ne touchent plus les bancs de sable de marée basse et viennent s’écraser directement en shore break, faisant apparaître notamment des trous d’eau et des back-wash dès la mi- marée (ce qui rend le bord de mer particulièrement dangereux NDLR). Actuellement, le surf ne peut se pratiquer que de marée basse à mi marée lors des grosses houles, et uniquement à marée basse sur les petites houles.


Automne 2012, plage du Club, la houle est là, mais les vagues n’accrochent plus les bancs après deux heures de montant. Même endroit et même marée il y a dix ans, vous surferiez de jolies vagues. (Photo Bacalao)

En 2004, après la dernière campagne de dragage, le clapage côtier est arrêté suite à une suspicion de pollution constatée quinze jours après sur la Grande plage de Biarritz. La corrélation peu sérieuse de ces faits n’a jamais été démontrée, mais a permis de donner à la ville de Biarritz un bouc émissaire à ses problèmes de pollution et de jeter le doute sur les pratiques de la ville d’Anglet. Quoi qu’il en soit, toutes les conditions sont alors réunies durant les cinq années suivantes pour que le problème des plages et des spots angloys s’accélère. D’ailleurs, une partie des musoirs de la digue des Sables d’Or et de celle de Marinella seront emportés successivement en 2008 et 2009.

En 2010, le clapage côtier est repris en urgence avec un encadrement plus sérieux. Mais les résultats aujourd’hui sont encore décevants. Ils sont insuffisants ne serait-ce que pour stabiliser la situation, et a fortiori pour inverser la tendance !

L’érosion induite par l’homme se poursuit et la qualité des vagues du littoral angloy, elle, continue de « prendre l’eau » ! Alors qu’il constitue d’un véritable héritage historique sur les origines du surf en France et qu’il possède encore le deuxième surf-club de France en nombre de licenciés, le surf angloy subit aujourd’hui une véritable crise qui se répercute sur toute la côte puisque une partie des locaux vont désormais surfer et surcharger les spots alentours, soit en allant plus au nord dans les Landes, soit en allant plus au sud vers Biarritz ou Bidart. Le cas du surfeur angloy devient un vrai paradoxe. Bien qu’il réside dans une ville qui était si réputée pour ses 4.5km de plages il y a encore quinze ans, il doit se muter en voyageur et faire de nombreux kilomètres pour vivre à sa passion.

Victime d’une véritable asphyxie, le littoral angloy n’est-il pas en train de se noyer ? Qui le sauvera ?


Les plages d’Anglet en 2004 avec une côte urbanisée, irrégulière, et une forte pente. Faites le comparatif avec la première photo de l’article : observez le sud Landes, le nord d’Anglet puis le sud d’Anglet)

Article rédigé par l’équipe de SOS-LA. Plus d’informations sur leur blog: http://sos-la.blog.fr

(1) Un grand merci à Jacques Fagalde pour sa collaboration sur les origines du surf à Anglet et pour son soutien sur le constat alarmant du profil des plages angloyes.
(2) Ces 350 000 M3 de sable sont équivalent au volume de la Tour Montparnasse !
(3) Le clapage côtier correspond au déversement de sable en bord des plages par le navire responsable du dragage.
(4) L’estran est la partie du littoral située entre les limites extrêmes des plus hautes et des plus basses marées.

A propos de l'auteur :

Surf Prevention est le site sur le Surf, la Sécurité, la Santé et l'Environnement.

 

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5 Commentaires

  1. amsm dit :

    Excellent article passionnant et instructif. On pourrait raconter quelque chose du genre pour l’évolution du surf à Lacanau, non?
    Merci pour ce site encore et Joyeux Noel à tous les amoureux de l’océan et des vagues.

  2. vincent dit :

    les landes c mieux

  3. compagnon Fred dit :

    le muret est responsable de la disparition des vagues à la piscine, au club et au vvf……quand on était gamin, le sable était 3m plus bas….et il n’y avait pas de plage à marée haute même avec 50 de coef et avec peu de houle, la plage était plate et de sable fin et les vagues étaient dingues…..le sable est monté le long du mur avec les années, en formant une pente….et toutes plages en pente forme un trou au niveau de l’eau et fait partir le sable fin, donc le shorebreak et les bancs de sable plus loin ….par contre maintenant, il y a une plage à marée haute sur plus de 500m..Je suis certain que si des tracteurs poussaient le sable et remettaient le niveau des années 90, le shorebreak de la piscine, du club et du vvf reviendrait de suite…je sais exactement a quel niveau il était grâce a un enrochement qui est enfoui et qui est le niveau d’avant…je suis certain que si l’on remettait des millions de mètre cube de sable devant les plages d’anglet, mais qu’on n’enlevait pas la bosse des plages, les vagues ne reviendrait pas comme avant…. dernière chose, la mairie d’anglet et les bar resto, shop préfèrent des plages ensablées où les touristes peuvent poser leur serviette quelques soient les marées plutôt que des spots de surf que les touristes fuiraient une bonne partie de la journée….je ne pense pas pouvoir me tromper, encore une fois, on remet le sable à niveau comme dans les années 90 et les vagues reviennent…quelques heures de tractopelle…. si le clapage est là, c’est encore mieux..

  4. docnico dit :

    Il me semble que sur la gold coast ils ont créé des hauts fonds de sable paralléles à la côte (distance à préciser) de façon discontinue ce qui permet aux vagues de déferler plus au large aux différentes marées et évite d’avoir uniquement un shore break qui pète au bord.

  5. Lechat dit :

    J’ai surfé la Barre autrefois j’ai connu les plages d’Anglet sans aucune Roch les Seventis quelle idée de mettre toutes ces roches !!

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