Le sujet est encore extrêmement sensible dans la communauté des surfeurs de La Réunion toujours meurtrie par la série d’attaques de requins, mais aussi en Australie, où les méthodes « radicales » de l’ONG Sea Shepherd sont dénoncées par une partie grandissante de la communauté surf. Alors que les surfeurs sont de fervents défenseurs de l’océan et de la vie marine, ils sont injustement montrés du doigt.

Ce qui a choqué ces derniers mois, c’est qu’avant de s’attaquer à des problèmes globaux (comme la surpêche de poissons réellement menacés d’extinction ou les méthodes de pêche meurtrières), Sea Shepherd a semblé privilégier des sujets médiatiques à haut potentiel de buzz et prendre pour cible des populations ou des communautés, comme l’a montré l’exemple de la stigmatisation des surfeurs à La Réunion par une campagne publicitaire insultante.

Dans cet article intitulé « Fuzzy-Wuzzy Whales And The Sea Shepherd » publié cette semaine sur le site Australian Surfing Life et qui a généré des centaines de commentaires, l’auteur suggère que sous le prétexte de défendre nos amies les baleines, un sentiment de xénophobie envers le Japon a été généré. Les Japonais sont maintenant considérés par une partie du monde occidental comme les « méchants » qui « massacrent » les baleines. C’est caricaturer la réalité. L’article souligne que des pays du nord de l’Europe sont de grands pêcheurs de baleines, sans déclencher les mêmes réactions d’hostilité. L’article pointe du doigt la vraie question : doit-on s’insurger contre la pêche à la baleine en elle-même ou contre le fait que cette pêche menace la survie de l’espèce ? Dans le premier cas, il faudrait l’interdire totalement ; dans le second il faudrait définir des quotas, et les faire respecter, pour assurer la survie de l’espèce.

La même question pourrait se poser à La Réunion : faut-il exclure toute pêche de requin, y compris des espèces potentiellement dangereuses et non menacées ? Ou pourrait-on imaginer une pêche au requin encadrée et  « durable » ?

La seule évocation de la pêche au requin provoque immanquablement une vague de réactions hostiles de la part de certaines associations de défense de l’environnement (cf. polémique suite aux propos de Patrick Flores). Et pourtant, il faudrait bien se poser la question si l’on ne veut pas voir se développer la population de requins agressifs à proximité des côtes (alors que nombre d’espèces de poissons sont menacées au large, sans que personne ne s’en préoccupe…)

Cela a été dit et répété. La pêche au requin n’est pas LA solution miracle contre les attaques. Il faut aussi s’intéresser aux autres facteurs potentiels, comme les causes environnementales qui peuvent favoriser ces attaques.

Ceci étant, peut-on exclure totalement la pêche du requin d’un plan de prévention des attaques ? Quid des drumlines ? Si aucune solution miracle n’existe, toutes méritent d’être débattues sans stigmatiser les uns ou les autres.

Sea Shepherd ne veut même pas entendre parler de la pêche préventive d’un requin. Pire, elle a entretenu la confusion – en jouant sur la fibre sensible des gens – entre le massacre des requins (auquel tous les surfeurs sont opposés !) et la pêche ou leur capture préventive. Ce faisant, elle fait l’amalgame entre des barbares des mers capables de mutiler des requins par centaines pour en arracher leur aileron et des pêcheurs ou des surfeurs qui ne font que leur métier ou qui réfléchissent à des moyens de protéger leurs camarades et leurs enfants.

Pour certains, les attaques de requins ne sont pas un problème… Le problème serait le surfeur inconséquent qui s’aventure dans « le territoire du requin »…

Pour clarifier ses positions, Sea Shepherd devrait répondre à ces questions simples :
La vie d’un surfeur vaut-elle moins que la vie d’un requin ?
– Doit-on interdire le surf partout où il y a des requins potentiellement dangereux ?
– Doit-on se résigner aux attaques de requins en série ?
– Doit-on rendre certaines espèces de requins non menacés « tabou » et en interdire totalement la pêche ?
– Considérez-vous la pêche en général comme un crime ?
– Doit-on tous arrêter de manger du poisson et tous devenir végétaliens ?

Si la réponse à l’une de ces questions est oui, il est fort probable qu’une grande partie des surfeurs n’adhèrera pas à ces thèses extrémistes qui font passer l’homme après l’animal.

L’incompréhension est telle dans le milieu du surf qu’une partie des surfeurs réunionnais a appelé au boycott du magazine français Surf Session suite à la publication d’un bulletin d’adhésion à Sea Shepherd dans le numéro de décembre 2011, pris comme une provocation si peu de temps après les attaques et les outrances.

Il faut quand même rappeler que Surf Session avait publié dans le numéro précédent de novembre 2011 (photo de couverture dans l’article), un dossier sur les attaques de requins à La Réunion dans lequel toutes les parties ont eu droit à la parole. En réponse aux propos de Lamya Essemlali, la réaction d’Hugo Savalli avait notamment été publiée : « Nous sommes accusés de vengeance, de lâcheté, de vouloir massacrer les requins… Vous parlez de nous comme des gens ignorants, irrespectueux de la Nature… Qui êtes-vous pour vous exprimer ainsi face à des personnes qui vouent leur vie à l’Océan. »

Quand on constate les conséquences de cette polémique, on ne peut que la déplorer. Mais si l’on veut sortir de cette crise, il faudra rétablir le dialogue et que tout le monde puisse s’exprimer librement dans le respect mutuel. La discussion devra aller au-delà des a priori des uns ou de l’intolérance des autres. Mais si nous continuons à nous tirer dans les pattes, tout le monde sera perdant et c’est la préservation de la faune marine qui nous préoccupe tous qui en pâtira.

Plus d’infos : http://www.surfinglife.com.au/news/asl-news/6661-fuzzy-wuzzy-whales-and-the-sea-shepherd

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