Surfer à la Réunion : les risques face aux attaques de requins
Avec une trentaine d’attaques répertoriées depuis le début des années 80, l’île de la Réunion est considérée comme une zone assez sharky. Qu’ils soient bouledogues ou tigres, les requins s’attaquent majoritairement aux pratiquants d’activités nautiques de surface (surf, bodyboard, windsurf…), de temps en temps aux baigneurs et occasionnellement aux plongeurs. Sans être alarmiste, le risque zéro n’existe pas face au caractère imprévisible des attaques. Cependant, lorsque l’on jette un œil sur les attaques passées, quelques tendances permettent aux surfeurs réunionnais d’établir certaines règles. Même si elles ne sont pas toujours respectées quand les vagues « en valent la chandelle », nombreux sont ceux qui s’y fient.
Surfer à la Réunion c’est comme circuler en vélo dans une grande ville : l’accident peut survenir presque partout à n’importe quel moment, mais certains carrefours sont plus dangereux que d’autres. Si on s’intéresse aux attaques survenues depuis 1988, il est possible d’identifier des spots dont les surfeurs et les bodyboardeurs ont appris à se méfier : Le Pic du Diable (St-Pierre), la Ravine Blanche (Etang-Salé), la Pointe au Sel (St-Leu), la Baie de St-Paul, St-Denis ou encore St-Benoît. Tout en gardant en tête que des attaques ont eu lieu sur des spots réputés safe, comme St-Gilles. En règle générale, tous les spots situés aux embouchures de ravines sont susceptibles d’accueillir des requins bouledogues. La Réunion étant une île volcanique, de nombreuses ravines l’entourent.
Les requins bouledogues et les requins tigres sont responsables de la plupart des attaques. En connaissant mieux leurs mœurs, il serait possible de réduire les risques d’accidents. Bien que peu d’études aient été menées sur les requins à la Réunion, des publications scientifiques existent sur ces espèces évoluant dans d’autres pays et peuvent être transposables. C’est le cas pour le requin bouledogue en Floride, en Australie ou encore en Afrique du Sud. S’il est déconseillé de surfer en sortie de ravines, c’est parce que le requin bouledogue naît et évolue jusqu’à environ 4 ans (et 1.4m) dans une eau de salinité particulièrement faible. Ainsi, une bonne partie des requins trouvés dans les ravines est juvénile. Dans les régions étudiées, ils se déplacent très peu et occupent un espace compris entre 1.2 et 4.3 km². Dans cette nurserie idéale qu’est l’estuaire ou l’embouchure, son but ultime est de croître. Il alloue toute son énergie à cette fonction, au détriment des autres. Toute économie est bonne à prendre. C’est pourquoi il se déplace en fonction de quelques paramètres environnementaux. Concernant la salinité, le juvénile excrète mal le sel contenu dans l’eau de mer. Cette opération appelée « osmorégulation » est coûteuse en énergie. Il préfère donc se déplacer pour rester dans des eaux comportant entre 7 et 17 mg de sel par litre (contre 33 pour l’eau de mer). Ainsi, quand il y a de fortes pluies et que les ravines se gonflent, la salinité change et pousse les requins vers les embouchures où la salinité leur convient mieux.
Côté oxygène, qu’ils soient tigre ou bouledogue, ils respirent tous de manière passive. Pour oxygéner leurs branchies sans faire d’effort, ils aiment se caler sous la houle. Le requin bouledogue se balade aussi avec les courants de marée. Il monte avec la marée et redescend aussi avec elle. Les deux espèces de requins sont opportunistes et mangent quand ils ont faim. Ils chassent plutôt la nuit entre le coucher du soleil et son lever. Une période dangereuse pour surfer. Dotés d’une mauvaise vision, ils ne sont pas habiles en eaux troubles et les erreurs d’appréciation sont plus fréquentes. Ils sont attirés par les contrastes et la brillance. Certains recommandent ainsi –sans que ce soit un bouclier anti-attaque- de choisir des couleurs sobres pour aller à l’eau (tenue, planche, palmes…).
Bons chasseurs, ils sont capables de repérer de très loin une goutte de sang à l’aide de leur odorat. Les requins sont capables de repérer les animaux faibles ou en détresse. C’est pourquoi, il faut ramer ou palmer calmement en présence de requins (difficile au pic, lorsqu’on veut prendre une vague !). Comme tout est bon à se mettre sous la dent, les dispositifs de concentration de poisson (comme celui de la baie de St-Paul) installés pour la pêche les attirent, tout comme les zones d’aquaculture. Enfin, lors de leur période de gestation, les femelles bouledogue jeûnent. Affamées, elles se jètent sur la nourriture après leur mise-bas. Beaucoup de mœurs influençant la probabilité d’attaque et permettant d’en réduire le nombre, si on en tirait des mesures de prévention effectives.
Compte tenu de la localisation des spots et des mœurs de ces derniers, les attaques envers les surfeurs ne sont pas rares à la Réunion. Voici un récapitulatif non exhaustif des attaques de requins recensées depuis 1988.
15 juin 2011 : le bodyboardeur Eddy Aubert est attaqué à la tombée de la nuit par plusieurs requins à moins de 200m du rivage, sur le spot de Boucan-Canot. Avec un bras sectionné, une morsure au flan du torse et à la cuisse, il décèdera par hémorragie. Les jours précédents, de fortes pluies ont été enregistrées.
19 février 2011 : le surfeur Eric Dargent est blessé en fin de journée par un squale à Grand-Fond sur le spot de Trois roches. Sa jambe gauche est arrachée à hauteur du genou. L’eau était particulièrement trouble ce jour là, dû à de fortes pluies.
27 mars 2010 : un surfeur prénommé Olivier a subi une attaque de requin tigre d’1.5m en fin de matinée. Il se trouvait à 50m du bord, sur le spot du Butor à Saint-Benoît. Il sort de l’eau avec quelques blessures à la hanche et un grand trou dans la planche qu’il a utilisé pour se défendre. L’attaque à eu lieu à proximité d’une embouchure de rivière, où l’eau est souvent trouble.
5 juillet 2007 : le bodyboardeur Vincent Bouju est attaqué par un squale de moins de 2m en plein après-midi sur le spot de Boucan Canot Il s’est fait mordre à la cuisse et au genou, ses plaies sont superficielles. Pour s’en sortir, il s’est débattu en donnant des coups de pieds et s’est réfugié sur une patate de corail. Le temps était « gris », la luminosité faible et l’eau apparemment claire.
27 août 2006 : le bodyboardeur Gérald Préau a été victime d’une attaque de requin sur le spot des Aigrettes à Grand-Fond, au coucher du soleil. Il a subi une lacération du pied et du mollet droit, sa palme a été arrachée. Il était seul à l’eau.
20 août 2006 : le surfeur Sébastien Edmond est mordu à l’épaule, à 80m du bord, à 11h30, à la Pointe du Diable (dès qu’il y a de la houle sur ce spot, l’eau est brassée jusqu’au fond et devient trouble). Son bras fut arraché, il décèdera des suites de ses blessures. Ils étaient deux à l’eau.
6 octobre 2004 : le bodyboardeur Vincent Motais de Narbonne est attaqué par un requin tigre de plus de 4m à 16h30 sur le spot du Tiparis au Pic du diable à St-Pierre. Sa jambe a été arrachée. L’eau était très claire.
27 mars 2004 : le bodyboardeur Rémi Lorion est attaqué à 17h30 sur le spot de la Gare à St-Benoît par un requin tigre d’environ 2.5m. Le squale a mordu sa cuisse sur 40cm de diamètre. L’eau était trouble ce jour là.
8 septembre 2000 : le surfeur Karim Maan a été mordu au bras gauche par un requin tigre de 3m au Pic du Diable à St-Pierre. L’accident eut lieu au coucher du soleil, à 80m du bord. Ils étaient 3 à l’eau.
20 février 1997 : le surfeur Laurent Lebon est blessé à la main par un squale devant la plage de l’Etang-Salé.
10 janvier 1996 : le surfeur Grégory Bénèche est tué par un requin tigre (300Kg) à 15h30 dans la baie de Saint-Paul. La pluie était abondante les jours précédents et l’eau était boueuse.
16 septembre 1995 : le windsurfeur Jérôme Pruneaux meurt d’une morsure de requin tigre à St-Denis.
9 juillet 1994 : le windsurfeur Thierry Boulay est tué par un requin au Barachois à Saint-Denis.
28 juin 1992 : le bodyboardeur Thierry Mercredi est attaqué et tué par un requin au large du cap la Marianne, en baie de St-Paul.
22 mai 1992 : le surfeur Emmanuel Nativel meurt d’une attaque de requin survenue vers 14h30 dans la baie de St-Paul.
1er juillet 1991 : le surfeur Alain Curcollova est amputé du bras gauche suite à une attaque de requin tigre à la Ravine-des-Sables, à Etang-salé les bains. Il s’est battu contre le requin et y laissera quelques doigts et orteils.
5 mars 1990 : le surfeur Wagner Cataldo-Beugleu est mordu à la hanche par un requin tigre à Ste-Suzanne vers 17h45.
19 juillet 1989 : le surfeur Bruno Giraud est happé et tué par un requin à Ste-Suzanne vers 17h.
14 mars 1988 : le surfeur Frédéric Mousseau est blessé à la main par un requin à la Pointe-du-Diable (St-Pierre) vers 17H30.
Texte : Anne-Kristell Jouan.
16 Commentaires
" 10 janvier 1996 : le surfeur Grégory Bénèche est tué par un requin tigre (300Kg) à 15h30 au niveau de l’embouchure de l’Etang-Salé" : ou est cette embouchure ? . Ne s'agit il pas plutôt de l' étang saint paul ?
le pont tout simplement
Bonjour,
Merci pour cette synthèse d'information (sources?).
Je vous signale cette erreur :
– 22 mai 1992, il ne s'agit pas d'un surfer à Saint-Paul, l'attaque fatale a eu lieu à Saint-Joseph, Emmanuel Nativel est tombé d'une falaise alors qu'il marchait le long du littoral. Blessé il a été entraîné vers le large par un ou plusieurs requins.
Effectivement Pascal, il semble que l'attaque ait eu lieu en baie de Saint-Paul. Nous avons corrigé cette erreur.
"En connaissant mieux leurs mœurs, il serait possible de réduire les risques d’accidents." … oui, et après? TOUT LE MONDE SAIT A LA REUNION QU'IL NE FAUT PAS SURFER QD L'EAU EST SALE, QUE LES RAVINES ONT COULE, TOT LE MATIN ET EN FIN DE JOURNEE!!!! Ils veulent quoi tous ces gus qui courent après une étude? Qu'on leur reconfirme par une belle étude effectuée par l'IFREMER?? Ils pensent peut-être qu'on va leur démontrer que ce ne sont finalement que des conneries??
Soyons sérieux 2 minutes sur cette île, une étude ne changera rien aux comportements que nous devons adopter fasse au risque requins, elle permettra juste de mieux protéger ces bestiaux qui en ont bien besoin.
Lorsque le surfeur marseillais a été attaqué à 3 Roches en Février, tout le monde a tiré à boulé rouge sur ce garçon et sur son inconscience d'avoir été se mettre à l'eau dans ces conditions, et là dans des conditions méchamment similaires, on a une bonne partie de la communauté surf qui ne comprend pas et qui demande une étude … elle est belle l'île intense (…)
oh! pas vraiment comparable pour ton dernier chapitre.
par contre je sors d'une réunion de plus de 4 heures à la préfecture:
-pas pu placer bcp de questions
– effarent un budget de 635 k€ alloué pour les scientifiques histoire de mieux comprendre le requin Réunionnais.
– +/- 50 k€ pour l'ouverture des plages de boucan et des roches à la baignade
– 0 € et aucune mesure pour les actions propres de sécurisation des activités nautique sauf quelques euros pour la ligue.
donc nous avons à faire à un gros lobby scientifique "charc" et "réserve marine" des quels il faudra attendre les bilans pour voir une action concrète se profiler.
tous dans le même panier. ils s'amusent et nous, nous sommes juste des statistiques d'étude au même niveau que les poissons.
ce n'est pas prés de changer…
que dieu nous prothèse…
Complètement d'accord avec Vincent 974.
Cet article a le mérite de vouloir s'attarder sur le mode de vie des requins au delà de la nuit et des eaux troubles.
Mieux connaitre entre autres les périodes de reproduction et gestations des requins à la réunion pourrait être une clé pour diminuer encore plus les risques de rencontres malheureuses…
je me permet de citer des passages de l'étude de l'ifremer qui me semblent assez intéressantes:
"Il est recommandé l’introduction à La Réunion d’un programme de pêche à la drum-line bien structuré et scientifiquement suivi. La pêche à la drum-line est écologiquement plus acceptable et durable que celle aux filets, plus rentable économiquement et, d’après l’expérience sud-africaine basé sur des séries de données considérables, prouvée être aussi efficace que les filets.
Un programme de drum line fournit un certain nombre d’opportunités pour rechercher et
améliorer la rencontre de requins. Les facteurs favorables à sa mise en place sont :
– une grande efficacité à détecter et capturer les grands requins résidents qui sont les plus dangereux pour les hommes
– une sélectivité envers les grands prédateurs, afin que le niveau des captures accessoires d’animaux inoffensifs comme les requins plus petits, les dauphins et les tortues soit virtuellement ramené à zéro ( une mise en oeuvre facile, un faible coût et la possibilité d’arrangements contractuels pour le suivi opérationnel par les pêcheurs locaux."
"Les requins capturés devront être ramenés à la côte, même si le pêcheur est persuadé de l'identification de l'espèce capturée. L'expérience a montré que ces animaux sont souvent mal identifiés en mer. De cette manière aussi, d'autres données biologiques pourront être collectées, et un suivi de population halieutique pourra être correctement mis en place à La Réunion. Si des animaux sont relâchés (comme des requins inoffensifs capturés vivant pendant les étapes ultérieures du programme), ils devront être marqués. Ces marques pourront être fourni par l'ORI si nécessaire. Un programme de marquage et de suivi par balise radio pourrait être mise en oeuvre pour déterminer les caractéristiques des populations résidentes locales et leurs relations avec les populations du large."
un lien vers un blog qui donne accès à l'étude de l'ifremer:
http://etude-risques-requin-reunion.blogspot.com/
Très intéressant comme article à propos des comportements des requins, malgré de nombreuses inexactitudes sur la géographie Réunionnaise… et à propos des outils de pêche ou d'aquaculture.
Nous avons tous bien compris que la visibilité dans l'eau et la présence d'eau douce (et des divers résidus transportés par les pluies)sont des circonstances aggravantes du "risque requin", mais il faut également prendre en compte LE STRESS de certaines personnes qui sont au pic avec vous… et qui est particulièrement bien perçu par ces redoutables prédateurs dont nous ne connaissons pas grand choses.
p.s. cela fait 35 ans que je surfe dans l'océan indien et il y a des endroits ou je ne me mettrai JAMAIS à l'eau !!! Il faut être suicidaire pour essayer de surfer hors des zones récifales (le nord et l'est)et renseignez vous bien sur les zones où des pêcheurs vident leurs prises et à la présence d'abattoirs (en particulier à Madagascar…)
Effectivement. La célèbre "roche fortaise" à Madagascar. Dans les années 60 nous savions qu'il fallait juste regarder comment nos amis malgaches nourissaient les requins. Malheureusement à Tamatave, le panneau "attention, requins, courants" qui était face au port ne servait à rien. Les petits militaires qui venaient de l'héxagone ne comprenaient pas qu'on ne pouvait se baigner dans cette mer si bleue et si profonde lorsqu'il faisait 40° dehors. Petite je disais à mes parents : "c'est normal que les requins les mangent c'est parcequ'ils ne les connaissent pas!!! A + de 50 ans, je ne dis plus ce genre d'âneries les requins avalent tout ce qui passent devant leur gueule……..
Le constat est là, de toutes les dernières attaques recensées, combien concernent des attaques de baigneurs évoluant dans des zones fréquentées et prévues à cet effet et aux heures conseillées ? Réponse => aucune ! Et pourtant, quel message est véhiculé par les médias ? => la Réunion est la xème zone la plus dangereuse au monde en terme d'attaques de requins. Merci amis surfeurs et autres inconscients en tout genre de nous donner cette image internationalement !
Bonjour,
je vais partir 2 semaines en vacances a la reunion et je voudrais savoir si les plages avec massif coralliens étaient sans risques d'attaques de requins. Sinon, les plages où il y a déjà eu des attaques graves (comme boucan canot) et les plages hors des massifs coralliens, est ce très dangereux de s'y baigner? Merci
Bonjour,
Je surf à la réunion depuis longtemps maintenant. aucun risque si tu surf ds les clous …. et la baignade est possible partout…faut juste faire un peu attention.
je surf et je suis contre la pêche des requins, vive la biodiversité : arrêtez de donné une image d’idiot blond et écervelé a tous les surfeurs réunionnais (même si dans cette crise certaines de leurs réactions étaient excessives je l’admets), et cessez de dire qu’on donne une mauvaise image de la réunion… sans nos champions de surf l’ile serait pas autant connu ds le monde. Personne n’est ds le vrai, c’est pas blanc ou noir comme histoire.on doit protéger les requins, les surfeurs (dont je fais parti) doivent accepter le risque et prendre plus de précautions. Les personnes qui rejettent la faute de la mauvaise image de l’ile sur les surfeurs doivent comprendre que c’est une passion qui anime de nombreux réunionnais (zoreille ou local) depuis des décennies: cela fait partie de l histoire de la réunion et de son identité aujourd’hui.
Et j’aimerais dire au Journaliste d’arrêter d’alimenter la psychose qui fait du mal a l’ile et divise les réunionnais.
Entre Les traumatisés des dents de la mer, les accros de TF1 et les haineux contre les surfeurs on a un beau panel de couillons sur ce forum. sans oublier le surfeur sans cervelle qui veut tuez tous nos beaux poissons (je le répète car on va dire que je suis pas objectif) arrêtez de regarder juste devant votre porte et voyez plus loin et plus large ! chacun protégé son bout de gras .. c’est pitoyable et çà ne réglera pas le problème.
Bon t’es sympa toi : tu m’expliqueras comment tu fais pour surfer « dans les clous » : avec des lunettes, un harpon et si y’a pas de vagues car maintenant on ne doit plus surfer quand il y a des vagues. Non : il est devenu quasi-impossible de surfer à la Réunion où le risque est 1000 fois plus important qu’en Australie par exemple…
Et personne n’est pour dézinguer tous les requins de l’Océan : seulement la dizaine de bouledogues femelles prêtes à mettre bas et à attaquer tout ce qui bouge…
pfff….