Qui après une longue session ou la reprise du surf n’a jamais ressenti cette tension dans le bas du dos, cette sensation de raideur et les courbatures le lendemain ? A nouveau, dans le cadre de sa pratique, quel surfeur n’a jamais ressenti le besoin de s’étirer ?

Il suffit d’observer les surfeurs de nos plages, avant ou après leur session, pour s’apercevoir que les étirements, comme dans beaucoup d’autres sports, tiennent une place importante dans leur préparation.

Au vu des pros surfeurs qui sont de véritables « élastiques », il semble que ces techniques, plus qu’un moyen d’entretien de mobilité, soient l’outil nécessaire à l’obtention d’une souplesse articulaire, elle-même indispensable à certaines manœuvres de la discipline.

Pourquoi, quand et comment s’étirer ? Actuellement au cœur du débat dans le milieu sportif, les étirements font régulièrement l’objet de ces questions dans bon nombre d’études scientifiques. Mais qu’en est-il de la pratique des étirements dans notre sport ? Quelles sont les techniques privilégiées par les surfeurs et quand sont-elles mises en place ? Sont-elles efficaces dans le cadre de la prévention des douleurs lombaires ?

Modalités de l’enquête réalisée par Arthur DIEUL, kinésithérapeute (version complète visible en bas d’article) :

Au mois d’octobre 2014, un questionnaire Google Drive a été diffusé par le biais de la page Facebook de Surf Prévention. Dans un premier temps, l’objectif de l’enquête était de faire un état des lieux des douleurs lombaires ressenties par les surfeurs et des modalités des étirements qu’ils pratiquent.

Plus de 500 réponses ont été recueillies, permettant l’élaboration d’une base de données suffisante pour étudier les douleurs lombaires de deux populations : les surfeurs qui s’étirent et ceux qui ne s’étirent pas. La question étant : « quel est l’impact des techniques d’étirement sur les douleurs lombaires des surfeurs ? »

Le travail qui résulte de ce questionnaire d’enquête a été effectué en vue de l’obtention du diplôme d’Etat de Masseur Kinésithérapeute. Il s’agit ici d’un résumé des résultats qui sont exposés dans le travail écrit original ; il ne comprend pas les résultats en lien avec la préparation physique et les activités complémentaires.

Caractéristiques de la population analysée :

Au total 519 réponses ont été retenues, dont 438 hommes et 81 femmes d’en moyenne 28,5 ± 8,6 ans. (mini 18 ans, maxi 64 ans)

Dans cette population, on suppose une bonne expérience de la discipline :

– 45% des surfeurs interrogés se disent d’un niveau « confirmé »

– 46% ont un niveau « intermédiaire »

– 8% de surfeurs débutants et 1% de professionnels.

39% d’entre eux pratiquent depuis plus de 10 ans, 33% depuis 5 à 10 ans, et 52% déclarent surfer entre 9 et 12 mois par an. La durée moyenne des sessions est comprise entre 1 et 2h dans 50%, et entre 2 et 3h dans 40% des cas.

62% des surfeurs interrogés utilisent une shortboard. Ces planches permettant une glisse plus rapide et une pratique plus radicale, seront plus sollicitantes pour l’ensemble de l’appareil musculosquelettique du surfeur.

23% utilisent une longboard, 11% des personnes interrogées sont des bodyboardeurs et 4% ont une pratique mixte (shortboard et longboard) ou utilisent un autre type de matériel (Malibu, guns, SUP…).

Le type de matériel semble jouer un rôle non négligeable dans l’apparition des douleurs lombaires. Plusieurs réponses enregistrées précisent l’abandon, en lien avec la douleur, du shortboard ou du bodyboard pour le longboard ou le SUP.

Caractéristiques des douleurs lombaires autour de la pratique :

Dans cette partie du questionnaire, nous cherchons à savoir si le surfeur a déjà souffert de douleurs lombaires dans le cadre de sa pratique et si oui, le moment et les actions qui réveillent cette douleur.

Son intensité sera évaluée par le biais d’une échelle numérique (EN) allant de 0 à 10, avec 10 la plus forte douleur imaginable.

69% des surfeurs interrogés disent avoir déjà ressenti des douleurs lombaires liées à leur pratique. 34% estiment ces douleurs gênantes pour leur pratique. En moyenne, elles sont évaluées à 3,4/10 ± 1,7 sur l’EN. Quant à leur fréquence d’apparition, 44% des surfeurs de l’enquête se plaignent de douleurs occasionnelles, 19% s’en plaignent souvent et seulement 4% à chaque session.

douleurs lombaires surf

La majorité de ces douleurs sont attribuées aux séquences de rame, qui représente entre 40 et 50% du temps de pratique (valeur indicative, variable selon les auteurs).

Cette action nécessite une contraction prolongée en position courte de l’ensemble des muscles érecteurs du rachis. Associée à la posture en hyper extension globale, cette action sera source de déséquilibre pour la statique rachidienne du surfeur et pourra être à l’origine des douleurs, dans un premier temps musculaire, mais pouvant se chroniciser et s’aggraver.

Remarque : à l’inverse, cette posture peut devenir antalgique chez certaines personnes, qui se disent soulagées par la pratique du surf, l’hyper extension pouvant soulager les disques intervertébraux et renforcer la musculature dorsale.

Pathologies rencontrées lors de l’enquête :

Parmi les 519 réponses retenues, 77 surfeurs se disent porteurs d’une pathologie lombaire diagnostiquée par un médecin, soit 15% de la population étudiée. Rien ne prouve le lien entre le déclenchement de ces pathologies et la pratique du surf. Il est également possible que la pathologie ait été présente avant le début de l’activité sportive ; cependant, 55% de cette population pratique le surf depuis plus de 10 ans. La moyenne d’âge y est de 33,6 ± 9,8 ans.

Pathologies relatées par les surfeurs dans le questionnaire d’enquête:

* Arthrose
* Compression discale
* Discopathie
* Hernie discale
* Protrusion discale
* Lombalgie
* Lumbago
* Lyse isthmique bilatérale
* Sciatique
* Scoliose
* Spondylolisthésis
* Syndrome des facettes articulaires
* Tassement vertébral
* Fracture

Modalités de pratique des étirements autour du surf :

Tout d’abord, les résultats nous confirment qu’il s’agit d’une pratique répandue, 64% des personnes interrogées s’étirent, et 57% d’entre eux le font 2 fois par semaine ou plus.

etirements surf

Les résultats obtenus quant au moment de pratique et au mode d’étirement choisi montrent une pratique très hétérogène. On observe cependant une tendance à s’étirer avant de se mettre à l’eau.

De même pour le mode d’étirement, les étirements statiques tenus moins de 20 secondes semblent être favorisés par les surfeurs ; on retrouve très peu d’adeptes des étirements de type contracté relâché (méthode CRE ou CRAC), Mézières et autres …

Difficile de tirer des conclusions de ces analyses, d’autant plus que les questions mentionnées étaient à réponses multiples. Divers biais méthodologiques apparaissent alors.

Impact des étirements sur les douleurs lombaires du surfeur :

Remarque : Pour plusieurs raisons, nous décidons d’exclure les surfeurs porteurs de pathologies lombaires de cette partie. Ces surfeurs présentent des douleurs lombaires plus fréquentes et plus importantes. Une fois la pathologie diagnostiquée, ils rentrent dans le cadre de la prévention secondaire ou tertiaire et non dans celui de la prévention primaire qui nous intéresse ici.

Approche statistique globale :

Afin d’obtenir un aperçu global de l’impact des étirements sur les douleurs lombaires chez le surfeur, nous décidons de séparer notre population en deux parties :

* Le groupe A comprenant 273 personnes, pratique des étirements.

* Le groupe B comprenant 169 personnes, n’en pratique pas.

La moyenne d’âge du groupe A est de 28,4 ± 8,0 ans. Celle du groupe B est de 26,5 ± 7,9 ans.

L’intensité des douleurs du groupe A est de 3,3 ± 1,5 sur l’EN, celle du groupe B de 3,2 ± 1,6.

Notre première hypothèse est que le groupe A (66%) est plus sujet aux douleurs lombaires que le groupe B (60%).

* La différence n’est pas statistiquement significative.

Notre deuxième hypothèse porte sur la fréquence d’apparition de ces douleurs. 72% des douleurs du groupe A sont occasionnelles contre 66% dans le groupe B.

* A nouveau la différence statistique n’est pas significative.

Un test de Chi – 2 est utilisé pour les comparaisons de distributions des douleurs lombaires et de leur fréquence entre les deux groupes. Le seuil de significativité retenu est p < 0,05.

A l’aide de graphiques, nous avons également apprécié le moment d’apparition des douleurs lombaires au court de la session dans les deux groupes. Les tendances des deux graphiques étaient similaires.

Nous ne pouvons donc tirer aucune conclusion de ces premières analyses.

Cependant, 32% du groupe A disent avoir mis en place des étirements ou un échauffement à cause de douleurs lombaires déjà existantes, ce qui constitue un nouveau biais méthodologiques.

Impact du moment et du mode d’étirement :

Nous nous sommes ensuite demandé, si les étirements, mal choisis par le sportif, seraient eux-mêmes la cause des douleurs ; notamment avant l’effort. Car en plus du moment de pratique autour de l’effort, le type d’étirement imposé aux muscles a son importance selon l’effet recherché.

Pour cela nous décidons de pousser nos analyses. Grace à l’important nombre de réponses récoltées, nous pouvons séparer notre population en 4 différents groupes :

* Le Groupe A’ s’étire avant la session.

* Le Groupe B’ s’étire juste après la session.

* Le Groupe C’ s’étire les jours suivant la session.

* Le Groupe D’ s’étire en dehors des périodes de surf.

Chaque groupe comprend 4 sous-groupes :

* Le sous-groupe 1 pratique des étirements statiques tenus moins de 10 secondes.

* Le sous-groupe 2 des étirements statiques tenus entre 10 et 20 secondes.

* Le sous-groupe 3 des étirements statiques tenus plus de 20 secondes.

* Le sous-groupe 4 des étirements dynamiques, type balistique.

Les réponses « autres » n’ont pas été comptabilisées car trop peu nombreuses. La moyenne de réponses dans chaque sous-groupe est de 32,4 ± 14,4.

A nouveau nous décidons de comparer ces populations sur les trois informations suivantes : le fait qu’elles soient sujettes aux douleurs lombaires, la fréquence d’apparition de celles-ci et leur moment d’apparition autour de la session.

L’analyse des tendances observables sur les graphiques ne semblant pas différente d’un groupe à l’autre, nous décidons de ne pas poursuivre les études statistiques.

En conclusion

Aucun résultat statistiquement significatif n’a pu être obtenu. Cependant nous avons observé certaines tendances dans la pratique des étirements pouvant être en lien avec l’apparition de douleur lombaire du surfeur ; en particulier, le fait que ces techniques soient utilisées juste avant l’effort. La qualité de leur réalisation peut également être mise en cause.

Aussi, il aurait été intéressant de savoir dans quel but les étirements sont pratiqués (gain d’amplitude, simple entretien articulaire, récupération, bien-être) afin d’évaluer la concordance avec le moment et le mode d’étirement choisi.

On notera particulièrement le fait que les surfeurs interrogés pratiquent les étirements de manière très hétérogène, à tout moment et sur des modes différents. Cela peut être interprété comme un manque d’informations sur les modalités de pratique et les effets délétères que peuvent avoir ces techniques dans le cadre d’une pratique mal appropriée.

Enfin, on pourrait émettre l’hypothèse que les étirements n’ont aucun effet sur l’apparition des douleurs lombaires.

Quelques axes de prévention :

Une idée fait cependant l’unanimité : l’absence totale d’étirement entraîne l’installation de raideurs. Dans une activité comme le surf, nécessitant une certaine souplesse, de bonnes amplitudes articulaires permettent une sollicitation des structures inférieures à leur capacité maximale et donc un meilleur maintien de leur intégrité.

Par exemple : un surfeur très raide au niveau des membres inférieurs se verra contraint de compenser ce manque par de plus amples mouvements dans les articulations supérieures (région pelvienne, lombaire, voire thoracique), entraînant des contraintes plus importantes pouvant, à long terme, être à l’origine de douleurs récurrentes.

Afin d’éviter de telles compensations, il semble donc recommandé pour le surfeur d’entretenir de bonnes amplitudes globales.

Comme mentionné plus haut, la pratique des étirements n’est pas sans risque : l’utilisation d’un mauvais mode d’étirement au mauvais mouvement peut aller à l’inverse de l’effet recherché…

Dans un premier temps, il faut être attentif quant à l’objectif que l’on se fixe en pratiquant les étirements, car cet objectif conditionnera le protocole d’étirement à utiliser.

Quelques exemples :

A visée d’entretien articulaire : on favorisera des techniques passives d’amplitudes modérées, de courte durée (au maximum 20 secondes) et non répétées. De préférence à 36 h de la session.

Pour gagner en souplesse, on pourra privilégier des étirements passifs de longue durée (1 à 5 minutes), de type posture, dans des amplitudes plus importantes, en restant toujours infra douloureux. Ces techniques interviendront à distance de l’effort (minimum 36 h).

Egalement possible des techniques type « activo-passive » (étirement statique faisant intervenir une contraction du muscle étiré ou bien du muscle antagoniste), toujours à distance des sessions. Ces techniques sont parfois difficiles à mettre en place seul.

Avant l’effort : Si le besoin en est ressenti, il faudra favoriser des étirements dit « balistiques », dans des amplitudes sous maximales, au minimum 1h avant la session. A ce moment, les postures passives et les étirements longs sont à proscrire ! (Ils ne permettront pas la montée en température correcte du muscle lors de l’échauffement.)

Enfin, il est préférable de ne pas étirer un muscle déjà en souffrance (exemple d’un muscle courbaturé). Les recherches existantes concluent toutes sur l’inefficacité des étirements en prévention et en traitement des courbatures.

Une place pour le renforcement musculaire :

Une bonne routine d’étirement est tout à fait compatible avec des exercices de renforcement musculaire. Ces exercices doivent cependant être adaptés au niveau de pratique du surfeur et à la masse musculaire pré existante.

Exemple : un surfeur expérimenté sollicitera les muscles rotateurs du tronc dans de grandes amplitudes lors des manœuvres, contrairement au surfeur débutant, qui lui passera plus de temps en position allongée et donc devra fournir plus d’effort aux niveaux des muscles extenseurs du rachis.

Les exercices à effectuer ne cibleront donc pas les mêmes groupes musculaires et n’auront pas la même intensité.

Il restera intéressant chez tous les surfeurs de renforcer le caisson abdominal (muscle transverse de l’abdomen en priorité), qui permettra le verrouillage et la protection de la région lombaire, ainsi que la chaîne d’extension, sollicitée de manière importante à la rame, quelques soit le niveau de pratique.

Pour finir, nous tenons à remercier tous les surfeurs et surfeuses ayant donné de leur temps pour répondre à cette enquête, ainsi que Surf Prévention sans qui nous n’aurions pas pu avoir un aussi grand nombre de données à exploiter.

Il s’agit ici d’un résumé du travail initial, effectué dans le cadre de l’obtention du diplôme d’Etat de masseur kinésithérapeute. N’hésitez à laisser vos impressions dans un commentaires, ou bien à me contacter par email : ardieul@gmail.com

Lire la version intégrale de ce Travail de Fin d’Etudes :

etirement surfeur

Bibliographie (extrait)

* Geoffroy, C., 2015. Guide pratique des étirements, méthodes et exercices pour tous. 6ème éd. s.l.:C.Geoffroy.

* Messina M. Ecouter pour mieux articuler son corps. Surfer’s Journal, octobre 2012, p 98 – 101

* Bruchard A, Morichon A, Douville A, Le Corre E, Da Silva J. Etirements musculaires, questions réponses selon les études. Kiné Actu, Issue n°1386, 2014 p. 20 à 23.

* Douville de Franssu A, 2013. Etirements: encore et toujours!. [En ligne] Available at: http://www.kinesport.info/Etirements-encore-et-toujours-_a2066.html

A propos de l'auteur :

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3 Commentaires

  1. Oluvier dit :

    Moi ça fait 25 ans que je surf et enseigne le surf… J’ai des gros problèmes aux lombaires, 10 ans de souffrance qui se sont terminés par une arthrodèse L4L5, et progressivement les étages au dessus s’esquintent…
    Mais le surf Ç trop bon, vive le surf!!

  2. matt dit :

    salut et bravo pour cet article super intéressant. Cependant j’ai déjà testé les étirements avant, balistique, échauffement, gainage, yoga etc sans résultats. La seule chose qui marche c’est le Mézières!! Par contre surtout pas d’ostéopathie type craking trop dangeureux…

  3. Arthur dit :

    Salut Matt.
    En effet en fonction des cas il est tout à fait probable que la méthode Mézières soit efficace !
    Attention cependant de bien pratiquer ces étirements de longue durée à distance de l’effort 😉

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