Plage de Penfoul, Finistère nord. Gwen, le nouveau « waterman testeur » du spot s’apprête à prélever des échantillons d’eau de mer pour alimenter le réseau de suivi complémentaire de la qualité de l’eau initié par Surfrider en Bretagne. En tant que président du Tomahawk Surf Club, il juge que « c’est important de connaître la qualité de l’eau dans laquelle on ride ». Ayant un peu plus de temps cette année, il a choisi de l’investir auprès de Surfrider « pour que tout le monde puisse suivre l’évolution de la qualité de l’eau dans notre secteur ! ». Entre deux averses, Lucas Vergnes et Marie-Amélie Néollier de Surfrider Bretagne vont le guider pour son premier prélèvement et convoyer les précieux flacons à l’IDHESA, le laboratoire départemental d’analyse de l’eau.

Une action citoyenne réalisée de manière professionnelle

Pour asseoir sa crédibilité et sa légitimité, Surfrider suit un protocole strict de prélèvements et d’analyse des échantillons, mis en place par le Ministère de la santé. C’est le même qu’utilise l’Agence Régionale de Santé (ARS), en charge du réseau de suivi de la qualité de l’eau pour le compte de l’Etat. Les prélèvements se font deux heures avant ou après la pleine mer. « Les points d’échantillonage se trouvent souvent en fond de baie, si la mer est haute elle stagne et cela peut fausser les résultats » précise Marie-Amélie.

La combi enfilée et les flacons en main, Gwen écoute les derniers conseils de Lucas « N’oublie pas, tu dois ouvrir et fermer le flacon sous l’eau, pour limiter la contamination qui pourrait venir de l’extérieur. Le prélèvement se fait entre 40 et 70 cm en dessous de la surface de l’eau ». Un aller-retour et notre waterman revient avec ses deux flacons. Le premier porte un bouchon rouge et servira l’étude bactériologique. Le second, au bouchon bleu, est destiné à l’analyse de la salinité. De retour à la voiture, Gwen range les échantillons dans la glacière et remplit la fiche de prélèvement. Direction et force du vent et de la houle, température de l’eau et de l’air, coefficient et hauteur de la marée, dernières pluies enregistrées et conditions météo sont soigneusement notés. Départ sur le champ pour le laboratoire d’analyse. Il reste six heures pour traiter les prélèvements.

Les bactéries, ça se cultive !

En Finistère, c’est le laboratoire IDHESA qui a été choisi par l’ARS pour analyser le contenu bactériologique (d’Escherichia coli et d’entérocoques intestinaux) des échantillons. C’est un laboratoire public financé par son propre chiffre d’affaire. Laurent Legent, responsable technique du service microbiologie des eaux, réceptionne les échantillons et leur attribue un numéro d’identifiant. Et c’est parti, ID3423 et ID3424 s’engagent dans un labyrinthe où la circulation se fait à sens unique.

Première étape, le frigo pour patienter avant le traitement, si besoin. Nos flacons se retrouvent ensuite sur la paillasse du technicien. Dans un premier temps, le taux de salinité de l’échantillon est vérifié (souvenez-vous, le flacon au bouchon bleu !). Pour analyser la présence de bactéries dans l’eau contenue dans le flacon à bouchon rouge, il faut au préalable la diluer. Suivant la salinité de celle-ci (qui varie avec le lieu de prélèvement), la première dilution se fera à l’eau distillée (si la salinité est faible, comme sur les points de prélèvement proches des rejets d’eau douce) ou à l’eau de mer artificielle. Ceci permet de respecter le milieu dans lequel évoluent les bactéries, afin de préserver l’intégrité des cellules (si le milieu extérieur est trop salé, les bactéries risquent d’éclater et biaiser l’analyse). Une fois les dilutions achevées, le technicien saisit sa « pipette multicanaux » et prélève d’un coup 8 fois 200µL. Après 12 prélèvements, les 96 puits de la microplaque (rectangle composés de trous pour accueillir la solution) sont remplis. Un film transparent par-dessus, un étiquetage et voilà les microplaques (une pour les E.coli, l’autre pour les entérocoques intestinaux) enfournées à l’étuve pour une incubation d’environ 44h. Avec une température de 44°C et un milieu de culture comportant des sucres associés à un composé fluorescent, les conditions sont optimales pour le développement d’E.coli. La bactérie possède d’ailleurs une enzyme spécifique à la dégradation de ces sucres. Si les bactéries sont présentes, elles laisseront derrière la dégradation des sucres une fluorescence visible sous lampe UV, prochaine étape de l’histoire. « 1,2,3,…., dans la chambre de lecture, il suffit de compter les puits fluorescents (donc positifs à la présence d’E.coli) et de se rapporter à la table de lecture. Elle donne, suivant la loi statistique de Poisson, les résultats du nombre le plus probable de bactéries dans 100mL d’eau » explique Laurent Legent.

Pour Penfoul, ce jour-là, seulement 994 germes de bactéries pour 100mL. L’eau est donc de mauvaise qualité pour la baignade. A la réception des résultats, Lucas s’empresse de les mettre en forme pour une diffusion en ligne afin d’informer les usagers de la qualité de l’eau dans laquelle ils évoluent.

Photo : Gwen lors du prélèvement à Penfoul… entre deux averses (véridique !)

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